Rencontre-débat : Pour la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans le recours à la torture – Guerre d’Algérie – 19/03/2025, Paris

Le Collectif des associations de l’appel du 4 mars (https://anpnpa.fr/relance-appel-du-4-mars/) vous invite à une rencontre-débat 
Mercredi 19 mars 2025, à 18h
Auditorium de l’Hôtel de ville de Paris (entrée par le 5 rue Lobau)
Métro : Hôtel de ville, sortie n°6 rue de Lobau

Plus de 60 années écoulées depuis la fin de la guerre d’Algérie n’ont pas permis aux peuples des pays anciennement colonisés et au peuple français de construire une vision partagée de cette histoire tragique. L’établissement de liens fraternels avec les peuples des anciens pays coloniaux, de liens amicaux entre les jeunes de nos pays respectifs, passe par une prise de conscience véritable de ce passé colonial et par la reconnaissance de la responsabilité du gouvernement français de l’époque dans le recours à la torture durant la guerre d’Algérie.

Marseille : Au studio Rex, les clichés oubliés de l’immigration maghrébine – Jusqu’au 01/03/2025

« Ne m’oublie pas – studio Rex, Belsunce Marseille »
Bibliothèque Alcazar BMVR, 58 cours Belsunce, Marseille
Jusqu’au 1er mars 2025

À Marseille, l’exposition « Ne m’oublie pas », jusqu’au 1er mars à la bibliothèque Alcazar, met à l’honneur la mémoire collective des parcours d’hommes et de femmes immigrés. Accostant au quai de la cité phocéenne dans les années 1960-1980, ces anonymes laissent pour seules traces des milliers de photos dans un studio du centre-ville. L’histoire entremêlée du Rex et de l’immigration.

« De cette houle cosmopolite, il ne reste ni nom, ni date, ni récit […] Grâce à ces photos de la preuve, de la trace et du souvenir, se retisse alors le dialogue entre les deux rives méditerranéennes  »[1]. Si une image vaut mille mots, il nous suffit de quelques regards pour évoquer tout un pan de l’histoire de l’immigration française. Et d’histoires personnelles de milliers d’hommes et de femmes abandonnant dans leur parcours d’exilés des dizaines de milliers de photographies prises entre 1966 et 1985 dans le studio Rex.

« De ces photographies, nous n’étions pas les destinataires. Elles sont là, bien malgré elles ou par la force des hasards de l’Histoire, des histoires… Sommes-nous alors transmués en regardeurs insolents, voyeurs, voleurs d’images ? » [2]. Il y a dix ans, Jean-Marie Donat, éditeur, passionné de photos vernaculaires, achète un lot de négatifs du studio Rex dans le réseau de collectionneurs locaux. Les photographies feront l’objet d’une première exposition lors des Rencontres photographiques d’Arles en 2023 – et d’un catalogue fourni, Ne m’oublie pas, coordonné par Jean-Marie Donat. Leur parcours d’exposition les fait revenir à Belsunce deux ans plus tard, à l’Alcazar.

Belsunce, où se sont trouvés le studio Rex et le lieu d’exposition actuel de son fonds d’archives, est une zone de transit entre la gare Saint-Charles et le Vieux-Port, qui comptait plusieurs hôtels ayant accueilli des milliers d’émigrés lors de leur arrivée à Marseille. Ces archives content une histoire de la France aux noms oubliés, mais dont les regards, les visages et parfois aussi les sourires offerts à l’appareil photo ont résisté à l’épreuve du temps.

Une affaire de famille

Assadour Keussayan, né en 1907, fuit le génocide arménien, et arrive à Marseille dans les années 1920, au cœur du quartier populaire de Belsunce. Après une formation auprès d’un photographe, il ouvre son propre studio, le Rex, en 1933. Il connaît un succès rapide en raison de son emplacement, proche d’un centre administratif où étaient établis les permis de séjour et de travail. Le studio reste ouvert sept jours sur sept, accueillant une clientèle composée à 80 % d’immigrés, majoritairement maghrébins mais aussi subsahariens (Mali, Sénégal, Niger, Côte d’Ivoire) et comoriens. La demande ne faiblit pas. Durant les années 1960 débarquent les premières grandes vagues d’immigration en provenance d’Afrique du Nord, marquées par la fin de la guerre d’Algérie et le besoin en main-d’œuvre immigrée de la France.

