Protestation de l’Algérie contre la détention en France d’un agent consulaire

L’ Algérie a « vivement protesté » samedi soir contre la détention en France d’un agent consulaire, accusé d’implication dans l’enlèvement fin avril sur le sol français de l’influenceur algérien Amir Boukhors, une affaire « inadmissible » selon Alger au moment où le dialogue avec Paris vient de reprendre.

Trois hommes, dont un travaille dans un consulat d’Algérie en France, ont été mis en examen vendredi à Paris, pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie de libération avant le septième jour, en relation avec une entreprise terroriste, selon le Parquet national antiterroriste (Pnat) français.

Dans cette affaire concernant l’opposant au régime algérien Amir Boukhors, influenceur surnommé « Amir DZ », les trois hommes sont aussi poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Ils ont été placés en détention.

Résidant en France, Amir Boukhors a livré pour la première fois, samedi 12 avril, sa version du kidnapping dont il dit avoir été victime le 29 avril 2024 : « Je vois un gyrophare et quatre personnes qui descendent de la voiture avec un brassard de police. Ils m’ont menotté et dit qu’un officier de la police judiciaire m’attendait », confie-t-il à France 2. Selon lui, les services secrets algériens seraient à l’origine du kidnapping.

Alger a émis neuf mandats d’arrêt internationaux à son égard, l’accusant d’escroquerie et d’infractions terroristes. En 2022, la justice française a refusé son extradition. Âgé de 41 ans et suivi par plus de 1 million d’abonnés sur TikTok, « Amir DZ » a été la cible « de deux agressions graves, une en 2022 et une autre dans la soirée du 29 avril 2024 », jour de son enlèvement en banlieue sud de Paris (Val-de-Marne) avant d’être relâché le lendemain, avait rappelé à l’AFP son avocat, Éric Plouvier.

Le ministère algérien des affaires étrangères a tonné samedi soir contre « ce nouveau développement inadmissible et inqualifiable [qui] causera un grand dommage aux relations algéro-françaises ». Il s’est engagé à ne pas « laisser cette situation sans conséquences ». La diplomatie algérienne a précisé avoir reçu l’ambassadeur de France, Stéphane Romatet, pour « exprimer [s]a vive protestation ». Alger a protesté sur « la forme » et sur « le fond » de l’affaire, et a rappelé que « l’agent consulaire a été arrêté en pleine voie publique puis placé en garde à vue sans notification par le canal diplomatique ».

« Argumentaire vermoulu »

Et Alger a également dénoncé « l’argumentaire vermoulu et farfelu » du ministère de l’intérieur français, fustigeant une « cabale judiciaire inadmissible » reposant « sur le seul fait que le téléphone mobile de l’agent consulaire inculpé aurait borné autour de l’adresse du domicile de l’énergumène » Amir Boukhors. Cet influenceur algérien est en France depuis 2016, y a obtenu l’asile politique en 2023 et son pays le réclame pour le juger.

À la suite des mises en examen, MPlouvier a parlé d’une « affaire d’État » et le ministre français de l’intérieur, Bruno Retailleau, a évoqué « peut-être » un « acte d’ingérence étrangère ». Toutefois, une source proche du dossier en France a appelé samedi à la prudence sur ces trois mises en examen : elle a dit redouter que l’enquête ne débouche que sur « un dossier vide », contre des suspects qui ne seraient que des fusibles. 

Vives tensions

Mais pour la diplomatie algérienne, « ce tournant judiciaire, inédit dans les annales des relations algéro-françaises, n’est pas le fruit du hasard ». Il se produit « à des fins de torpillage du processus de relance des relations bilatérales convenu entre les deux chefs d’État [français et algérien – ndlr] lors de leur récent entretien téléphonique », a déploré le ministère des affaires étrangères. Il a exigé la libération « immédiate » de son agent consulaire.

De vives tensions affectent les relations entre la France et l’Algérie depuis que le président Emmanuel Macron a décidé fin juillet d’appuyer un plan d’autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, où les indépendantistes du Front Polisario sont soutenus par Alger.

Elles se sont encore aggravées avec l’arrestation, l’incarcération et la condamnation fin mars à Alger à cinq ans de prison ferme de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal pour atteinte à l’intégrité du territoire. Emmanuel Macron s’était dit vendredi « confiant » dans la libération prochaine de l’auteur de 75 ans.

