L’ Algérie et le vote du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental : le naufrage diplomatique de Tebboune

Dernier épisode d’une longue série de revers diplomatiques, le vote du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental a mis à nu l’isolement d’une Algérie qui persiste à croire que la défiance peut tenir lieu de stratégie. Pour le faire oublier, le pouvoir et ses relais multiplient les célébrations folkloriques du 1er novembre 1954, un événement dont la portée est trahie depuis 1962.

On est plus à un échec près avec Abdelmadjid Tebboune. Malgré une mobilisation de dernière minute pour rallier Pékin, Moscou et Islamabad à sa cause, Alger a vu ses alliés s’abstenir, laissant passer le texte américain favorable au plan d’autonomie marocain. La diplomatie de la taghenant* montre ses limites. Et prouve si besoin que ces supposés alliés ne le sont pas réellement. En vrai : que peut offrir l’Algérie en contrepartie à ces pays ?

Le verdict du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Sahara occidental, adopté le 1ᵉʳ novembre, a résonné comme un coup d’assommoir à Alger. En renouvelant le mandat de la MINURSO et en réaffirmant la “primauté” de la proposition marocaine d’autonomie, le texte américain a infligé un nouveau camouflet à la diplomatie algérienne. Celle-ci, fidèle à sa ligne de défiance — cette fameuse taghenant érigée en doctrine —, s’est retrouvée une fois de plus isolée, impuissante à infléchir le cours des choses.

Jusqu’aux dernières heures ayant précédé le vote, Alger a pourtant tout tenté pour mobiliser des soutiens autour du principe de la “décolonisation” du Sahara occidental. Le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a multiplié les entretiens téléphoniques avec ses homologues chinois, russe et pakistanais, espérant un front de refus. En vain. Les représentants de ces trois pays au Conseil de sécurité ont préféré s’abstenir, laissant la voie libre au texte américain. Une abstention lourde de sens, qui en dit long sur l’isolement diplomatique de l’Algérie jusque dans les rangs de ses partenaires dits “stratégiques”.

Une diplomatie à bout de souffle

Ce revers n’est pas un accident. Il s’inscrit dans une série noire de déconvenues qui traduisent l’essoufflement d’une diplomatie désormais plus démonstrative que stratégique. Depuis l’arrivée d’Abdelmadjid Tebboune au pouvoir, les faux pas s’accumulent : échec retentissant de la candidature au club des BRICS, détérioration des rapports avec les voisins du Sahel, bras de fer perdus avec l’Espagne et la France, tensions avec les Émirats arabes unis, et impasse totale dans le projet d’un “Maghreb sans Maroc”.

L’ Algérie a voulu jouer seule et contre tous. Résultat : elle se retrouve seule, tout court. Même au sein de la Ligue arabe, son influence s’érode. Le “sommet du retour” organisé à Alger en 2022 s’est soldé par un fiasco diplomatique. Exclue du dossier syrien, marginalisée dans le dossier palestinien, la diplomatie algérienne n’est plus la voix audible qu’elle fut dans les décennies précédentes.

Le prix du réflexe de défiance

Ce déclin ne tient pas seulement à des erreurs d’appréciation conjoncturelles. Il découle d’une culture politique et diplomatique figée, fondée sur la posture, la suspicion et  le réflexe de confrontation. La “taghenant” — cette raideur érigée en vertu nationale — a fini par se retourner contre ceux qui l’invoquent à tout propos et qui oublient que le pragmatisme est une vertu cardinale en diplomatie. 

Face à l’évolution rapide des rapports de force régionaux, Alger persiste à croire que la fermeté suffit à tenir lieu de stratégie. Or, la diplomatie moderne récompense la flexibilité, la capacité à bâtir des alliances et à composer avec la réalité. Ce n’est pas le cas de l’Algérie actuelle, qui préfère camper sur ses certitudes et se draper dans un discours souverainiste déconnecté des équilibres du monde.

Le désenchantement d’une puissance déclassée

Le naufrage diplomatique observé au Conseil de sécurité illustre ce désenchantement. Les capitales qui, hier encore, faisaient bloc derrière Alger, regardent désormais ailleurs. Même Moscou et Pékin, longtemps perçus comme des soutiens indéfectibles, ont choisi la neutralité. L’Algérie ne pèse plus, ni en Afrique, ni au sein des BRICS, ni dans le monde arabe.

En s’enfermant dans une logique de fierté blessée, le pouvoir algérien a transformé la diplomatie en vitrine de politique intérieure : tonner contre le monde pour mieux galvaniser l’opinion, brandir la “souveraineté nationale” pour masquer l’isolement. Mais la réalité internationale ne se plie pas aux discours.

Le vote du 31 octobre n’est pas seulement un revers dans le dossier du Sahara occidental. Il consacre la faillite d’une méthode : celle d’un pays qui confond dignité et raideur, et qui, à force de vouloir défier tous les autres, a fini par se défier lui-même.

La Rédaction 

*La posture de taghenant qui signifierait : raideur, défiance, confrontation, fermeté exagérée et inopportune 

Source : Le Matin d’Algérie – 02/11/2025

Vote sur l’accord de 1968 : « Une affaire franco-française », estime Ahmed Attaf

Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a réagi dimanche soir au vote de l’Assemblée nationale française visant à dénoncer l’accord franco-algérien de 1968 sur la circulation, le séjour et l’emploi des ressortissants algériens en France.

Dans un entretien accordé à la chaîne d’information AL24 News, le chef de la diplomatie algérienne a adopté un ton à la fois mesuré et critique, qualifiant cette initiative d’« affaire franco-française » sans incidence directe, pour l’heure, sur les relations entre Alger et Paris.

Circulez il n’y a rien à voir ! Ahmed Attaf vient de renvoyer la petite tempête médiatique créée par le parti d’extrême droite, RN, à l’Assemblée, à une affaire « domestique française ». Le ministre est sans appel. « Sur le fond, cette affaire est une affaire entre l’Assemblée nationale française et le gouvernement français. C’est une affaire intérieure, une affaire franco-française. Elle ne nous concerne pas pour le moment », a déclaré M. Attaf, soulignant le caractère symbolique de la résolution adoptée jeudi dernier à Paris.

Le texte, proposé par le Rassemblement national (RN) et soutenu par des députés de droite (LR et Horizons), n’a pas de portée juridique contraignante, mais a provoqué de vifs débats dans les deux pays.

M. Attaf a exprimé son regret de voir “l’histoire d’un pays indépendant et souverain devenir l’objet d’une compétition électorale anticipée en France”. « Il est attristant de voir un pays aussi grand que la France se livrer à ce genre de manœuvres », a-t-il ajouté.

S’il a tenu à réaffirmer le respect d’Alger pour l’Assemblée nationale française, le ministre a jugé que le vote s’inscrivait avant tout dans une logique politicienne. « La première pensée qui m’est venue en voyant ce vote, c’est que la course à l’échalote se poursuit », a-t-il lancé, en référence à la surenchère observée entre partis français à l’approche des échéances électorales.

Tout en relativisant la portée du vote, M. Attaf a rappelé que l’accord de 1968 reste un “accord intergouvernemental” et donc “un accord international”. À ce titre, il ne pourrait être remis en cause qu’à travers un acte officiel du gouvernement français. « Tant que le gouvernement français ne nous a rien dit à ce sujet, nous considérons que cette affaire reste parlementaire et symbolique », a-t-il précisé.

Le ministre a toutefois laissé entendre qu’Alger suivait le dossier avec attention : « Cette question pourrait concerner l’Algérie si elle devient une affaire de gouvernement à gouvernement », a-t-il averti.

Faisant allusion aux récents signaux d’apaisement venus de Paris, notamment de la part du nouveau ministre français de l’Intérieur, Ahmed Attaf a conclu sur une note prudente mais optimiste : « Nous n’avons rien vu venir, et nous espérons ne rien voir venir. »

Pour l’heure, Alger privilégie donc la retenue et l’observation, considérant le vote du Parlement français comme un geste à usage interne plutôt qu’un acte diplomatique.

La rédaction

Source : Le Matin d’Algérie – 03/11/2025 https://lematindalgerie.com/vote-sur-laccord-de-1968-une-affaire-franco-francaise-estime-ahmed-attaf/

1954, la Toussaint rouge – Benjamin Stora

Radio France – Épisode 4/6 : 1954, la Toussaint rouge – Série : « France-Algérie : anatomie d’une déchirure » – Samedi 1 novembre 2025 (première diffusion le vendredi 25 avril 2025)

Écouter (15 min) : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-6-dates-cles/ep4-8770400

Dans cet épisode, l’historien Benjamin Stora retrace les origines et les premières années de la guerre d’Algérie, depuis la proclamation du Front de Libération Nationale (FLN) le 1er novembre 1954, jusqu’à la bataille d’Alger en 1957.

Avec Benjamin Stora, historien français

Proclamation du FLN (Front de libération nationale) le 1ᵉʳ novembre 1954 : « Nous considérons avant tout qu’après les décades de luttes, le mouvement national a atteint sa phase de réalisation. »

Du désir politique d’indépendance à la lutte armée

Le 1ᵉʳ novembre 1954, des attaques coordonnées sur l’ensemble du territoire algérien marquent le début de l’insurrection. Cette date symbolique, explique Benjamin Stora, représente « un changement de leadership » dans le mouvement nationaliste algérien. De jeunes militants, « traumatisés par les massacres de Sétif et Guelma de mai-juin 1945 où des dizaines de milliers d’Algériens ont été tués », décident de se séparer du parti de Messali Hadj pour passer à l’action armée en créant le Front de libération nationale (FLN). « C’est la première fois qu’en Algérie, depuis très longtemps, des actions violentes sont coordonnées sur l’ensemble du territoire . C’est ça la nouveauté », souligne l’historien.