Et l’histoire de l’immigration de se mêler à la pérennité du studio. Souvent, le parcours administratif des exilés en transit les amène à rester quelque temps à Belsunce où ils doivent faire leurs papiers, avant de trouver un emploi et de quitter Marseille. Entre-temps, ils passent au studio Rex, pour finaliser leur dossier de demande de permis de séjour, ou s’offrir un photomontage, ou encore des photos studio en famille pour les envoyer à ceux restés au pays.

Assadour Keussayan forme sa fille, Germaine, à la retouche des photographies, et son fils, Grégoire, à la prise de vue, au tirage et à la retouche des montages rehaussés aux pastels, qui feront le succès du Rex. Le studio devient une affaire familiale. « Voir ces portraits de famille des acteurs du studio Rex, c’est assurément lire et comprendre en écho le travail photographique réalisé avec modestie, professionnalisme, et justesse par la famille Keussayan. »

Quarante ans d’archives de l’immigration

« Venir dans son meilleur costume sur cette scène, ce plateau de photographe, c’est investir le théâtre d’un témoignage visuel épistolaire pour annoncer à distance que la famille s’est agrandie, garder trace pour soi d’une union, d’un temps de l’affect que l’on capture pour l’indexer au Panthéon des souvenirs remarquables. » Plus d’une centaine de photos de studio ont été sauvées de l’oubli. À leurs côtés ont également été conservées dans les archives quelque 700 photos de portefeuille, aussi appelées « images-talismans » apportées par les migrants au studio pour en faire des fac-similés. Lorsque leurs propriétaires ne venaient pas les réclamer, la plupart du temps déjà repartis de Marseille, elles étaient conservées par le Rex. Un archivage minutieusement mis en place, à partir de 1965, par Grégoire Keussayan, qui reprend l’affaire familiale jusqu’à sa fermeture dans les années 2000.

Le lot le plus impressionnant est celui des 10 000 photos d’identités destinées à la préparation des papiers administratifs en France. Les hommes et femmes y sont rarement souriants, se tiennent droit devant l’objectif, prennent la pose. Un exercice comme rite de passage universel de tout immigré. À travers leur exposition sur un large tableau noir face au visiteur qu’ils fixent de leur regard prédomine le souci de « lier l’intime à la preuve historique » à travers un « travail mémoriel iconographique de grande ampleur ». Cette exhumation des portraits est celle d’autant d’expériences de l’exil.

« À Belsunce, l’invitation républicaine faite à tout étranger afin qu’il parcoure les moments et les lieux qui le débarrasseront de ses façons, de son statut d’Autre, pour nous rejoindre dans cette claire citoyenneté juridique française, ne fait ni sens ni écho. Désigner ces Autres, en ce lieu, nécessite désormais la reconnaissance en nos espaces de l’existence de communautés étrangères, définitivement à distance de nos conceptions de l’identité nationale » [3]. Marquée par les vagues d’émigration qui suivent l’indépendance de l’Algérie en 1962, encouragée par les besoins en main-d’œuvre de l’économie française en pleine expansion, Marseille s’impose comme le passage incontournable de dizaines de milliers de Maghrébins. Et le paysage urbain de la ville de se transformer davantage, ses populations émigrées en transit se concentrant dans les quartiers du centre comme Noailles ou Belsunce. « Comme le Chicago des années 1920, Marseille par ce dispositif peut être considérée comme un vaste atelier où des citadins neufs se fabriquent les cadres éthiques, culturels et relationnels d’une “citadinité” à la mesure de leurs échanges. » [4].  