Les tensions franco-algériennes se sont toutefois un peu apaisées à la faveur d’un appel le 31 mars entre Emmanuel Macron et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune qui a acté la reprise du dialogue bilatéral.

Source – AFP et Rédaction de Mediapart – 13/04/2025 https://www.mediapart.fr/journal/international/130425/protestation-de-l-algerie-contre-la-detention-en-france-d-un-agent-consulaire

Algérie – France : quel bilan réel de l’immigration depuis l’indépendance ? – Jean-Baptiste Meyer

Si les discriminations sont tenaces, si les acrimonies existent, l’intégration et le « brassage » de populations françaises et algériennes apparaissent comme largement réalisés selon les données des sciences sociales (Alain Jocard/AFP)

Alors que l’immigration nord-africaine est souvent associée à des images négatives – pauvreté, délinquance, radicalisation – par une partie de la classe politique et des médias, plusieurs études montrent que les enfants et petits-enfants d’immigrés algériens réussissent aussi bien – voire mieux – que l’ensemble de la population française au plan scolaire et professionnel.

L’intégration entre les populations de l’hexagone et celle de son ancienne colonie n’a jamais été aussi forte. Près de deux millions de migrants nés en Algérie sont enregistrés en France au début du XXIᵉ siècle, alors qu’au moment de l’indépendance, seuls 400 000 d’entre eux résidaient dans l’hexagone.

Outre les deux millions de migrants algériens, il faut ajouter les descendants de ces personnes migrantes et celles issues d’unions mixtes, qui le multiplient plusieurs fois. Selon le chercheur Azize Nafa, les estimations varient (thèse), les estimations varient mais concordent sur le fait qu’au moins six millions de personnes constituent cette population transnationale et que dix à douze millions de personnes ont un lien passé et/ou présent avec l’Algérie, en France – soit entre un et deux Français sur dix.

Ainsi, les deux pays se révèlent être démographiquement et socialement imbriqués. Ils conforment un continuum sociétal bien éloigné d’une représentation, politique et imaginaire, de séparation.

Un « binôme » franco-algérien quasi unique dans le monde

Le cas est exceptionnel dans le monde. Seuls les États-Unis d’Amérique et le Mexique peuvent être comparés au binôme franco-algérien. Ainsi, 9 personnes sur 10 émigrées d’Algérie choisissent la France pour destination, et 9 mexicains sur 10 choisissent les États-Unis. Ni l’Allemagne et la Turquie (56 % des personnes immigrées de ce dernier pays choisissent le premier), ni le Royaume-Uni et l’Inde (18 % seulement), ou l’Australie avec ses voisins asiatiques ne montrent une telle intensité/exclusivité de la relation migratoire.

Ces situations d’exception sont dues à plusieurs facteurs : la proximité géographique, liée à un différentiel de développement socio-économique important et l’existence de réseaux sociomigratoires transfrontaliers.

La phase historique génératrice de cette transnationalisation est surtout consécutive à la période coloniale. C’est la croissance économique au nord, couplée à la croissance démographique au sud, qui a induit ces flux et poussé à cette intégration. Il s’agit d’une forme traditionnelle d’immigration de main-d’œuvre qui ne va pas sans soubresauts entre les États d’accueil et d’origine. Mais elle façonne durablement une société dont les clivages antérieurs – coloniaux ou guerriers – sont parfois reproduits mais aussi éventuellement transformés par la migration.

C’est d’ailleurs le sens qu’il faut donner à l’accord de 1968 tant décrié aujourd’hui, car supposé injustifié. Il venait stabiliser les flux d’une libre circulation instituée par les accords d’Évian. Ce régime d’exception n’est pas un privilège gratuit accordé par la France à l’Algérie : il s’agit d’une adaptation mutuelle à des conditions postcoloniales de coopération. Selon [Hocine Zeghbib], l’accord représente « un compromis entre les intérêts mouvants » des deux pays. Il a sans aucun doute permis à la France de disposer d’une main-d’œuvre extrêmement utile pour son développement économique durant la deuxième moitié des trente glorieuses.