Le tout survient dans un contexte global de décolonisation et de défaite française de Diên Biên Phu le 9 mai 1954. Le chef nationaliste Ferhat Abbas avait eu cette formule : « Diên Biên Phu a été le Valmy des peuples colonisés. » Si les cibles principales sont des commissariats et des casernes, l’assassinat d’un couple d’instituteurs crée un grand émoi en France. Le 20 août 1955, avec l’attaque de Philippeville (aujourd’hui Skikda), le conflit s’intensifie.

L’ escalade du conflit et l’envoi du contingent en 1956

Un tournant majeur se produit en mars 1956 lorsque le président du Conseil Guy Mollet, pourtant élu sur un programme de paix, décide l’envoi du contingent en Algérie. Cette décision change la perception du conflit en métropole : « Le fils, le frère, le père, le fiancé est appelé en Algérie… 400 000 hommes sont envoyés », souligne l’historien. « On peut estimer aujourd’hui que tous les hommes nés entre 1932 et 1943 sont allés en Algérie faire la guerre. » Le drame de Palestro, où de jeunes appelés tombent dans une embuscade, marque un choc pour l’opinion publique française : « La France se réveille. La France voit pour la première fois en mai 1956 la guerre d’Algérie. » C’est à cette période que le mot « guerre » commence à remplacer les « événements » ou « opérations de police ». On assiste à une prise de conscience. Parallèlement, l’indépendance de la Tunisie et du Maroc en mars 1956 offre des bases arrière au FLN, aggravant la situation militaire.

La suite est à écouter…

L’ équipe

Un podcast de Thomas Snégaroff

Réalisation : Karen Déhais

Préparation : Mathilde Khlat, chargée de programme

Prise de son : Gaspard Guibourgé et Guillaume Roux

Mixage : Raphaël Rousseau et Basile Beaucaire

Les « hors-la-loi » de l’Aurès : éclaireurs de la liberté avant Novembre 1954 – Djamal Guettala

Bien avant le 1er Novembre 1954 et la montée en armes de l’ALN, des jeunes hommes et une femme choisissaient la clandestinité dans les montagnes de l’Aurès. On les appelle les bandits d’honneur.

Considérés comme des « bandits d’honneur » par l’administration coloniale, ils protégeaient les villages, préparaient le terrain de la Révolution et soutenaient les futurs chefs de l’insurrection. Parmi eux, Aïssi El Meki et Lalla Aïda, figures emblématiques d’un combat longtemps ignoré, et Ahmed Gadda, récemment disparu, qui incarna le lien vital entre maquis et villages.

L’éveil de la révolte

Les prémices de la Révolution algérienne ne commencent pas en novembre 1954. Ils s’inscrivent dans les montagnes de l’Aurès dès 1945. Les massacres du 8 mai à Sétif, Guelma et Kherrata laissent des villages traumatisés et des populations désireuses de riposter. Dans les vallées et les plateaux escarpés, des jeunes, souvent anciens tirailleurs ou paysans expropriés, refusent l’humiliation et prennent le maquis.

Vivre dans les forêts et les montagnes n’était pas seulement une question de survie. Ces hors-la-loi imposaient leurs propres règles : protection des villageois, partage équitable des ressources, interdiction de l’injustice et soutien aux familles persécutées. Ils n’étaient pas animés par la soif de pouvoir mais par un idéal de justice et d’honneur dans un contexte colonial violent.

Les seize pionniers de l’Aurès

Au départ, ils étaient seize à affronter l’armée coloniale et les gendarmes : Hocine Berrehaïl, Sadek Chebchoub dit “Gouzir”, Ali Dernouni, Aïssi El Meki, Belkacem Grine, Mohamed Bensalem Benamor, Mohamed Belaadel, Mohamed-Salah Bensalem, Salah Ouassaf, Lakhdar Bourek, Messaoud Mokhtari, Messaoud Maâche, Djoudi Bicha (Boucenna), Mohamed Meziani, et Ahmed Gadda.

Parmi eux, une femme courageuse : Lalla Aïda (Fatiha Louçif), épouse de Gouzir. Pendant quinze années, elle participe activement aux combats et missions logistiques, protégeant les blessés et coordonnant les contacts avec les populations locales. Elle symbolise la résistance féminine dans un maquis majoritairement masculin, et demeure un exemple de détermination et de courage.

Aïssi El Meki : éclaireur et tacticien

Parmi ces résistants, Aïssi El Meki occupe une place particulière. Originaire d’Arris, il fut d’abord soldat colonial avant de déserter après les massacres de 1945. Dès 1946, il rejoint le maquis dirigé par Sadek Chebchoub et prend part aux premières embuscades contre les patrouilles françaises.

Maîtrisant parfaitement les sentiers escarpés et les forêts d’Ichmoul, Aïssi El Meki devient un stratège de terrain. Il accueille et protège les membres de l’Organisation spéciale (OS) dans les montagnes, jouant un rôle clé dans la préparation logistique et stratégique de la future ALN. Blessé au combat en 1955, il survit, mais son nom reste largement absent des archives officielles. Dans les villages de T’kout et Arris, son courage et sa prudence tactique sont encore évoqués dans les récits oraux.

Des précurseurs de Novembre 1954

Les hors-la-loi de l’Aurès ne se limitaient pas à la survie. Dès 1947, ils établissent des liens avec l’Organisation spéciale (OS), qui structure le mouvement clandestin et prépare les opérations armées. Lorsque l’OS est démantelée par les autorités coloniales, plusieurs de ses membres trouvent refuge dans les montagnes de l’Aurès, sous la protection des pionniers.

Grâce à cette organisation, des figures majeures de la Révolution, telles que Rabah Bitat, Didouche Mourad, Lakhdar Ben Tobbal, Amar Ben Aouda, Abdelhafid Boussouf, Abdeslam Habachi, et Taher Nouichi, trouvent un abri et un soutien pour planifier la lutte. Ces hors-la-loi deviennent ainsi les véritables éclaireurs de la liberté, transmettant leur expérience de la vie clandestine, du maniement des armes et de la tactique du terrain aux jeunes insurgés.

Répression coloniale et silence officiel

Les autorités françaises lancent plusieurs opérations de ratissage entre 1950 et 1953. Des rapports de la sous-préfecture de Batna décrivent un maquis structuré, armé et soutenu par les populations locales. Plusieurs résistants tombent au combat, comme Belkacem Grine, tandis que d’autres rejoignent l’ALN au déclenchement de la guerre d’indépendance.

Malgré leur rôle décisif, la mémoire de ces héros reste confinée à l’oralité. Aucun monument à Batna, Khenchela ou Arris ne porte leurs noms, et les archives officielles les ignorent presque totalement. Leur contribution précède pourtant l’histoire officielle et constitue le socle sur lequel la Révolution s’est construite.

Mémoire et reconnaissance

Aujourd’hui, l’Histoire officielle débute souvent avec le 1er Novembre 1954, mais dans les vallées de T’kout, Arris et Ichmoul, comme d’ailleurs en Kabylie, les récits des anciens gardent vivante la mémoire des « hors-la-loi ». Ces hommes et cette femme ont préparé le terrain pour la Révolution, agissant dans l’ombre, souvent au péril de leur vie. Leur mot d’ordre : la liberté ou la mort, demeure inchangé et inspire encore la mémoire collective des Aurès.

Portraits biographiques

Lalla Aïda (Fatiha Louçif)

Épouse de Gouzir, participe activement aux combats et à la logistique du maquis pendant quinze ans. Elle protège les blessés et organise le soutien des villages. Elle est le symbole de la résistance féminine dans l’Aurès.

Aïssi El Meki

Originaire d’Arris, ancien soldat colonial devenu maquisard, Aissi El Meki était un stratège et éclaireur, spécialiste du terrain escarpé et des sentiers forestiers. Il protège les membres de l’OS et transmet son expérience aux jeunes insurgés.

Sadek Chebchoub “Gouzir”

Leader charismatique du groupe de hors-la-loi, Sadek Chebchoub a coordonné la résistance dans l’Aurès et supervisé les opérations stratégiques.

Ahmed Gadda

L’un des derniers survivants des hors-la-loi originels, récemment décédé. Il a joué un important rôle en maintenant le lien entre le maquis et les villages, garantissant le soutien logistique. Sa mémoire incarne le courage et la détermination des premiers résistants de l’Aurès.