Un « grand comptoir algérien et africain  » [5] où se développent commerces, boutiques de grossistes et détaillants entre la gare et le port. Mais à la fin des années 1980, l’instauration du visa pour les voyageurs algériens vers la France ralentit l’activité du quartier, alors que ces derniers étaient encore 50 000 chaque semaine à gagner Marseille au début des années 1980[6]. Décélération toutefois relative de l’immigration maghrébine, qui connaît dans les années 1990 un nouvel élan. Comme une mise en abyme, cette exposition est celle du point de jonction de mille trajectoires de migrations qui, à un moment, se sont arrêtées à Belsunce, avant de repartir ou de s’y établir. A l’origine d’ordre pratique, ces photos prises il y a soixante ans sont aujourd’hui des œuvres d’art, témoins d’une mémoire.

Sophie Boutiere-Damahi

Notes

  1. Le collectionneur Jean-Marie Donat dans l’introduction que l’on peut lire à l’entrée de l’exposition «  Ne m’oublie pas – studio Rex, Belsunce Marseille  », bibliothèque Alcazar BMVR, 58 cours Belsunce, Marseille, jusqu’au 1er mars 2025.
  2. Sauf mention contraire, les citations sont extraites des cartels de l’exposition écrits par Émilie Goudal, chercheuse, dont les travaux portent sur l’interpénétration entre art, socio-histoire, politique et enjeux de mémoire(s) depuis le contexte de la décolonisation.
  3. Alain Tarrius, Michel Peraldi, «  Marseille et ses étrangers  », Revue européenne des migrations internationales, vol. 11, n°1, 1995.
  4. Alain Tarrius, Michel Peraldi, «  Marseille et ses étrangers  », op.cit..
  5. Alain Tarrius, Michel Peraldi, «  Marseille et ses étrangers  », op.cit..
  6. Thibault Bechini, «  Empreintes de Marseille migrante (XIXe-XXe siècles)  », Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe, 23 juin 2020.

Source : Orient XXI – 13/02/2025  https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/le-studio-rex-les-cliches-oublies-de-l-immigration-maghrebine,7998

Quand on était enfants – Mohamed Djellal

En 1954, lorsque la guerre d’Algérie éclate, elle engendre un climat de peur et d’angoisse au sein des populations . La mort frappe en aveugle et n’épargne rien, ni personne. Marithé, Zohra, Marcel, Achour et Bernard sont nés et ont grandi en Algérie pendant cette période qui s’étend de 54 à 62. Enfants, ils sont confrontés à la mort, celle des autres ou celle des leurs.

A la face hideuse de cette guerre, Marithé, Zohra, Marcel, Achour et Bernard opposent un autre visage, celui du désir de vivre, de rire, de jouer dans la rue, d’aller à l’école et à la plage et de nouer des amitiés quelle que soit l’origine : arabes, juifs, français et pieds noirs. Des enfances où « mort et vie » constituent le quotidien de tout enfant qui a vécu dans la guerre.

Sur une idée originale de Mohamed Djellal

Réalisation : Mohamed Djellal

Essais nucléaires français en Algérie : un vaste et mortel héritage colonial – Salima Tlemcani

Le 13 février 1960, alors que l’Algérie était toujours sous occupation, le président français, Charles de Gaulle, donne le coup d’envoi à son premier essai nucléaire à l’air libre, à Reggane, au sud du pays, auquel  a été donné le nom de code « Gerboise bleue », suivi, jusqu’en avril 1961, de trois autres essais : « Gerboise blanche », « Gerboise rouge » et « Gerboise verte », où des Algériens, mais aussi des animaux ont servi de cobayes.

A partir de décembre 1961, la France a effectué d’autres essais souterrains, menés dans des tunnels, que des ouvriers algériens et africains, ont creusés au cœur du massif rocheux d’In Ecker, et ce, jusqu’en 1966. 

Les 17 tirs nucléaires atmosphériques et souterrains (dont 11 après l’indépendance) ont eu de graves répercussions sur les habitants et l’environnement, contaminés par les déchets radioactifs des immenses décharges et sites d’expérimentation abandonnés sur les lieux. 