L’image durable de l’ouvrier algérien peu qualifié

Entre 1962 et 1982, la population algérienne en France a doublé comme le rappelle Gérard Noiriel. Les films télévisés de Yamina Benguigui et de Mehdi Lallaoui, soigneusement documentés et abondamment nourris de travaux d’historiens, ont popularisé une représentation durable de cette immigration, essentiellement constituée de travailleurs, venus soutenir l’économie française en expansion de l’après-guerre.

Main-d’œuvre masculine, peu qualifiée, dans des logements précaires et des quartiers défavorisés, la vision s’impose d’une population différente et distincte de celle de bon nombre de natifs. Les catégories socioprofessionnelles dont elle relève sont celles des employés et des ouvriers à un moment où l’avènement de la tertiarisation post-industrielle fait la part belle aux emplois en cols blancs. Ces derniers supplantent les premiers qui deviennent minoritaires à partir de 1975, sur les plans économiques, sociaux et symboliques. Mais ces catégories restent pourtant majoritaires chez les travailleurs immigrés dans les premières années de la migration.

Des secondes et troisièmes générations qui réussissent

Au-delà d’un apport passager et ancien au marché du travail, est-on désormais confronté à ce que certains pourraient décrire comme un « fardeau » socioculturel ?

Les constats empiriques – notamment ceux de Norbert Alter – démontrent le contraire. Ils révèlent la combativité et la créativité accrues des jeunes issus de l’immigration, et leurs réalisations effectives et reconnues, dans divers domaines, notamment socio-économiques.

Les recherches qualitatives que nous avons pu mener font état, depuis plusieurs décennies déjà, de réussites exemplaires de personnes issues de l’immigration, algérienne, maghrébine et autre. Nombreux sont les cas d’entrepreneurs, artistes, chercheurs, journalistes et autres dont les parcours de vie professionnelle s’offrent en référence positive. Mais ce ne sont pas des exceptions qui confirmeraient une supposée règle du passif, du négatif, migratoire. Ces cas n’ont rien d’anecdotique ou d’exceptionnel. Les statistiques disent la même chose.

Plusieurs enquêtes récentes comme Trajectoires et Origines TeO2 menée par l’INED en 2020 ainsi que l’enquête emploi de l’Insee, font état d’une réussite éducative et socioprofessionnelle des descendants de l’immigration maghrébine en France.

Catégories socioprofessionnelles des actifs occupés (2020)

Thomas Lacroix. Marocains de France à la croisée des chemins. In Mohamed Berriane (dir.). Marocains de l’extérieur – 2021, Fondation Hassan II pour les Marocains Résidant à l’Etranger. INSEE.

Pour les deuxièmes et troisièmes générations, cette réussite s’avère statistiquement comparable, équivalente et même parfois supérieure, à l’ensemble de la population française. Ainsi les catégories « artisans, commerçants et chefs d’entreprise » de même que celle des « cadres et professions intellectuelles supérieures » sont mieux représentées (29 %) dans les populations issues de l’immigration maghrébine que pour la moyenne des Français (26 %).

L’image d’une population immigrée globalement ségréguée et défavorisée mérite donc quelques corrections fondamentales.

Concernant les marocains de l’extérieur, l’enquête emploi de l’Insee analysée par Thomas Lacroix montre que la première génération demeure moins favorisée, avec une catégorie ouvrière surreprésentée par rapport à la population générale. En revanche, pour les Algériens, la proportion des ouvriers y est à peine supérieure à celle de l’ensemble tandis que celle des cadres et professions intellectuelles a même un point de pourcentage au-dessus. Le paysage social a donc significativement évolué depuis l’indépendance.

Cela est dû en partie à l’éducation qui permet des rattrapages rapides des populations immigrées vis-à-vis des natifs. De ce point de vue, les résultats de l’enquête Trajectoire et origines de l’INED confirment les statistiques de l’Insee, montrant qu’après deux générations, les niveaux de performance dans l’enseignement supérieur sont équivalents entre les deux populations – ce rattrapage se réalise même dès la première génération lorsque ses ressortissants viennent de couples mixtes.

Un brassage synonyme d’intégration malgré des discriminations

Le brassage apparaît ainsi comme un facteur significatif d’intégration et d’égalité. Toutefois, selon cette enquête et à la différence de celle de l’Insee, le débouché sur le marché du travail est un peu moins favorable pour les personnes issues de l’immigration que pour les natifs. Les auteurs expliquent cette différence par une discrimination persistante envers les populations d’origine étrangère, maghrébine en particulier, en s’appuyant sur les travaux de Dominique Meurs.