Synthèse Djamal Guettala

Références historiques

  1. Jean Dejeux, « Un bandit d’honneur dans l’Aurès (Messaoud Ben Zelmad) », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 26, 1978, pp. 35‑54. persee.fr
  2. Jean Dejeux, « Bandit d’honneur (Kabylie, Aurès) », Encyclopédie berbère, 1991. journals.openedition.org
  3. Inumiden, « Ahmed Gadda, le dernier Bandit d’honneur de l’Aurès tire sa révérence », 21 octobre 2018. inumiden.com

Source : Le Matin d’Algérie – 01/11/2025 https://lematindalgerie.com/les-hors-la-loi-de-laures-eclaireurs-de-la-liberte-avant-novembre-1954/

L’ accord franco-algérien de 1968, un fantasme de la droite – Jean-Pierre Sereni

Conçu pour faciliter l’immigration économique et pallier le besoin de main d’œuvre des Trente Glorieuses, l’accord prévoyait la libre circulation entre les deux pays pour les ressortissants algériens. Vidé de son contenu au cours des ans, le texte n’a aucune influence sur les flux migratoires ; pourtant la droite se mobilise pour l’abroger, ce qui lui permet d’agiter ses fantasmes sur l’invasion du pays.

Tout commence le 25 mai 2023 avec la publication de Politique migratoire : que faut-il faire de l’accord franco-algérien de 1968 ?, une étude de Xavier Driencourt, ancien ambassadeur français en Algérie (cf. https://anpnpa.fr/accords-de-1968-lextreme-droite-francaise-revient-a-la-charge-m-abdelkrim/). La réponse à la question du titre est claire : il faut abolir un texte largement oublié de tous, sinon de ses « bénéficiaires », parce qu’il favorise en France l’immigration algérienne, objet de peurs et de fantasmes dans une partie de la population.

L’ accord mettait fin à une tension sérieuse entre la France et l’Algérie au sujet du nombre d’Algériens admis en France. Paris avait réduit unilatéralement à 1 000 par mois le nombre des admis à compter du 1er juillet 1968. Trois ans après le coup d’état militaire du colonel Houari Boumediene, son ministre des affaires étrangères Abdelaziz Bouteflika (qui deviendra trente ans plus tard chef de l’État) et l’ambassadeur de France en Algérie Jean Basdevant signent le 27 décembre 1968 un accord qui admet chaque année 35 000 travailleurs algériens sur le territoire français. Ils sont autorisés à y séjourner au préalable neuf mois pour y trouver un emploi — ce qui n’a rien d’un exploit dans la France des Trente Glorieuses où le taux de croissance annuel atteint 5 % et où les usines manquent de bras. En cas de réussite, les candidats à l’immigration obtiennent une carte de séjour valable 5 ans pour eux et leurs familles. Les touristes algériens munis d’un passeport peuvent entrer librement et séjourner trois mois dans l’Hexagone. Paris s’engage en outre à améliorer la formation professionnelle et les conditions de logement des immigrés, trop souvent cantonnés aux emplois les plus ingrats et souvent logés dans des bidonvilles.

Un traité sans cesse revu à la baisse

Le démarrage de l’accord est poussif : à peine 30 000 travailleurs sont admis en 1969, première année d’application. Environ 20 000 femmes et enfants sont entrés en France mais « il y a eu un nombre à peu près égal de sorties » note le professeur André Adam dans une chronique scientifique1.

Les Algériens profitent-ils de leur traitement dérogatoire au Code d’entrée et de séjour des étrangers (Codesa) ? Pas vraiment. Sans accord équivalent, les Marocains, peu nombreux à l’époque en France, arrivent en plus grand nombre, rattrapent leur retard et font aujourd’hui jeu égal avec les Algériens.Bas du formulaire

Fin 1985, à la veille d’élections difficiles et en pleine montée du chômage, le premier ministre Laurent Fabius abroge l’article 1 (l’admission de 35 000 travailleurs chaque année) et l’article 2 (les 9 mois de séjour pour trouver un emploi). Le texte est réécrit dans un sens restrictif. Deux autres avenants lui succéderont en 1994 et 2001. La partie « entrée » de l’accord est désormais supprimée, la partie « séjour » demeure partiellement en vigueur. Un an plus tard, le visa est instauré et devient la clé de l’entrée en France des étrangers. C’est le vrai régulateur pour les 800 000 étrangers qui entendent se rendre dans l’Hexagone. Il éclipse un peu plus encore l’accord franco-algérien, privé de muscle depuis trois ans. Ses adversaires d’aujourd’hui tirent à côté de la cible, la carte de séjour remplacée par le certificat de résidence bénéficie à environ 600 000 Algériens établis en général depuis longtemps, avantagés par quelques « privilèges », comme l’accès immédiat au revenu de solidarité active (RSA) sans avoir à attendre plusieurs années comme les autres immigrés.

Déjà, fin 2022, prenant tout le monde de vitesse, la première ministre Elizabeth Borne pressent le vent qui se lève à droite. Au cours d’une visite officielle en Algérie, elle annonce à ses hôtes qu’elle prépare une « révision » de l’accord. Un quatrième avenant est prévu. Pour quoi faire ? Rien ne filtre, sinon la vague promesse d’améliorer le sort des 32 000 Français qui vivent en Algérie et sont pour l’essentiel des binationaux détenteurs de deux passeports, l’un pour sortir d’Algérie, l’autre pour entrer en France…

L’ accueil est frais. La presse algérienne y voit une violation des Accords d’Évian, largement enterrés depuis 1962 par les deux parties. D’autres, comme l’ancien député socialiste au Parlement européen Kamel Zeribi dénonce « un coup porté aux relations franco-algériennes ». En réponse, le président Abdelmajid Tebboune précise dans un entretien au Figaro en décembre 2022 : « La mobilité des Algériens en France a été négociée et il convient de la respecter. Il y a une spécificité algérienne même par rapport aux autres pays maghrébins ». À demi-mot, on comprend que l’honneur du pays est en cause.

Inquiétante évolution de la société

L’ étude de Xavier Driencourt fait un retour remarqué dans la vie politique française au début de l’été 2023. Dans une interview largement reprise2, l’ancien premier ministre Édouard Philippe reprend la balle et appelle à son tour à l’abrogation de l’accord. Le 26 juin, Bruno Retailleau, président du groupe des Républicains au Sénat, et plusieurs de ses collègues déposent une proposition de loi en faveur, elle aussi, de l’abrogation.

Enfin, le 7 décembre, le groupe des députés Les Républicains à l’Assemblée nationale dépose à son tour une proposition de loi en faveur de la fin de l’accord de 1968. L’exposé des motifs des deux textes, à l’Assemblée comme au Sénat, reprend sans en changer une ligne la première page du rapport Driencourt. L’Assemblée rejette le projet par 151 voix contre 114, soit l’addition des Républicains et des députés d’Horizons, le groupuscule d’Édouard Philippe au Palais-Bourbon, plus quelques isolés. Le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen s’abstient de peur de renforcer son rival numéro 1 et le gros du groupe Renaissance l’imite pour respecter l’injonction du président Emmanuel Macron qui ne veut pas que le Parlement se mêle d’un dossier sensible entre Paris et Alger. Enfin, l’opposition au texte des Républicains, majoritaire, se recrute uniquement à gauche et fait le plein des 151 députés de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes).

Que retenir d’un épisode parlementaire, gouvernemental et diplomatique marginal comparé à la « loi Immigration » et à ses 95 articles adoptés quelques jours plus tard ? Sans doute rien, l’opinion l’a ignorée et l’Assemblée l’a rejetée. C’est pourtant un signe supplémentaire d’une inquiétante évolution de la société française. Le développement décomplexé d’un fort courant politico-médiatique ouvertement hostile aux immigrés — surtout, disons-le, aux musulmans — se nourrit de la crise politique née de l’absence d’une majorité favorable au président Emmanuel Macron à l’Assemblée. Le centre droit en déclin court après l’extrême droite et reprend ses discours sur un sujet (l’immigration) qui vient dans les préoccupations des Français bien après le pouvoir d’achat, la santé, l’environnement et les inégalités3. Le pays n’a en vérité besoin ni de la disparition de l’accord de 1968 ni de la loi fourre-tout du ministre de l’intérieur, votée in fine par les lieutenants de Marine Le Pen, et qui n’aura aucun impact sur les flux migratoires.

Notes

1. Annuaire de l’Afrique du Nord, tome VIII, CNRS, 1969 ; page 468.

2. «  Édouard Philippe : immigration « subie », Algérie, délinquance… « On crève des non-dits » L’Express, 5 juin 2023.

3. NDLR. Voir par exemple «  70% des Français se déclarent pessimistes quant à l’avenir de la France  », Ipsos, 26 octobre 2023.

Source : Orient XXI – 11/01/2024 https://orientxxi.info/magazine/en-finir-avec-l-accord-franco-algerien-de-1968-une-obsession-de-la-droite,6989

Sur proposition du RN, dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968 voté à l’Assemblée nationale, le 30 octobre 2025

Intervention de Sabrina Sebaihi, député écologiste

Voir aussi : Tribune de Paul Max Morin dans Libération – 30/10/2025 Texte du RN adopté à l’Assemblée nationale : «Mais qu’est-ce qu’ils vous ont fait les Algériens pour que vous les détestiez autant ?» – En kiosque le 03/11/2025.

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Analyse du scrutin ici : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/scrutins/3260

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Accords de 1968 : L’extrême droite française revient à la charge – M. Abdelkrim

La droite et l’extrême droite en France ne comptent pas lâcher prise lorsqu’il s’agit de l’Algérie. Encore une fois, les accords algéro-français de 1968 sont remis sur la table dans un seul objectif : maintenir délibérément une stratégie de tension dans les relations entre Alger et Paris. 

