« Chroniques fidèles survenues au siècle dernier à l’hôpital psychiatrique Blida-Joinville, au temps où le Docteur Frantz Fanon était chef de la cinquième division entre 1953 et 1956 », un film d’Abdenour Zahzah
Sortie nationale : mercredi 23 juillet 2025
Avant-première : mardi 22 juillet 2025 à 20 h, cinéma Saint-André-des-Arts, Paris
Docteur Frantz Fanon
Le réalisateur algérien Abdenour Zahzah met en lumière la genèse de l’engagement anticolonial du jeune psychiatre noir à l’hôpital de Blida-Joinville de 1953 à 1956.
En 1953, Frantz Fanon prend le poste de cinquième médecin-chef à l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville. Français d’origine martiniquaise, il se heurte rapidement à la réalité coloniale de l’Algérie française, notamment aux principes de l’école d’Alger de psychiatrie. Fondée en 1933 par Antoine Porot, celle-ci se base sur la théorie raciale du primitivisme, qui considère le Nord-Africain comme un être végétatif et impulsif, dépourvu de morale.
Dans cet hôpital, les méthodes employées sont jugées désuètes par Fanon : « Le temps où la psychiatrie était uniquement liée à l’hygiène est révolu. » En opposition, il pratique la psychothérapie institutionnelle, héritée de François Tosquelles, où l’on ne distingue plus, afin de faciliter leur réintégration sociale, les soignés des soignants. Il aménage un terrain de football et des ateliers de couture, organise des sorties dans la nature, prévoit une messe de Noël commune au personnel et aux internés. Il lutte contre la dépersonnalisation et la déshumanisation – effets psychologiques du système colonial sur ceux qui le subissent – en interdisant par exemple l’usage de sobriquet pour désigner les patients, ou en leur faisant porter leurs propres vêtements. S’il rencontre des oppositions, le personnel et certains collègues de sa génération finissent par adhérer à ces changements.
À travers son travail de psychiatre, Fanon développe sa pensée politique. À ses yeux, « un pays colonial est un pays raciste ». Il ne s’étonne donc pas de constater qu’à Blida, les patients français et musulmans sont séparés dans des pavillons différents. Il l’explique simplement : « L’hôpital ressemble au reste du pays : quartiers européens pour une minorité, villages nègres pour le reste de la population. »
À mesure que le film progresse, les tensions s’accentuent. Bien que l’État français ne le reconnaisse pas encore, la guerre se répand en Algérie. Elle s’infiltre peu à peu au sein de l’hôpital. Certains membres du personnel se rallient au Front de Libération Nationale (FLN), quitte à y laisser la vie. Sensible à la cause, Fanon accepte de soigner les militants algériens. L’un d’eux, traumatisé par le viol des femmes de son village, se fait interner volontairement. On le sollicite également pour examiner deux adolescents algériens avant leur jugement. Trop jeunes pour rejoindre les maquis, ils assassinent leur ami français en représailles du massacre de Rivet, où une trentaine d’Algériens sont tués par une milice française.
En parallèle, face à l’augmentation du nombre d’actions du FLN, les forces de l’ordre multiplient les interrogatoires, où la torture devient monnaie courante. Les effets sur ceux qui la pratiquent sont inquiétants : un commissaire se met à battre sa famille, ne supportant plus que l’on s’oppose à lui. Fanon accepte de soigner les tortionnaires et se sert de cette expérience pour collaborer, à partir de 1957, à l’organe central de presse du FLN en tant que spécialiste des problèmes de torture. Cet aspect de son engagement n’est toutefois pas montré dans le film, le récit s’arrêtant en 1956. Si on devine de la part du réalisateur une volonté de se rapprocher du documentaire, par le choix d’un long titre descriptif, du noir et blanc, ou d’ajout d’images d’archives, l’œuvre reste discrète sur les liens entre Fanon et le FLN. Leur première et seule apparition commune, 15 minutes avant la fin, ne permet pas de définir la nature de leur relation. Le choix de l’implicite est donc fait, quitte à laisser les spectateurs peu familiers du personnage avec quelques interrogations.
Source : L’Histoire – 20/07/2025 https://www.lhistoire.fr/cin%C3%A9ma/docteur-frantz-fanon
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