Plus de 60 ans après, les experts tirent toujours la sonnette d’alarme sur les effets de la radioactivité sur la vie, pas seulement dans le périmètre de Reggane et d’In Ecker, mais dans de nombreux pays, y compris de l’Europe, qui reçoivent les nuages chargés de sable radioactif. Lors d’une conférence-débat organisée hier, à Alger, par l’Organisation nationale des enfants de chouhada (Onec), sur le sujet, Khelifa Smati, secrétaire général de cette organisation, a rappelé à une assistance avertie, qu’il n’y a pas que  In Icker et Reggane, qui ont été utilisés par l’armée française, mais plusieurs autres sites, citant entre autres, Hamoudia, Talanoufela, « où des crimes abominables ont été commis et leurs effets continuent à ce jour, à faire d’autres victimes ». 

Pour lui, « la France doit reconnaître ses crimes qui sont aussi nombreux que divers ». Il plaide pour la loi sur la criminalisation de la colonisation, mise sous le coude depuis octobre 2021, pour qu’elle soit promulguée. Spécialisé dans l’engineering nucléaire, Dr Mansouri  commence son exposé par un article paru cette semaine, dans la presse libyenne, qui évoque les conclusions d’une étude de l’Université française Paris-Sacré, sur un nuage de poussière nucléaire eu Europe, qui a démontré qu’il s’agissait de poussière de sable venue des sites radioactifs du Sud algérien. 

L’intervenant explique que les essais nucléaires français au Sahara n’ont pas été effectués dans des zones désertiques. « Contrairement à ce que disent les Français, les régions où se trouvent les sites d’expérimentation étaient habités par des populations qui pratiquaient   l’agriculture saharienne et où il y avait des animaux », lance Dr Mansouri, en faisant passer des diapositifs qui montrent, photos d’époque à l’appui, des oasis et des hommes qui cultivent la terre. 

« Ce sont des armes à destruction massive latente. Je parle du moment de l’explosion et non pas des effets de ses explosions. De Gaulle a créé sa commission nucléaire, 70 jours après la bombe larguée sur Nagasaki, et en décembre 1957, il a installé le centre scientifique des essais nucléaires. 

Il a choisi le sud du pays, parce qu’il était dans cette logique de séparer cette partie du territoire du Nord. 14 tunnels ont été creusés, par des ouvriers algériens et africains, dans le mont d’In Ecker, où des essais, appelés Gerboise Bleue, Gerboise blanche, Gerboise rouge et Gerboise verte, ont été effectués. Gerboise Bleue comporte 70 000 tonnes d’explosif. Un volume, alors que les explosions souterraines sur plus d’un kilomètre ont provoqué l’émanation d’un immense nuage, auquel personne ne s’y attendait », déclare Dr Mansouri, en exhibant des photos en noir et blanc, montant un immense champignon s’élevant vers le ciel. 

« Sur le site, il y avait 2000 personnes entre militaires et civils et le nuage a été poussé jusqu’en Libye », explique le conférencier, avant de lancer : « Ce sont des crimes contre la vie et non pas contre l’humanité. Il y a eu 4 explosions souterraines ayant ciblé le mont Tanafak et d’autres encore. On estime à 800 000 tonnes d’explosif utilisées et 6 accidents nucléaires, 24 000 militaires et civils mobilisés, 14 000 à In Ecker et 150 Algériens ramenés de Sidi Bel Abbès, utilisés comme cobayes. Après 1966, la France a laissé ses déchets nucléaires, des kilomètres de cuivres irradiés qui ont provoqué des cancers chez les personnes qui les ont pris pour en faire des bijoux et les touristes qui ont acheté ces derniers. De 2010 à ce jour, un seul Algérien a été indemnisé, une femme dont le mari travaillait avec les Français. 

2225 victimes de contamination nucléaire recensées

A ce jour, ces décharges nucléaires font encore des victimes, et ce, sur des générations.» Le conférencier affirme qu’en septembre 1999, l’Agence internationale de l’énergie atomique a demandé le nettoyage et la surveillance des sites nucléaires. Ce que la France a fait en Polynésie, mais pas en Algérie, dit-il. «Suite aux recommandations de l’AIEA, une commission a été dépêchée, mais son rapport n’a été rendu qu’en 2005, alors qu’il devait être achevé dans les dix jours qui suivent son retour. 