Selon le quotidien Le Figaro, le Rassemblement national (RN) va présenter devant l’Assemblée une résolution pour dénoncer ces accords à l’occasion de la tenue de la niche parlementaire du parti le 30 octobre. La niche parlementaire en France est le moment que tous les groupes d’opposition attendent pour se projeter au cœur de l’actualité politique. 

Un jour par mois, durant la session ordinaire, un groupe d’opposition fixe ainsi l’ordre du jour du Parlement. Il est, toutefois, assez rare qu’une résolution ou un projet de loi soient adoptés lors d’une niche parlementaire. Précisons qu’une résolution votée dans l’hémicycle n’a pas force de loi : elle exprime bien une position politique du Parlement, mais ne peut contraindre le gouvernement à faire passer une loi en ce sens. 

Eric Ciotti, président de l’Union des droites (UDR), a, en ce sens, affirmé : « On aura un débat la semaine prochaine ouvert par le Rassemblement national pour abroger les accords de 1968. Chacun devra prendre ses responsabilités. » La niche parlementaire du RN prévoit, entre autres, l’examen d’une résolution portée par le député Guillaume Bigot visant à dénoncer ces accords. Pour le média français, cette démarche «revêt une signification particulière» une semaine après la publication d’un rapport parlementaire sur les «coûts (…) résultant de ces accords»* (ci-après). 

S’en est suivi alors un flot de commentaires sur les conclusions d’un rapport qui s’inscrit nettement dans une démarche qui consiste à fustiger l’immigration algérienne de France. Depuis des mois, l’ancien ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, non-reconduit dans le gouvernement Lecornu 2, n’a cessé, lui en particulier, de réclamer la dénonciation de ces accords. 

« Coquille vide »

« Si demain la droite arrive au pouvoir, on abolira les accords de 1968 », avait-t-il lancé en mars. Son successeur à la place Beauvau n’est pas du même avis. Le nouveau ministre français de l’Intérieur, Laurent Nunez, se positionne contre une remise en cause de ces accords, qui «n’est pas à l’ordre du jour», a-t-il déclaré. « Il y a ces accords, ils fonctionnent, ils ne sont pas complètement parfaits, je vous le concède, mais pour l’instant, ce n’est pas à l’ordre du jour », a-t-il expliqué sur France Info il y a quelques jours. Nunez a, aussi, exprimé à plusieurs reprises, depuis sa prise de fonction, son désir d’engager une politique de dialogue avec l’Algérie. 

Face à lui, les courants de la droite et de l’extrême droite s’agitent. Fin septembre, les chiffres relatifs au nombre de visas accordés par la France aux étudiants algériens déclenche l’ire d’élus de la droite et de certains élus RN. Au total, 8351 visas ont été délivrés pour la rentrée 2025, soit plus d’un millier de plus en un an, une hausse dont l’ambassade de France à Alger s’est publiquement félicitée. En réaction, Eric Ciotti a violemment chargé les autorités française en les qualifiant de « gouvernement tartuffe ». De son côté, l’eurodéputée Reconquête Sarah Knafo a appelé à supprimer tous « les avantages accordés » par la France à l’Algérie. 

En somme, un déferlement de propos haineux et disproportionnés devenus courants dans la bouche des nostalgiques de l’Algérie française. Côté algérien, la dénonciation de ces accords n’est pas envisageable. La positon d’Alger, sur ce dossier, reste inflexible. 

Le président Tebboune a, d’ailleurs, réaffirmé cette position dans un entretien accordé en février au journal français L’Opinion. « Pour moi, c’est une question de principe. Je ne peux pas marcher avec toutes les lubies », a-t-il répondu à une question sur les appels lancés par plusieurs politiques français pour exiger la dénonciation des accords de 1968. « Pourquoi annuler ce texte qui a été révisé en 1985, 1994 et 2001 ? » 

« Ces accords étaient historiquement favorables à la France qui avait besoin de main-d’œuvre. Depuis 1986, les Algériens ont besoin de visas, ce qui annule de fait la libre circulation des personnes telle qu’elle est prévue dans les accords d’Evian », a-t-il souligné. Et d’ajouter : « Ces accords sont une coquille vide qui permet le ralliement de tous les extrémistes comme du temps de Pierre Poujade.» 

Source : El Watan- 25/10/2025 https://elwatan-dz.com/accords-de-1968-lextreme-droite-francaise-revient-a-la-charge

*Un rapport parlementaire français propose la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968

En France, deux députés du camp présidentiel ont dévoilé mercredi matin « pour éclairer le débat », un rapport sur le coût des accords entre la France et l’Algérie. Soutenus par l’ancien Premier ministre, Gabriel Attal, dans leur démarche, les deux élus pointent du doigt l’accord franco-algérien de 1968, qu’il faut, selon eux, dénoncer.

Cet accord avait été signé six ans après la fin de la guerre d’Algérie, alors que la France avait besoin de bras pour soutenir son économie. Ce rapport adresse plusieurs reproches à l’accord de 1968. Le premier d’entre eux, c’est que le statut dérogatoire dont bénéficient les Algériens porterait atteinte au principe d’égalité entre les étrangers.

« Un citoyen guinéen ou sénégalais, il doit attendre 18 mois pour bénéficier du regroupement familial contre 12 mois pour un Algérien », constate le député Ensemble pour la République, Charles Rodwell.

Deuxième enseignement, c’est que la France serait la seule des deux parties à continuer d’appliquer le texte. « Pour un Algérien qui a travaillé 40 ans, 20 ans en Algérie et 20 ans en France, l’accord dit que la France doit lui verser la moitié de sa pension. L’Algérie doit verser l’autre moitié de la pension. La Sécurité sociale algérienne ne verse pas cette pension, c’est la France qui compense », poursuit Charles Rodwell.

Deux milliards d’euros, le coût pour le contribuable français 

Le rapport estime à au moins 2 milliards d’euros, chaque année, le coût de l’accord pour le contribuable français. Un chiffrage « très peu étayé » critique la gauche, qui parle d’un rapport plus politique que financier. « Le Général de Gaulle souhaitait que le statut des Algériens soit spécifique en raison de leur appartenance à la nation française durant 132 ans. Il n’est pas totalement incompréhensible que des gens qui ont partagé un destin commun avec la France voient leur statut être régi de manière spécifique », estime le député socialiste Philippe Brun.

« L’ abrogation de cet accord ouvrirait une nouvelle page de l’histoire commune entre la France et l’Algérie », affirment au contraire les auteurs du rapport, qui espèrent que le président de la République entendra leur demande.

L’accord-cadre franco-algérien de 1968 et ses avenants

Les relations entre la France et l’Algérie sont dans un moment de fort tension au point que le dossier migratoire, pourtant en veilleuse, est revenu sur le tapis. Il a été remis sous le feu des projecteurs en 2023 à la faveur d’un rapport à charge pour l’Algérie de l’ancien ambassadeur Xavier Driencourt. Un rapport destiné au centre de réflexions Fondapol, très marqué à droite, et publié peu après la sortie en librairie de ses mémoires algériennes (L’Énigme algérienne. Chroniques d’une ambassade à Alger, auxÉditions de l’Observatoire, 2022) qu’il conclut en ces termes : « Nous avons trop souvent tendu l’autre joue après avoir reçu une gifle. » Un rapport venu nourrir la volonté exprimée depuis plusieurs mois par des responsables politiques de droite (l’ex-ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau mais aussi les ex-Premiers ministres Edouard Philippe et Gabriel Attal, ou encore Marine Le Pen) de dénoncer l’accord-cadre de 1968.

 L’ accord-cadre de décembre 1968

Signé par Jean Basdevant, haut représentant envoyé par de Gaulle en Algérie, et Abdelaziz Bouteflika, alors ministre des Affaires étrangères, cet accord à la négociation duquel a activement participé le diplomate et ancien résistant Stéphane Hessel, alors ministre-conseiller à Alger, restreint les dispositions des accords d’Évian de 1962 qui prévoyaient la libre circulation et installation des personnes d’Algérie vers la France, Algériens comme Français. La libre circulation entre les deux pays avait déjà été freinée avant cette date en raison de l’entrée importante d’Algériens sur le sol français en 1962 : la clause de libre circulation des Accords d’Évian est suspendue en 1964 (accords Nekkache-Grandval). Et dans l’accord-cadre de 1968 un certificat de résidence est imposé aux Algériens. Ce certificat est l’équivalent des cartes de séjour destinées aux étrangers du régime général. Ils peuvent l’obtenir après trois ans de résidence (et non cinq pour les autres ressortissants hors UE) et il est valable dix ans. En cas de regroupement familial, les membres de la famille reçoivent une carte de résident de la même durée que le titre de la personne qu’ils rejoignent. En outre, les Algériens peuvent s’installer à leur compte dans une activité libérale sans autre formalité.

Mais les Algériens subissent des contraintes spécifiques. Ainsi, les étudiants peuvent moins travailler (à mi-temps, au lieu de 60 % du temps de travail pour les autres nationalités) et doivent obtenir une autorisation de travail.

► Plusieurs avenants

Au cours des années suivantes, cet accord-cadre de 1968 a été amendé à trois reprises : en 1985, 1994 et 2001. Ces trois modifications ont rapproché la situation des ressortissants algériens des dispositions de droit commun. Après l’amendement de 1985, les Algériens sont soumis à l’obtention d’un visa pour entrer sur le territoire français. Après celui de 1994, le certificat de résidence d’un ressortissant algérien périme si ce dernier passe plus de trois ans consécutifs hors du territoire français, disposition qui s’applique aussi dans le droit commun. Enfin, en 2001, un dernier accord instaure des passe-droits — en particulier hospitaliers – destinés à l’élite algérienne.