Cette persistance de formes de discrimination, ainsi que les situations sociales désavantageuses dont souffre la première génération immigrée ne sont pas sans conséquences. Cette situation nuit bien sûr à cette population, mais nourrit également du ressentiment. C’est dans ce contexte que germent des discours haineux à son égard ou, à l’inverse, vis-à-vis de la France. D’un côté, on opère l’amalgame entre immigration et délinquance au vu de conditions sociales dégradées ; de l’autre s’expriment d’acerbes dénonciations à propos de la méfiance subie par les migrants d’Algérie. Pourtant, ces discours ne reflètent pas la totalité des liens, pour beaucoup indissolubles et féconds, que le temps a tissés entre ce pays et la France.

Changer de regard

Les constats précédents nous invitent à reconnaître ce que les circulations trans – méditerranéennes ont produit : une société qui déborde chacune de ses parties et dont l’intégration s’avère globalement positive. Certes, des inégalités perdurent ainsi que des souffrances et des acrimonies. Mais ces difficultés demeurent limitées et ne devraient guère constituer la référence majeure de politiques, de part et d’autre de la Méditerranée, qui abîmeraient le lien social entre des populations mêlées, sur des territoires souvent partagés.

Auteur : Jean-Baptiste Meyer, directeur de recherche (Centre Population et Développement), Institut de recherche pour le développement (IRD)

Source : The Conversation – 05/04/2025

https://theconversation.com/algerie-france-quel-bilan-reel-de-limmigration-depuis-lindependance-251811?utm_medium=email&utm_campaign=La%20newsletter%20du%20week-end&utm_content=La%20newsletter%20du%20week-end+CID_91d7365cb58ea0a0be0035e092e260d7&utm_source=campaign_monitor_fr&utm_term=Algrie%20%20France%20%20quel%20bilan%20rel%20de%20limmigration%20depuis%20lindpendance

Paris et Alger renouent le dialogue – Malik Ben Salem

Le déplacement à Alger du chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, le 6 avril confirme le dégel dans les relations franco-algériennes. L’objectif était de ne pas rester au stade des déclarations d’intention, mais de tracer une feuille de route pour une sortie de l’impasse diplomatique, qui paraissait encore inextricable il y a quelques jours.

Un peu plus d’une semaine après le coup de théâtre dans la crise entre la France et l’Algérie et la reprise du dialogue entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a effectué le 6 avril une visite officielle à Alger. Au programme : une rencontre avec son homologue, ainsi qu’avec le président algérien, rapporte le site d’information TSA. L’occasion pour le chef de la diplomatie française d’annoncer la « réactivation dès aujourd’hui de tous les mécanismes de coopération dans tous les secteurs ».

Clairement, le réchauffement des relations entre Paris et Alger se traduit par une reprise des contacts entre les services de renseignements des deux pays, notamment sur des questions stratégiques comme le Sahel, qui fera l’objet d’une réunion « des plus hauts responsables de la sécurité ». Au niveau judiciaire, comme prévu, la visite du ministre de la Justice Gérald Darmanin est maintenue pour entamer une « reprise du dialogue judiciaire » entre la France et l’Algérie.

Un autre dossier brûlant a été au centre des discussions du ministre des Affaires étrangères français avec la partie algérienne, précise de son côté le site d’information Le Matin d’Algérie : celui des biens mal acquis, qui fera prochainement l’objet d’une réunion de travail à Paris « entre le parquet national financier et ses homologues algériens ».

Le Matin d’Algérie rappelle que la justice française a refusé d’extrader vers l’Algérie l’ancien ministre de l’Industrie Abdeslam Bouchouareb, condamné pour corruption. Une affaire qui a contribué, entre autres, à la crispation des relations entre les deux pays.

Retailleau, le grand perdant

Jean-Noël Barrot a par ailleurs confirmé les engagements des deux présidents qui, lors de leur entretien téléphonique du 31 mars, avaient annoncé la « reprise sans délai de la coopération migratoire ». Tout n’a pas été réglé lors de cette visite dans le dossier des réadmissions et des visas, mais le chef de la diplomatie française a laissé comprendre que les détails seront traités progressivement à travers « les accords existants via les procédures normales et fluides de la coopération consulaire ».