En 2009, un laboratoire international a pris les mêmes échantillons que ceux pris par la commission de l’AIEA, au bout de dix jours, il a rendu ses conclusions. Les données de celles-ci montrent une large différence entre celles de la Commission qui s’est vu obligée de s’expliquer, en disant qu’il s’agit d’erreur d’imprimerie». Le journaliste Mountasar Oubatroun, spécialisé dans le sujet, s’attarde sur la politique du déni adoptée par la France, qui de tout temps a tenté de minimiser les effets dévastateurs de ses décharges et de ses essais nucléaires au sud du pays. 

Pour lui, les explosions de Gerboise Blanche ont été les plus nuisibles et leurs effets continuent à ce jour de faire des victimes. Le journaliste dément formellement la thèse qu’il y a eu une clause secrète qui a permis à la France de poursuivre ses essais nucléaires après l’indépendance. « J’ai eu des entretiens avec de nombreux négociateurs des Accords d’Evian, et tous ont été formels. 

Il n’y a aucune clause secrète dans les accords. Feu Bentobal m’a même dit que contrairement aux autres qui ont paraphé la dernière page seulement de l’accord, Krim Belkacem a signé toutes les pages une après l’autre, après les avoir bien lues », affirme le journaliste. 

Il explique que « les négociations n’ont à aucun moment évoqué les essais nucléaires. Comment la France a-t-elle pu mener ces derniers après l’indépendance ? Nous n’en savons rien ». 

Président de l’Association des victimes des essais nucléaires français, Mahmoudi raconte qu’en 1992, en tant qu’appelé du service national, il a été affecté à In Eckel, où il était chargé de la surveillance des tunnels qui étaient fermés. « Je ne savais pas cette zone était contaminée. Nous avons recensé 2225 victimes. Le nombre de personnes atteintes de cancer est très élevé, surtout le cancer du sang », déclare l’intervenant. 

Pour lui, « il est impératif que les victimes qui vivent toujours dans le Sud soient prises en charge comme les autres. Il faut aussi que l’Etat érige un mémorial en l’honneur de toutes les victimes des essais nucléaires afin que nul n’oublie ». 

Il alerte sur les actes de vol qui ciblent les grillages, les plaques métalliques etc., contaminés, avant de prévenir : « Des nouveau-nés avec des malformations sont légion au sud du pays. Il y a quelques jours, un bébé est né avec un œil au front, mais n’a pas survécu. Il est mort quelques heures après sa naissance ». 

Source : El Watan – 11/02/2025 https://elwatan-dz.com/pres-de-59-ans-apres-les-premiers-essais-nucleaires-francais-en-algerie-un-vaste-et-mortel-heritage-colonial

En complément  : Le Monde – 14/02/2025 – « En Algérie, des élus redemandent des comptes à la France pour les essais nucléaires des années 1960 » –  Hamid Nasri https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/02/14/en-algerie-des-elus-redemandent-des-comptes-a-la-france-pour-les-essais-nucleaires-des-annees-1960_6546837_3212.html

RFI – 14/02/2025 – « Le Parlement algérien s’empare de la question des essais nucléaires français des années 1960 » –  Fayçal Metaoui https://www.rfi.fr/fr/afrique/20250214-le-parlement-alg%C3%A9rien-s-empare-de-la-question-des-essais-nucl%C3%A9aires-fran%C3%A7ais-des-ann%C3%A9es-1960

Et pour aller plus loin : « Sous le sable, la radioactivité » – Jean-Marie Collin (ICAN France – International Campaign to Abolish Nuclear Weapons France) et Patrice Bouveret (Observatoire des Armements) https://icanfrance.org/wp-content/uploads/2020/08/Sous-le-sable-la-radioactivit%C3%A9.pdf

« Retrouver Camus » – Faris Lounis et Christian Phéline

Présentation de l’éditeur

« Faut-il encore lire Camus dans les écoles ? ». La question a pu conclure l’un des débats tenus autour de ce brûlot qui, à la rentrée 2023, appelait à Oublier Camus* en réduisant toute sa pensée à une apologie de la domination coloniale, à un anticommunisme primaire, à des équivoques dans la lutte contre l’occupant ou contre la peine capitale, et à un sexisme patriarcal…

Face à une célébration médiatique qui, à faire de l’écrivain un fade penseur du juste milieu, l’expose aux pires récupérations, ce réquisitoire, prompt à s’exonérer de la vérité des faits aussi bien que des textes, ne fait guère que rejouer en caricature la querelle Sartre-Camus pour réactiver la vieille injonction, venue des temps de guerre froide, à « choisir son camp ».