En 2007, un aménagement (de niche) signé par Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, et par Mourad Medelci, son homologue algérien, et destiné à faciliter la circulation de détenteurs de passeports diplomatiques en les exemptant de visa, a été « suspendu » par le ministre de l’Intérieur le 17 mars dans le cadre de la « réponse graduée » aux autorités algériennes, répliquant à leur refus d’accueillir leurs ressortissants expulsés du sol français.

Par ailleurs, comme l’accord-cadre de 1968 relève du droit international qui prime sur le droit français, les Algériens vivant en France ne sont pas soumis aux dernières lois (qu’elles soient favorables ou défavorables pour les migrants) votées sur l’immigration depuis 2001. Ils sont ainsi exclus de dispositifs tels que le « passeport talents », qui répond au concept vanté par Nicolas Sarkozy d’une « immigration choisie », ou encore à la régularisation par le travail qui doit passer par le seul exercice d’un métier dit « en tension » ou pour raison humanitaire. « Quand vous mettez tout dans la balance, les ressortissants algériens perdent plus qu’ils ne gagnent et ils auraient intérêt à renégocier ce traité », juge le professeur de droit public Serge Slama.

► Alger prié de « réexaminer » les accords

La question de l’immigration de travail doit être replacée dans le contexte plus général des relations franco-algériennes. Entre l’affaire Boualem Sansal, le dossier du Sahara occidental, les arrestations récentes d’influenceurs, l’attaque mortelle perpétrée à Mulhouse fin février 2025 par un ressortissant Algérien sous obligation de quitter le territoire français (OQTF), a été le détonateur de la résurgence du débat sur l’accord franco-algérien de 1968. À l’issue d’un comité interministériel mercredi 26 février 2025, le gouvernement français annonce demander à Alger de « réexaminer » la totalité des accords sur l’immigration et ce, dans un délai de quatre à six semaines.

► Que se passerait-il en cas de dénonciation de l’accord-cadre ?

En droit international, seul le président peut dénoncer ou ratifier des traités. « Quand on dénonce un accord international, on n’est pas tout seul à interpréter ses conséquences, explique le politologue Patrick Weil, pour qui une dénonciation serait une erreur. En France, le sénat affirme que les Algériens seraient soumis au droit commun, mais les Algériens, eux, estiment que l’on reviendrait aux accords d’Évian. Dans une situation de tension et de crise, l’Algérie pourrait décider de se replacer immédiatement dans l’esprit des accords d’Évian, et inciter ses ressortissants à se rendre massivement en France. Que ferait la France ? Elle n’a pas intérêt à se placer dans une situation d’incertitude dont la sortie dépendra moins d’elle encore qu’aujourd’hui. »

 Pour aller plus loin

« Les instruments internationaux en matière migratoire » (rapport du Sénat de février 2025)

L’ Histoire secrète des accords d’AlgerFrançois-Guillaume Lorrain, Le Point du 17 avril 2025

« Dénoncer l’accord franco-algérien de 1968 serait une surenchère malvenue dans une conjoncture politique déjà abîmée » (Tribune de Hocine Zeghbib dans Le Monde du 16 janvier 2025)

Source : RFI –  15/10/2025  https://www.rfi.fr/fr/france/20251015-un-rapport-parlementaire-fran%C3%A7ais-propose-la-d%C3%A9nonciation-de-l-accord-franco-alg%C3%A9rien-de-1968

Appel national 2025 –Commémoration du crime d’État commis en plein Paris le 17 octobre 1961

La guerre d’indépendance algérienne approchait de sa victoire quand, le 17 octobre 1961, un massacre a été perpétré par la police française à l’encontre des milliers d’Algériennes et d’Algériens qui manifestaient pacifiquement à Paris contre le couvre-feu raciste qui leur avait été imposé par le gouvernement de l’époque.

Ce crime d’État demeure trop souvent occulté et trop rarement enseigné.

Nous protestons 
– Contre les odieuses déclarations de haine à l’encontre des Algériens exprimées par des responsables politiques, au premier rang desquels le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. Elles traduisent la résurgence des pires idées racistes des tenant-e-s de l’Algérie française et des extrémistes criminels de l’OAS que certain-e-s cherchent à réhabiliter.
– Contre l’augmentation systématique des entraves à la circulation des personnes entre l’Algérie et la France et l’aggravation des conditions de séjour des Algérien-ne-s, comme celles des autres étrangères et étrangers en France.

Nous demandons 
– Dans un souci de transparence sur notre histoire et de reconnaissance des faits, un accès libre aux archives de la guerre d’Algérie.
– Que la recherche sur ces questions historiques et mémorielles soit encouragée sans ingérence des pouvoirs politiques.
– Qu’afin de favoriser la transmission aux nouvelles générations, soit créé, en France, un musée national d’histoire du colonialisme et que soit équitablement enseigné cette période de notre histoire commune.

Nous appelons les citoyennes et les citoyens de ce pays et l’ensemble des organisations progressistes, politiques, syndicales et associatives à se joindre aux différentes initiatives prises ce 17 octobre 2025 et à Paris :

RASSEMBLEMENT ORGANISÉ PAR NOTRE COLLECTIF DEVANT LA PLAQUE SUR LE PONT SAINT-MICHEL LE 17 OCTOBRE 2025, À PARTIR DE 18 H

afin de rendre hommage à la mémoire de tous les Algériens qui ont été victimes des violences racistes et colonialistes de l’État français et de combattre leurs résurgences dans le présent.

Appel 17 octobre 1961 – 2025

Signataires :
17 octobre contre l’oubli, ACCES (Chevilly-Larue), ACCA, AFPS Paris-Sud, Africa 93, AGAUREPS-Prométhée, AMFPGN, AMF, APAREDESA, Apel-Égalité, Association de Promotion des Cultures du Voyage (APCV), Association des Médecins pour la Prévention de la Guerre Nucléaire (AMPGN), Association des Pieds Noirs Progressistes et leurs Amis (ANPNPA), Association Démocratique des Tunisiens en France (ADTF), ASTI de Colombes, ATTAC France, ATMF, Au nom de la Mémoire, CEDETIM, CGT, CISE, CISPM, Collectif Boycott Apartheid Israël Paris-Banlieue, Collectif Faty KOUMBA, Collectif Ivryen de Vigilance Contre le Racisme, collectif Sövkipeu, Collectif Unitaire Franco-Algérien de l’Île de France, Comité vérité et justice pour Charonne, Compagnie Un Pas de Côté, Coordination nationale Pas sans Nous, COPAF, coudes à coudes, CRID, DIEL, Euro Palestine, FASTI, Fédération nationale de la Libre Pensée, Fondation Frantz Fanon, FSE, FTCR, Histoire coloniale et postcoloniale, Institut Mehdi Ben Barka – Mémoire vivante, Institut Tribune Socialiste-Histoire et Mémoire du PSU (ITS), Jeunes Insoumis-es, JSJV, L’APRES, La Marche des Solidarités, Le 93 au Cœur de la République, Le Poing Levé, Les Ami-es de Maurice Rajsfus, Les Amis de Jean-Luc Einaudi, Les amis de Max Marchand – de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons, LDH, LDH Auxerre, LDH EHESS, Les Amoureux au ban public, Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP), Morlaix Libertés, Mouvement de la Paix, Mouvement des Progressistes, PCF, PEPS, NPA Anticapitaliste, Palestine Vivra !, Pour une Écologie Populaire et Sociale, Pour la Mémoire – Contre l’Oubli, Renouveau Syndical, RESOCI-Algérie-Point-com, Réseau Féministe « Ruptures », Révolution Permanente, ROSMERTA, SNPES.PJJ-FSU, Solidaires Étudiant-e-s, Solidarités Asie France, SOS Racisme, Survie, Union étudiante, UJFP, Union communiste libertaire, Union syndicale Solidaires,…

Actions partout en France

Besançon : Rassemblement 17 octobre sur le pont Battant à 17h30 – des fleurs seront lancées dans le Doubs;
Givors : 18 octobre, La pièce de notre ami M’hamed Kaki « 17 octobre 1961, je me souviens » au Théâtre de Givors;
Lille : Manifestation samedi 18 départ à 15h Place de la république;
Montpellier : Rassemblement vendredi 17 octobre à 18h sur le Pont Zuccarelli;
Nanterre : 17 octobre à 18h rassemblement devant la plaque commémorative du 17 octobre 1961, place des Droits de l’Homme; 20h. projection dans la maison de la musique du film Frantz Fanon, « une vie, un combat », une œuvre réalisé par Cheikh Djemaï en 2001;
Noisy le sec : 17 Octobre rassemblement commémoratif et prise de parole du maire devant la fresque et la stèle en hommage aux victimes du 17 octobre1961 à 18h rue du17 Octobre 1961;
Perpignan : 17h30 – Rassemblement sur la passerelle de l’Archipel, Prise de parole et lancer de fleurs; 18h30 – Ciné-débat « Ici on noie les Algériens » de Yasmina Adi (90mn) Cinéma Castillet centre-ville;
Roubaix : Rassemblement place de la Liberté à 14h30 le samedi 18;
Strasbourg : 17 octobre 17h30 Pont du Corbeau;
Venissieux : 17 octobre, La pièce de notre ami M’hamed Kaki « 17 octobre 1961, je me souviens » Salle la Halle à Grains 85, Boulevard Coblod;
Villejuif : la ville commémore le 17 octobre 1961 avec les associations le vendredi 17/10 à 18h30 place du 17 octobre;
Vitry : le Mrap déposera une gerbe sur la stèle dédiée, quai Jules Guesde (…)