Pour le journal algérien arabophone Echorouk, cette visite, et plus largement l’apaisement des tensions entre la France et l’Algérie, sonne comme un désaveu du ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau, le « plus grand perdant du rapprochement entre l’Algérie et la France ». Retailleau, qui était l’un des plus virulents au sein du gouvernement français sur le dossier algérien, est aujourd’hui critiqué jusque dans son propre camp, souligne le quotidien.

Signe de la détente relativement rapide des relations franco-algériennes après la conversation entre les deux présidents, « la commission mixte algéro-française sur l’histoire et la mémoire reprendra prochainement ses travaux à Paris », rapporte le journal algérien El Watan (https://anpnpa.fr/commission-mixte-algero-francaise-sur-lhistoire-les-archives-de-la-colonisation-comme-prealable-m-abdelkrim/). La question mémorielle reste au cœur des relations complexes et des tensions sporadiques entre Alger et Paris.

Le quotidien El Khabar fait quant à lui une lecture sémiologique de cette rencontre. Contrairement aux sourires de circonstance qui accompagnent les visites diplomatiques, les visages de Barrot et de son homologue algérien Ahmed Attaf étaient plutôt fermés, ce qui reflète « la profondeur de la crise entre les deux pays ».

La presse algérienne n’a pas commenté les échanges au sujet de la condamnation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, dont le ministre français a à nouveau demandé qu’il puisse bénéficier d’un « geste d’humanité » de la part du président Tebboune.

Source : Courrier International – 07/04/2025 https://www.courrierinternational.com/article/paris-et-alger-renouent-le-dialogue_229629

Commission mixte algéro-française sur l’Histoire : Les archives de la colonisation comme préalable – M. Abdelkrim

La Commission mixte algéro-française sur l’histoire et la mémoire reprendra prochainement ses travaux à Paris. Des travaux qui interviennent dans un contexte politique marqué par une désescalade entre les deux capitales, entamée depuis quelques semaines à la faveur d’un entretien téléphonique entre le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, et son homologue français, Emmanuel Macron. 

C’est dans ce même contexte que le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot, entamera dès aujourd’hui ( 06/04/2025) une visite officielle  à Alger.  Une visite qui acte une reprise de la  coopération algéro-française. Le coprésident de la Commission mixte algéro-française sur l’histoire et la mémoire, Lahcen Zeghidi, s’est exprimé, à cette occasion, sur la conduite à suivre pour faire avancer les négociations sur un dossier d’une extrême importance entre les deux pays.  

Selon le quotidien El Khabar, M. Zeghidi a appelé, instamment, vendredi, la partie française à mettre en œuvre les accords de la cinquième réunion du comité.  Dans une déclaration au quotidien arabophone, il a insisté notamment sur la nécessité de rouvrir le dossier des archives.  S’adressant à ses homologues français au sein du comité, il a suggéré de fixer un « calendrier concret » pour la restitution des archives et des biens spoliés pendant la colonisation française de l’Algérie, y compris ceux qui re-montent à la période ottomane. 

Sixième round

Par ailleurs, il a exhorté la partie française, lors d’un déjeuner offert par Anne-Claire Le Gendre, conseillère du président Emmanuel Macron pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient (en marge du quatrième round, ndlr), à surmonter les obstacles législatifs qui considèrent que tous les éléments transférés des colonies sont la propriété de la France. « Nous avons insisté pour qu’un décret présidentiel soit publié, ce qui a suscité des réactions », a souligné M. Zeghidi, faisant référence aux « parties » qui s’opposent, toujours, à la restitution des archives et des biens pillés.