Sans occulter la part d’impensé qui empêcha Camus de faire remonter ses combats jusqu’au principe du système colonial, une vraie lecture de gauche ne saurait éluder la gravité des débats qu’il sut au moins ouvrir : critique du stalinisme et de ses avatars ; refus de la violence contre les civils d’où qu’elle vienne ; vigilance sur les dévoiements despotiques ou fondamentalistes des libérations nationales.

Aussi loin de la naïveté hagiographique que de la témérité accusatoire, cet essai se propose de retrouver l’œuvre de Camus pour ce qu’elle dit vraiment, dans les situations complexes où elle est née, et pour ce qu’elle apporte encore à la compréhension des drames de notre temps.

Les auteurs

Lié à l’Algérie par sa famille depuis plusieurs générations, ayant exercé des responsabilités dans l’administration de la culture et des médias, Christian Phéline est l’auteur de nombreuses publications de micro-histoire de l’Algérie coloniale ou sur l’œuvre et la trajectoire d’Albert Camus.

Après des études de linguistique et de lettres françaises à l’université de Jijel, Faris Lounis s’installe en France en 2018. À Paris, il obtient un master en Philosophie et travaille dans le journalisme et la formation professionnelle.

Éditions Le Bord de l’eau https://www.editionsbdl.com/produit/retrouver-camus/

*Oublier Camus, Olivier Gloag, Préface de Fredric Jameson, La Fabrique éditions, 2023

Perpignan : La nomination de l’esplanade Pierre Sergent annulée – La Semaine du Roussillon

La majorité RN à la tête de la ville avait décidé d’attribuer à l’esplanade du square Bir Hakeim le nom de Pierre Sergent, ancien chef d’état-major et de l’organisation de l’armée secrète (OAS)

04/02/2025 – Le tribunal administratif de Montpellier a décidé d’annuler ce jour la délibération du 2 septembre 2022 du conseil municipal de Perpignan. La majorité RN à la tête de la ville avait décidé d’attribuer à l’esplanade du square Bir Hakeim le nom de Pierre Sergent, ancien chef d’état-major et de l’organisation de l’armée secrète (OAS), condamné à mort par contumace en 1962 pour avoir commandité des actes de terrorisme et des tentatives d’assassinats. Amnistié en 1968, Pierre Sergent avait été élu député FN des P.O.

La décision de la mairie avait provoqué des manifestations de nombreuses associations et deux recours devant le TA, de la Ligue des droits de l’homme (LDH) et de SOS Racisme.

Le Tribunal a estimé que la délibération « a été de nature à heurter significativement la sensibilité du public » et « a été entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. » La ville de Perpignan est par ailleurs condamnée à payer 800 € à la LDH et autant à SOS Racisme.

A travers un communiqué publié le jour même, la municipalité de Perpignan annonce qu’elle fera appel de cette décision.

Source : La Semaine du Roussillon – n°1484 – 5 au 11/02/2025 https://www.lasemaineduroussillon.com/societe/mairie-de-perpignan-la-nomination-de-lesplanade-pierre-sergent-annulee-12849/

Mobilisation de trente organisations dont l’ANPNPA Contre l’esplanade Pierre Sergent – 29/10/2022

Donner voix aux oubliés : « Nous sommes venus en France » de Mathias Gardet  – Djamal Guettala

L’ histoire de l’immigration algérienne en France a souvent été racontée à travers le prisme du travail, des bidonvilles ou des luttes politiques. Cependant, un aspect crucial reste largement occulté : celui des mineurs isolés venus seuls en Métropole entre 1945 et 1963.

Dans Nous sommes venus en France, l’historien Mathias Gardet dévoile un corpus inédit, extrait des archives de la justice des mineurs, qui met en lumière les trajectoires de ces jeunes et leur confrontation avec des institutions imprégnées des logiques coloniales.