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En complément

17 octobre 2001

Plaque à la mémoire des Algériens tués lors de la sanglante répression du 17 octobre 1961, apposée 40 ans plus tard quai Marché-Neuf, dans l’île de la Cité et à proximité du pont Saint-Michel (Paris)

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Institut national de l’audiovisuelhttps://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000001887/inauguration-d-une-plaque-commemorative-dediee-aux-algeriens-tues-le-17-octobre-1961.html

Date de diffusion : 17 octobre 2001

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17 octobre 1961 – Histoire et mémoires

https://www.histoire-immigration.fr/integration-et-xenophobie/histoire-et-memoires-de-la-manifestation-du-17-octobre-1961-a-paris

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La guillotine, arme de terreur coloniale – Alain Ruscio

Alors qu’est panthéonisé Robert Badinter qui fit abolir la peine de mort en France, l’historien Alain Ruscio rappelle que la guillotine fut surabondamment utilisée par la France dans tout son empire pour y terroriser les « indigènes » et y maintenir l’ordre colonial.

La guillotine, manifestation paroxystique de la répression coloniale par Alain Ruscio

Illustration 1

 Le 20 octobre 1842, Victor Hugo s’installe à sa table de travail et décrit l’arrivée de drôles de caisses sur les quais d’Alger[1] : « Sur le débarcadère, des douaniers ouvraient les colis, et, à travers les ais des caisses entrebâillées, dans la paille à demi écartée, sous les toiles d’emballage, on distinguait des objets étranges, deux longues solives peintes en rouge, une échelle peinte en rouge, un panier peint en rouge, une lourde traverse peinte en rouge dans laquelle semblait emboîtée par un de ses côtés une lame épaisse et énorme de forme trian­gulaire : c’était la civilisation qui arrivait à Alger sous la forme d’une guillotine »[2]. Quatre mois plus tard, le 16 février 1843, le premier indigène en terre algérienne, Abd el Kader ben Dahman, avait la tête tranchée.

 Les territoires colonisés, avant la présence française, avaient le plus souvent des méthodes de répression et de mise à mort particulièrement violentes. Les documents dont on peut disposer sur ces pratiques, souvent  précédées de mille souffrances, ne laissent aucun doute à cet égard. Les Français, au nom d’une civilisation supérieure, introduisirent dans plusieurs de leurs colonies un moyen radical, considéré comme propre, plus humain, de mettre en application les sentences de mort : la guillotine, sinistrement surnommée la Veuve[3]La justice coloniale se montra particulièrement sévère. On guillotinait facilement sous les Tropiques, à une certaine époque, à l’ombre du drapeau français. Au fil des affaires, on trouve, à côté de motifs qui auraient également valu la peine capitale en métropole, des motifs assez ténus. En fait, l’usage de cet instrument avait une éminente fonction politique : inspirer la terreur aux populations indigènes afin de les contrôler, de les dissuader de toutes velléités de résistance.

Dans les vieilles colonies

 Après l’épisode spécifique de la Révolution, la Veuve fut réintroduite par le Second Empire dans les îles, au coup par coup. À La Réunion, dans l’entre-deux-guerres, c’étaient des condamnés de droit commun, souvent des cafres, qui officiaient. Une triste particularité de cette île fut la perpétuation des exécutions publiques. La dernière eut lieu le 10 avril 1940[4]. Quatre autres suivirent, dont la dernière, le 14 août 1954. En Martinique, entre 1851 et 1965, il y eut 8 exécutions, dont Landry-Lambert Gau, le 22 juin 1965, le dernier guillotiné des Antilles françaises. En Guadeloupe, entre 1875 et 1947, 4 exécutions capitales.  

 En Algérie

 Les condamnations à mort pouvaient être prononcées pour des motifs qui, en France, auraient valu tout au plus quelques années d’emprisonnement. Un an après la première exécution de février 1843, la presse relate la condamnation à mort d’un individu nommé Mohamed ben Saïd[5], coupable d’avoir « porté un coup de couteau » à un milicien (sans qu’il soit précisé si ce dernier avait été sérieusement blessé)[6].

 L’usage de la guillotine s’est ensuite imposé partout dans la colonie. Un recensement global[7] constate qu’il y eut, de cette première utilisation de la Veuve à la veille de la guerre d’Algérie, 361 exécutions capitales de musulmans – 209 de 1843 à 1918, 103 de 1919 à 1939, 49 de 1940 à 1954 – soit 3 par an, en moyenne (pour la même période : 21 Européens). Lors de la guerre d’indépendance, le chiffre global le plus souvent cité dépasse les 200 noms. C’est celui avancé par la meilleure spécialiste de la justice pendant cette guerre, Sylvie Thénault[8]. Plus tard, deux journalistes, François Malye et Philippe Oudart, et un historien, Benjamin Stora, obtinrent des dérogations pour consulter les dossiers de l’époque du Conseil supérieur de la Magistrature. Ils purent comptabiliser 222 exécutions capitales[9], dont une vingtaine en métropole. Durant la seule année 1957, celle de la « bataille d’Alger », 40 exécutions capitales de militants indépendantistes algériens condamnés après des procès expéditifs devant des tribunaux militaires eurent lieu à la prison Barberousse, avec l’aval du Garde des Sceaux François Mitterrand qui émettait un avis défavorable aux demandes de grâce.

Selon une comptabilité morbide, on peut donc avancer qu’il y eut, durant toute la période coloniale, en Algérie, 583 exécutions capitales recensées, soit plus de 4 par année.   

 En 1899, deux professeurs à l’École de Droit d’Alger[10] publient une étude dans laquelle ils déplorent la trop grande sévérité des tribunaux. Les 4 cours d’assises d’Algérie prononcent alors chaque année plus de peines capitales que les 89 cours de métropole : pour les années 1892 à 1894, par exemple, 109 en Algérie contre 93 en métropole… propension heureusement tempérée par les grâces présidentielles (31 guillotinés en Algérie pour les trois années, 35 en métropole)[11]. Il reste qu’une population musulmane d’Algérie de moins de 4 millions d’habitants eut presqu’autant de guillotinés qu’une métropole alors peuplée de plus de 38 millions d’habitants[12].

 Les exécutions étaient alors publiques, comme c’était partout l’usage. Mais, en métropole, les années passant, on tendit de plus en plus à la discrétion. En Algérie, c’était devenu un spectacle. En août 1904, le Journal des Débats, après une description au ton très détaché d’une triple exécution à Oran (les condamnés avaient assassiné une famille de colons), conclut son article par trois phrases sèches : « À 5 h. 11, le couperet tombe une première fois, une deuxième à 5 h. 12, une troisième à 5 h. 13. Les condamné ont marché résolument au supplice, regardant fixement le couperet. La foule applaudit après la troisième exécution » (3 août 1904). Cette dernière phrase évoque évidemment la population européenne. Mais les indigènes étaient également conviés. Rares étaient les articles de presse qui s’interrogeaient sur leurs réactions. La série continua, avec une seule modification, notable : l’interdiction des exécutions publiques (décret Daladier, 1939)

En Tunisie

 En Tunisie, pays de protectorat, l’usage était d’appliquer la façon tunisienne d’exécuter (la pendaison)  lorsqu’il s’agissait d’affaires entre indigènes, et la guillotine lorsque la victime était un Français[13]. Comme la présence d’un tel instrument en permanence n’était pas économiquement de justification, ce fut l’Algérie qui le prêta, au coup par coup. Le premier exemple retrouvé concerne trois indigènes coupables de l’assassinat d’un colporteur kabyle, sujet français, le 27 avril 1889[14], soit après seulement huit années de protectorat. La dernière concerna trois Tunisiens, le 28 avril 1954 à Sfax[15], deux ans avant l’indépendance.  

Au Maroc

Au Maroc, le processus des mises à mort par décapitation fut plus long à s’enclencher. Peut-être la gestion paternelle du pays par Lyautey explique-t-elle cette – bien relative – clémence. Le fait est qu’il n’y eut aucune importation de la Veuve durant son mandat. Le 16 avril 1928, donc trois années après le départ de Lyautey, le Sultan accepta finalement de signer un dahir autorisant l’usage de la guillotine dans son pays[16]. Le passage à l’acte ne tarda pas, d’autant que l’opinion européenne était chauffée par l’insurrection rifaine, alors toute proche. La première exécution eut lieu le 23 août 1928, la guillotine arrivant d’Algérie par la route. Comme toujours, l’exécution eut lieu en public, devant la porte de la prison centrale de Casablanca. La dernière exécution, toujours à Casablanca, eut lieu le 22 octobre 1947[17].