Il a, toujours selon El Khabar, ajouté que la délégation algérienne se rendra à Paris (pour participer au sixième round, décidé après l’appel téléphonique entre les Présidents des deux pays) afin de mettre en œuvre les accords du cinquième round. A ce propos, il a déclaré : « Nous nous rendrons à Paris pour récupérer les archives et non pour dialoguer ou discuter, ainsi que pour inspecter les zones du sud de la France où les sites d’archives n’ont pas été examinés. » 

M. Zeghidi s’est dit, par ailleurs, étonné par l’inventaire des biens algériens dans dix-neuf institutions et structures françaises (Bibliothèque nationale, musées, etc.) qui ont été examinées lors de la dernière mission de dix jours de la commission en France et qui ont fait l’objet de pillage. L’historien a également rappelé que l’accord conclu entre les deux parties portait sur la restitution de plus de deux millions de documents d’archives (copies numérisées) et des biens et possessions remontant à la période précédant l’invasion (1830), y compris des armes, comme des canons, des archives papier et des biens ayant une symbolique particulière pour les Algériens, dont certains ont été pillés au palais du Dey. « Nous avons dit à la partie française que nous ne céderons sur rien, même s’il s’agit d’un stylo, ainsi que les biens de l’Emir Abdelkader : son burnous, sa copie du Coran, ses épées et ses canons », a-t-il précisé.  

M. Zeghidi a fait savoir que la partie algérienne s’est appuyée sur un rapport du consul américain à l’époque de la chute d’Alger, présenté par le Dr Ali Tablit, pour appuyer ces revendications.  « Nous avons reçu des données et des informations de la part d’historiens, de scientifiques et d’experts algériens nationaux et de la diaspora qui ont renforcé l’argumentaire algérien contre la partie française », a-t-il dit. « Ces données ont mis en lumière des choses que nous ne savions pas », a-t-il enchaîné. 

Notons que le quatrième cycle de travail de la commission, le plus long, a permis à la partie algérienne d’examiner les archives détenues par la partie française, y compris celles détenues par le ministère de la Défense. 

Ce cycle a abouti à un accord sur la création d’un portail en ligne et sur l’échange de chercheurs (quinze par pays) pour mener des recherches.  

Source : El Watan – 06/04/2025 https://elwatan-dz.com/commission-mixte-algero-francaise-sur-lhistoire-les-archives-de-la-colonisation-comme-prealable

Un crime d’État. Règlements de comptes au cœur du pouvoir algérien  – Farid Alilat

Présentation de l’éditeur

Le livre-enquête truffé de révélations sur l’assassinat de Krim Belkacem, chef historique du FLN et signataire des accords d’Évian

20 octobre 1970, dans une chambre de l’Intercontinental de Francfort, Krim Belkacem est retrouvé mort, assassiné deux jours auparavant.

Homme politique algérien faisant partie des neuf membres historiques du Front de libération nationale (FLN) durant la guerre d’indépendance algérienne, il a signé, en tant que plus haut gradé des anciens maquisards, les accords d’Évian, et sera par la suite un fervent opposant à Boumédiène.

Pourquoi et comment Krim Belkacem s’est-il retrouvé dans cette chambre d’hôtel ? Comment, entre Alger, Paris, Rabat, Genève, Beyrouth et Francfort, s’est tramé son assassinat ? Quels en sont les commanditaires ?

Cinquante-quatre ans plus tard, sa mort est encore nimbée de mystères. Grâce à des documents exclusifs obtenus auprès des archives de la police et de la justice allemandes et auprès de la famille, Farid Alilat répond à ces questions au cœur d’une enquête brillamment menée, conduite en Allemagne, en France, en Suisse, au Liban et au Maroc.

Par sa connaissance approfondie de l’histoire et de la politique algériennes, le journaliste retrace dans ce récit qui se lit comme un roman haletant un des moments clés des relations entre l’Algérie et la France : que nous dit cet assassinat des relations entre les deux pays ?

Il revient pour ce faire sur la guerre d’Algérie, l’importance du rôle de De Gaulle dans le processus d’indépendance, la présence de Krim Belkacem en France, qui savait que sa tête était mise en prix, et sur l’intrication des différents réseaux, avec pour commanditaire Boumédiène.

Un crime d’État. Règlements de comptes au cœur du pouvoir algérien, de Farid Alilat, préface de Kamel Daoud, Plon, 272 p., 21 €, numérique 14 €

Précédentes publications de Farid Alilat, journaliste et écrivain, spécialiste de l’Algérie : Idir, un Kabyle du monde, éditions du Rocher ; Bouteflika, une histoire secrète, éditions du Rocher ; Vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes déjà morts, brûlot coécrit avec Shéharazade Hadid, sur la répression sanglante du printemps noir.