Une jeunesse en quête d’émancipation

Ce qui frappe dans ces archives, c’est le contraste entre la parole spontanée des jeunes – qui parlent de cinéma, de bals, d’amitiés et d’amours – et celle des institutions judiciaires, policières et psychiatriques, marquée par des jugements biaisés et une lecture racialisée de leurs comportements. La comparaison avec Les 400 coups de François Truffaut prend alors tout son sens : ces adolescents ne sont pas seulement perçus comme déviants, mais comme des sujets coloniaux à surveiller et à redresser.

Les dossiers retrouvés à la Ferme de Champagne (Savigny-sur-Orge) pour les garçons et à Chevilly-Larue pour les filles témoignent d’une jeunesse en quête d’un avenir meilleur. Certains de ces jeunes arrivent en France pour rejoindre un proche, d’autres cherchent du travail ou fuient des conditions de vie difficiles en Algérie. Pourtant, dès leur arrivée en France, ils se retrouvent rapidement sous la surveillance de l’État. Arrêtés pour vagabondage ou de petits délits, ils sont placés dans des centres d’observation où leurs aspirations se heurtent à un cadre institutionnel paternaliste et répressif.

Un récit choral pour une mémoire collective

En choisissant une écriture polyphonique, Mathias Gardet donne corps à ces itinéraires singuliers, tout en les inscrivant dans une histoire collective. À travers les récits de traversées maritimes, les espoirs et les désillusions de la vie en Métropole, il restitue avec sensibilité un pan méconnu de l’histoire coloniale française. Plus qu’une simple étude historique, Nous sommes venus en France est un hommage à ces voix longtemps réduites au silence.

Ce que le livre ajoute à l’histoire et à la littérature de l’immigration

Nous sommes venus en France apporte une contribution précieuse à l’histoire et à la littérature de l’immigration en plusieurs points.

Tout d’abord, il donne une perspective inédite sur la jeunesse immigrée, souvent négligée dans les récits traditionnels. Tandis que l’accent est fréquemment mis sur les travailleurs adultes, Gardet explore les parcours des jeunes Algériens, souvent isolés et confrontés à des institutions répressives.

Ensuite, le livre critique ouvertement le racisme institutionnel qui imprégnait les structures judiciaires et sociales de l’époque. Il dévoile comment les comportements des jeunes Algériens étaient interprétés à travers un prisme colonial, marquant une continuité entre l’Algérie coloniale et la France métropolitaine.

Enfin, en restituant les voix de ces jeunes à travers un récit choral, Gardet réinscrit leurs expériences dans l’histoire collective de l’immigration, tout en enrichissant la littérature migrante contemporaine d’une dimension émotive et universelle. L’ouvrage met en lumière des thèmes de l’émancipation, de la construction de soi et de la résilience face à des oppressions structurelles, résonnant avec d’autres récits de jeunesse dans des contextes similaires.

À propos de l’auteur

Mathias Gardet est historien, chercheur à l’Institut d’histoire du temps présent et spécialiste de l’histoire de la justice des mineurs et de l’éducation spécialisée. Cofondateur et vice-président du CNAHES, il est également responsable du centre d’exposition historique et du portail de ressources numériques Enfants en Justice XIXe-XXe siècles. Son travail explore la manière dont les institutions ont encadré et discipliné la jeunesse à travers les époques. Il a notamment coécrit La parole est aux accusés. Histoire d’une jeunesse sous surveillance 1950-1960 (Textuel, 2020) et L’Internationale des républiques d’enfants. 1939-1955 (Anamosa, 2020).

Catégories sous lesquelles le livre peut être classé

Nous sommes venus en France de Mathias Gardet peut être classé dans plusieurs catégories :

Histoire : Le livre explore les parcours des jeunes Algériens isolés et leur confrontation avec les institutions françaises, dans un contexte historique marqué par la colonisation et la guerre d’indépendance.

Littérature historique : L’ouvrage, tout en étant une recherche historique, adopte une forme narrative qui enrichit la littérature historique par la restitution vivante des récits de ces jeunes.

Sociologie et études migratoires : Gardet s’intéresse aux dynamiques sociales de l’immigration, en particulier celle des jeunes Algériens, dans un cadre métropolitain où les politiques migratoires et sociales sont répressives.