 En Indochine

La première description que nous avons trouvée de l’usage de la guillotine dans la colonie extrême-orientale concerne une exécution en Cochinchine (le sud du Viet Nam) : « Pour la première fois, la guillotine a fonctionné dans notre colonie. Un indigène qui avait assassiné une femme pour la voler a été guillotiné à Travinh » (Journal des Débats, 6 juin 1892). Le commentaire qui accompagne cette exécution est pour le moins étonnant. On y (re)trouve le mot « spectacle » « La rapidité foudroyante de la décapitation a rempli les Annamites d’étonnement bien plus que d’épouvante. Ils estiment en effet qu’il sera bien plus facile de mourir à l’avenir, et les futurs assassins ou pirates se sont montrés généralement satisfaits » (Le Temps, 4 juillet 1892).

Il y avait également des exécutions au pénitencier de Poulo Condor, de sinistre réputation.

À partir de 1930, la Veuve va être utilisée plus intensément encore avec, plus qu’ailleurs, une dimension politique. En février de cette année avait eu lieu une insurrection, à Yen Bay, à l’initiative du Parti nationaliste VNQDD (dit Guomindang vietnamien). Outre une répression immédiate – dont des bombardements aériens sur des villages suspects d’avoir hébergé les insurgés –, une justice implacable s’instaura : 39 condamnations à mort furent prononcées, 13 insurgés seront finalement exécutés.

 Ce qui n’empêcha nullement, bien au contraire, la fièvre de gagner d’autres parties de l’Indochine. Des révoltes paysannes, cette fois d’inspiration communiste, éclatèrent au centre Viêt Nam. La répression fit un nouveau bond. Pour les années 1930 à 1932, il est vrai paroxysme de la répression, 88 Annamites furent guillotinés[18]. Les militants du Parti communiste indochinois fournirent un lourd contingent de condamnés à mort. La répression atteignit un point culminant sous le régime de Vichy. Une nouvelle insurrection communiste éclata en Cochinchine en novembre 1940. L’amiral Decoux, haut commissaire, fut impitoyable, ignorant même les conseils de (relative) modération provenant de Vichy. Il y eut 144 exécutions capitales[19], sans que l’on sache exactement la part entre les fusillés et les décapités. 

Durant la guerre d’Indochine, il n’y eut pas, contrairement à ce qui se passa ensuite en Algérie, de décapitations, du moins officielles.

 Combien y eut-il, en tout, dans cette colonie, d’exécutions capitales par ce procédé ? En 1925, Roland Dorgelès, au détour d’une phrase, avance pour la seule Cochinchine un chiffre effrayant : « Trois cents têtes » (Sur la Route mandarine, 1925)[20]. Texte  écrit avant les révoltes de 1930, 1931 et 1940 citées supra. Dans l’incapacité de citer une estimation globale, on peut simplement affirmer que plusieurs centaines de colonisés d’Indochine eurent la tête tranchée.  

 Dans le Pacifique

 L’ histoire de la Kanaky est ponctuée de révoltes, dont la plus célèbre, car la plus globale, fut celle de 1878. Dix années plus tôt avait eu lieu un autre mouvement, plus local, mais qui a marqué la mémoire kanak[21]. En octobre 1867, des guerriers avaient attaqué une propriété européenne dans la région de Uvac, tuant 8 colons et 2 gendarmes. En mai 1868, le tribunal de Nouméa prononça 10 condamnations à mort[22]. La guillotine était alors arrivée sur l’île, suite au début de la déportation des bagnards. Neuf jours exactement après l’énoncé de la sentance, soit le 18 mai, les décapitations eurent lieu. Les tribus furent obligées d’y assister. Les dix rebelles sont entrés dans l’histoire, aujourd’hui encore honorés en Kanaky.

 Mais, dans la longue liste des guillotinés en Kanaky, on compte évidemment surtout des noms de bagnards[23]. Par contre, la consonance d’autres noms indique qu’il s’agit de révoltés kabyles de 1871 ou de leurs descendants : Mohamed ben Ali Srir, exécuté le 7 septembre 1899, et Miloud ben Djelloul, le 8 mars 1923, Joseph Abdelkader et Ali Boudellal, le 23 mai 1933[24].

 L’ instrument fut également utilisé aux Nouvelles-Hébrides (aujourd’hui Vanuatu). Le 28 juillet 1931, six coolies tonkinois, travailleurs déplacés, auteurs de meurtres (deux compatriotes et un chef de chantier français, Chevalier), furent guillotinés[25].

 À Tahiti, la Veuve fut utilisée contre un coolie chinois, Chim Soo Kung, un pauvre bougre pris dans une rixe sur une plantation en avril 1869. Un surveillant, également chinois, y fut tué. Le tribunal de Papeete prononça quatre condamnations à mort, dont une seule fut appliquée[26].

 L’ île, alors, n’avait pas de guillotine. Des artisans locaux en construisirent une, assez malhabilement, sans plans. La petite histoire dit qu’elle fut expérimentée sur des troncs de bananier, puis sur… des animaux (chiens, moutons et porcs)… Mais le sommet du sordide fut atteint le jour de l’exécution, évidemment publique, exécution faite sur le territoire de la plantation. D’abord, on se trompa de Chinois (ils se ressemblent tous…). Lorsque le « vrai coupable » fut substitué in extremis à l’autre, nouvelle scène, quasiment de Grand Guignol, la lame refusant de tomber. Le pauvre condamné dut assister durant trois quarts d’heure à la sinistre réparation (Journal des Débats, 9 septembre 1869)[27]. Cet épisode fut l’occasion pour Jack London – qui avait fait un court séjour à Papeete fin 1907- début 1908 – d’écrire l’année suivante une nouvelle[28] très dénonciatrice des pratiques policières et judiciaires dans les colonies françaises. Noter toutefois que, dans la nouvelle, London met de côté la substitution in extremis du vrai coupable au faux..

Un épilogue en forme de rictus

 La triste et terrible histoire de la peine de mort s’est achevée avec son abolition, en 1981. Pour la postérité, l’histoire de Christain Ranucci restera liée à ces derniers temps de la Veuve, notamment grâce au courageux livre de Gilles Perrault, Le pull-over rouge, tendant à prouver  qu’il s’est probablement agi d’une erreur judiciaire. Renucci fut exécuté le 28 juillet 1976.

 En fait, le dernier guillotiné de l’histoire, quatre ans avant l’abolition, fut un Tunisien, Hamida Djandoubi, coupable de meurtre après tortures sur sa maîtresse. Il fut exécuté aux Baumettes le 10 septembre 1977, donc 14 mois après Ranucci. Même si cela n’a rien à voir avec l’histoire coloniale, le fait que le ressortissant d’un pays anciennement colonisé ait clos cette page tragique (… et qu’il ait été totalement oublié, à l’inverse de Ranucci) apparaît comme une grimace de l’Histoire. 


NOTES

[1] On a l’impression, en le lisant, d’une chose vraiment vue. Or, Hugo n’y a pas assisté, n’ayant jamais foulé le sol de l’Algérie. Mais la date et le fait sont attestés. Voir Franck Laurent, Victor Hugo face à la conquête de l’Algérie, in Série Victor Hugo et l’Orient, Paris, Maisonneuve & Larose, 2001.

[2] Choses vues. Souvenirs, journaux, cahiers, Vol. I, 1830-1846, Paris, Gallimard, Coll. Folio.

[3] Nous n’évoquerons pas dans cette notice l’utilisation de la Veuve dans les bagnes situés aux colonies.

[4] Cyril Chatelain, « La prison Juliette Dodu à La Réunion : fermeture de la “honte de la République“ », Site Crimoncorpus, 28 juin 2012 ; http://criminocorpus.hypotheses.org/7333.

[5] Journal des Débats, 13 septembre 1844.

[6] Nous n’avons pas retrouvé trace de l’exécution de la sentance.

[7] Site guillotine.voila.net.

[8] Sylvie Thénault, Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie, Paris, Ed. La Découverte, Coll. L’espace de l’Histoire, 2001.  

[9] François Malye & Benjamin Stora, François Mitterrand et la guerre d’Algérie, Paris, Éd. Calmann-Lévy, 2010.

[10] Émile Larcher & Jean Olier, Les institutions pénitentiaires de l’Algérie, Paris, Art. Rousseau, Éd. / Alger, Ad. Jourdan, Éd., 1899.

[11] Il arriva souvent que les cours d’Algérie condamnent les assassins – comme en métropole – mais aussi leurs complices. Les grâces présidentielles semblent s’être appliquées surtout à cette seconde catégorie de condamnés.

[12] Dans les frontières d’alors, donc hors Alsace et une partie de la Lorraine.

[13] « Les exécutions capitales », La Dépêche tunisienne, 17 juin 1896.

[14] Journal des Débats, 28 avril 1889.

[15] Site Internet guillotine.voila.net.

[16] Adnan Sebti, « Les Marocains et la guillotine », Zamane, le Maroc d’hier et d’aujourd’hui, Casablanca, n° 105, août-septembre 2019.

[17] Site Internet laveuveguillotine ; https://laveuveguillotine.pagesperso-orange.fr/PalmaresMaghreb.html

[18] La Dépêche d’Indochine, 2 février 1933, citée par Ngo Van, Au pays de la Cloche fêlée. Tribulations d’un Cochinchinois à l’époque coloniale, Montreuil, Éd. L’Insomniaque, 2000.

[19] Sébastien Verney, L’Indochine sous Vichy. Entre Révolution nationale, collaboration et identités nationales, 1940-1945, Paris, Riveneuve Éd., 2012.

[20] Paris, Albin Michel.

[21] Récit d’après Marjorie Bernard, « Un passé à démêler », Les Nouvelles Calédoniennes, Nouméa,19 mai 2012.

[22] Le Moniteur de Nouvelle-Calédonie, 17 mai, cité par La Presse, 21 octobre.

[23] Qui ne concernent qu’indirectement l’histoire coloniale.

[24] Les exécutions capitales en Nouvelle-Calédonie, Site Internet Guillotine-La Veuve.

[25] Dong Sy Hua, De la Mélanésie au Vietnam. Itinéraire d’un colonisé devenu francophile, Paris, L’Harmattan, Coll. Mémoires asiatiques, 1993.

[26] Anne-Christine Trémon, « Mémoire d’immigrés et malemort : controverses autour du passé coolie chez les Chinois de Tahiti », Les Cahiers de Framespa (France méridionale et Espagne), Université de Toulouse, n° 3, 2007.

[27] Qui cite lui-même deux périodiques, La Revue britannique et Le Réveil.

[28] « The Chinago », nouvelle écrite en 1909, in When God Laughs and Other Stories, New York, Macmillan Co., 1911 ; traduction française, « Le chinetoque », in Quand Dieu ricane, Paris, Phébus, 2005.

Source : Mediapart – Billet de blog – 09/10/2025 https://blogs.mediapart.fr/histoire-coloniale-et-postcoloniale/blog/091025/la-guillotine-arme-de-terreur-coloniale

Septembre 1960 : le Manifeste des 121 pour le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie

Le Manifeste des 121, titré « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie », est signé par des intellectuels, universitaires et artistes et publié le 6 septembre 1960 dans le magazine Vérité-Liberté. Il suscite un énorme scandale. Alain Ruscio rappelle qu’il a « réveillé l’opinion publique française ». Catherine Brun éclaire la genèse et la postérité de ce manifeste. Enfin, le film de Mehdi Lallaoui interroge nombre de témoins de cet évènement majeur.


Guerre d’Algérie : comment le Manifeste des 121 a réveillé l’opinion publique française, par Alain Ruscio

Publié dans L’Humanité le 11 septembre 2025

Source

Début 1960, la guerre d’indépendance de l’Algérie entre dans sa septième année. « Événements », selon la terminologie officielle, montagne d’hypocrisie ? Tous les Français l’appellent par son nom, une guerre, et même une « sale guerre », comme celle d’Indochine, qui l’avait précédée.

La protestation, peu audible durant les premières années, enfle. Les désastres sont sans nom pour le peuple algérien. La torture, subie par des dizaines de milliers, connue de tous, est désormais le quotidien pour ce peuple. En France, pour les familles, c’est chaque jour un peu plus de deuils, de peurs. La politique gaulliste souffle le chaud et le froid : promesse d’autodétermination mais poursuite et même accentuation de l’effort militaire. Les oppositions (PCF, le tout jeune PSU, les intellectuels contestataires) ne trouvent pas de langage commun – et à vrai dire ne le cherchent guère. Un certain sentiment d’impuissance s’est emparé des milieux les plus investis dans la lutte anti-guerre. Début 1960, c’est de l’entourage de Dionys Mascolo, communiste en rupture de ban (exclu du PCF dès 1950), que part l’idée d’un soutien public de personnalités aux soldats refusant de porter les armes en Algérie. Le texte, intitulé dans un premier temps Adresse à l’opinion internationale, co-rédigé par Mascolo et le surréaliste Jean Schuster, est soumis à un premier groupe. C’est Maurice Blanchot qui lui donne son titre définitif, Manifeste pour le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie. En juillet, la première liste est prête. En septembre, le texte commence à circuler sous le manteau (la presse n’a pas le droit de le publier, la censure gaulliste sévit en ces temps-là). La première publication est faite par l’organe semi légal de la Centrale d’information et d’action sur le fascisme et la guerre d’Algérie, Vérités Pour, le 26 septembre 1960. Pour la postérité, il deviendra Manifeste des 121, tout simplement parce ce fut le chiffre des premiers signataires : « Nous respectons et jugeons justifié le refus de prendre les armes contre le peuple algérien. Nous respectons et jugeons justifiée la conduite des Français qui estiment de leur devoir d’apporter aide et protection aux Algériens opprimés au nom du peuple français. La cause du peuple algérien, qui contribue de façon décisive à ruiner le système colonial, est la cause de tous les hommes libres ». L’avaient signé certains des intellectuels les plus engagés contre la guerre, Robert Barrat, Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, Pierre Boulez, André Breton, Édouard Glissant, Daniel Guérin, Jérôme Lindon, André Mandouze, Dionys Mascolo, François Maspero, Théodore Monod, Hélène Parmelin, Alain Resnais, Alfred Rosmer, Claude Roy, Nathalie Sarraute, Jean-Paul Sartre, Simone Signoret, Vercors, Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet, etc. 

La réponse fut vive. Les autorités déclenchèrent une vague de mises en examen. Beaucoup de signataires – en particulier parmi les artistes – furent frappés d’interdits professionnels. Parmi les signataires du Manifeste figurait le grand mathématicien Laurent Schwartz, intellectuel trotskiste en pointe dans la dénonciation de la guerreIl fut immédiatement suspendu de cours à l’École Polytechnique par le ministre des armées, Pierre Messmer. Schwartz répondit publiquement au ministre : « Si j’ai signé la déclaration des 121, c’est en partie pour avoir vu depuis plusieurs années la torture impunie et les tortionnaires récompensés. Mon élève Maurice Audin a été torturé et assassiné en juin 1957, et c’est vous, monsieur le ministre, qui avez signé la promotion du capitaine Charbonnier au grade d’officier de la Légion d’Honneur à titre exceptionnel et celle du commandant Faulques au grade de commandeur de la Légion d’Honneur. Venant d’un ministre qui a pris de telles responsabilités, les considérations sur l’honneur ne peuvent que me laisser froid. »

Quelle fut l’attitude du PCF, alors principale force de la gauche ? Ce parti se revendiquait du léninisme, partisan de la lutte de masse, méfiant par principe contre toute activité jugée alors individualiste. Durant la toute première période de la guerre, la condamnation de ce type d’initiatives avait été sans appel (on pense à la prise de distance avec les « porteurs de valises »). Face au Manifeste, pourtant, on observa une évolution. Après un silence, signe évident d’une gêne, L’Humanité publia le 3 octobre un article dont le titre était un programme : « Soutenir les condamnés, défendre les 121 », signé par un membre du Comité central, Jean-Pierre Vigier. Le soutien aux condamnés et aux 121 était exprimé de façon nette : « Nous, communistes, soutiendrons les condamnés et défendrons les 121, comme nous défendrons toujours et sans distinction à l’avenir, tous les partisans de la paix en Algérie ». Le Manifeste, pour Vigier, avait « le mérite de contribuer au réveil de l’opinion et d’élargir le débat sur la nature de la guerre d’Algérie et les moyens d’y mettre un terme. » Phrase qui constituait un pas en avant considérable, en ces temps de raideur idéologique. Mais… il y avait un mais. « L’insoumission n’a jamais été une position du mouvement ouvrier ». L’auteur ne masquait pas les appréhensions des communistes face à cette forme de résistance : « Les activités de certains accusés, les moyens préconisés par les 121 montrent que la poursuite d’une guerre atroce, injuste, inhumaine, conduit parfois les adversaires des ultras, à partir d’une impatience compréhensible, à des gestes de désespoir utilisés parfois par les ultras et le régime. » Tout était dit dans cette formule.

Avec le recul, le Manifeste des 121 apparaît comme un moment d’importance dans la dénonciation de la guerre. Un moment, mais non le moment. Il y en eut bien d’autres, du mouvement des rappelés en 1956 à l’interdiction du livre d’Henri Alleg en 1958. 


Lire aussi sur notre site

« Genèse et postérité du “Manifeste des 121” ». Le Manifeste des 121, un texte fondamental dont Catherine Brun éclaire la genèse

par Catherine Brun, publié par L’Esprit Créateur, Volume 54, Number 4, Winter 2014, p. 78-89, reproduit par notre site le 12 avril 2021 avec l’accord de son autrice.

Source

Notre site a consacré une page aux soixante ans du « Manifeste des 121 » en reproduisant son texte et les deux listes de ses signataires, ainsi qu’un documentaire par le réalisateur Mehdi Lallaoui. Nils Andersson, responsable à l’époque des éditons La Cité à Lausanne, a souligné : « Sur le “Manifeste des 121” (et le “manifeste des intellectuels” qui prétendait lui répondre), il y a un texte qui n’est pas assez connu, c’est celui de Catherine Brun, “Le Manifeste des 121, genèse et postérité”. Il apporte des éléments importants sur l’initiative et la rédaction de ce manifeste, cite les noms de personnes dont l’engagement est moins connu mais qui n’en fut pas moins important ».


Voir le film « Manifeste 121. Des intellectuels dans la guerre d’Algérie », par Mehdi Lallaoui

Source : Histoire coloniale et postcoloniale – Édition du 1er au 15 octobre 2025 https://histoirecoloniale.net/septembre-1960-le-manifeste-des-121-pour-le-droit-a-linsoumission-dans-la-guerre-dalgerie/