Études postcoloniales : L’analyse du racisme et des discriminations structurelles dans le traitement des jeunes Algériens en France s’inscrit dans une lecture postcoloniale de l’histoire.

Anthropologie historique : Par son étude des pratiques sociales et institutionnelles de l’époque, le livre rejoint les préoccupations de l’anthropologie historique, en cherchant à comprendre la gestion de la jeunesse sous l’angle de la domination coloniale.

Source : Le Matin d’Algérie – 05/02/2025 https://lematindalgerie.com/donner-voix-aux-oublies-nous-sommes-venus-en-france-de-mathias-gardet/

À la « Cité de l’histoire », des mensonges sur la guerre d’Algérie

La « Cité de l’histoire » colporte des contre-vérités chères à l’extrême droite, notamment sur la guerre d’Algérie.

Roxana Azimi, dans Le Monde du 24 janvier 2025, a consacré une intéressante enquête aux « cités de l’histoire », « ces lieux culturels immersifs, conçus comme des parcs de loisirs », dont La Cité de l’histoire, installée depuis 2023 sur 6000 m2 sous l’arche de la Défense, à Puteaux (Hauts-de-Seine). Elle est la propriété d’Amaclio Productions, dont L’Humanité soulignait la proximité avec la droite la plus réactionnaire. Quand on songe qu’ à l’occasion du bicentenaire de la déclaration universelle des droits de l’homme, le 26 août 1989, a eu lieu à cet endroit l’inauguration solennelle de l’Arche de la fraternité à la Défense, on se rend compte à quel point, par des mécanismes divers, la droite extrême n’a cessé de marquer des points dans la diffusion de son idéologie.

« Après s’être acquitté d’un ticket à 24 euros, plus cher qu’une entrée au Musée du Louvre, écrit Le Monde, le visiteur se voit proposer deux « attractions » principales. D’un côté, un « couloir du temps », longue frise chronologique et interactive qui, en 400 textes brefs, prétend parcourir l’histoire mondiale depuis l’Empire romain jusqu’à nos jours. De l’autre, douze siècles d’histoire de France découpés en 17 scènes, jalonnées de figures en cire rescapées du Musée Grévin et ponctuées de saynètes animées par des comédiens. Le récit est délivré par Franck Ferrand, qui collabore à des médias conservateurs, tels CNews et Valeurs actuelles. Sensible aux idées d’Eric Zemmour, l’historien cathodique est aussi perméable aux thèses conspirationnistes. »

Le récit s’autorise ainsi d’improbables « oublis » dans l’histoire de France. L’historienne Mathilde Larrère s’étonne : « Rien sur les canuts, rien sur la Commune, rien sur le Front populaire, rien sur 1968 ».

S’agissant de l’histoire coloniale et plus particulièrement de l’Algérie, on s’attend au pire et on n’est pas déçu : « Dans les notices lapidaires du « couloir du temps », les raccourcis sont encore plus criants. Celle qui est consacrée aux accords d’Evian de 1962 et à l’indépendance de l’Algérie est pour le moins biaisée. Évoquant les attentats du Front de libération nationale (FLN), sans mentionner ceux de l’Organisation armée secrète (OAS), elle signale de prétendus « sabotages de la part des communistes en France »« C’est délirant, les communistes n’ont commis aucun attentat en France, ils ont, au contraire, été tués lors de la répression au métro Charonne, s’étrangle l’historien Benjamin Stora, spécialiste de l’Algérie, sollicité par Le MondeIl n’y a aucune profondeur historique dans cette notice : on parle d’affrontements sanglants sans évoquer le fond du problème, la colonisation. »

Selon la page « nos partenaires » du site de la société propriétaire de La Cité de l’histoire, cette entreprise de relecture identitaire de l’histoire est notamment parrainée par la Région Ile-de-France, la Ville de Paris ou encore l’INA.

Source : Histoire coloniale et postcoloniale – 01/02/2025 – https://histoirecoloniale.net/a-la-cite-de-lhistoire-des-mensonges-sur-la-guerre-dalgerie/