Un combat fratricide
La Fédération de France du F.L.N. a joué un rôle déterminant durant la guerre de libération nationale. Sans son concours financier, le Front de Libération Nationale n’aurait pas été ce qu’il fut. Cependant, la crise, interne, du Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD), débouche sur une crise externe avec le Front de libération national (FLN), ce qui a généré des tensions dans un contexte dans lequel les messalistes étaient majoritaires dans l’émigration. Des cellules FLN sont constituées dans toutes les régions françaises sous la férule de Mohamed Boudiaf. C’est à partir de cette implantation, nouvelle, dans l’émigration algérienne que le FLN engage, une autre guerre, d’abord politique, puis militaire, pour l’hégémonie au sein des Algériens de France en opposition au MTLD.
Tout commence avec la venue de Mohamed Boudiaf en Janvier 1955 au Luxembourg. Émissaire du FLN, ce dernier organise un meeting rassemblant quelques dizaines d’Algériens auxquels il donne quelques orientations en clarifiant certains points sur le déclenchement de la lutte armée. Son périple le conduit également en Suisse, où il s’entretiendra avec Mourad Terbouche, responsable régional du MTLD, qu’il charge de constituer, à Paris, le premier noyau de la future Fédération. Les deux hommes n’eurent aucune peine à se mettre d’accord sur l’importance et l’urgence qu’il y avait à implanter une puissante organisation en France. Mohamed Boudiaf remit alors à Mourad Terbouche une importante somme d’argent et un exemplaire de la Proclamation du 1er novembre 1954.
De retour à Paris, Mourad Terbouche rencontre Boudjema Hamimi, un ancien responsable du MTLD de Nancy. Les deux hommes décident d’organiser une rencontre élargie à quelques anciens militants du MTLD.
L’hexagone devient le théâtre d’un affrontement meurtrier entre le Front de libération nationale (FLN) et son rival, le Mouvement nationaliste algérien (MNA), héritier de l’Etoile nord-africaine créée, en 1926 à Paris, par Messali Hadj. Une guerre fratricide qui aurait fait, selon les chiffres officiels des autorités françaises,près de 4000 morts et 10 223 blessés dans les deux camps entre 1956 et 1962. Éliminé physiquement par le FLN, le MNA sera ensuite effacé de la mémoire algérienne.
En France, des cadres de l’Union des syndicats des travailleurs algériens (USTA), proches du MNA, seront assassinés de 1957 à 1959 par le FLN. Le 17 septembre 1959, un groupe armé du Front de libération nationale (FLN), tentera d’assassiner Messali Hadj, le dirigeant nationaliste, à Gouvieux, dans l’Oise. Cet attentat manqué contre le pionnier de la cause indépendantiste algérienne constitue un épisode marquant de la compétition violente que se livrent les organisations nationalistes, qui sont passées de la rivalité à un combat fratricide, en lutte contre le colonialisme français.
L’argent de l’immigration
Durant toute la guerre d’Algérie, la lutte entre le FLN et le MNA est féroce pour obtenir l’adhésion des Algériens travaillant en France. En jeu, s’imposer à la table des négociations avec de Gaulle et surtout mettre la main sur l’argent récolté au sein de l’immigration, qui finance l’achat d’armes du FLN. L’impôt FLN est d’environ 8% du salaire. En 1960, il représente 80% du budget du FLN. Un individu qui persiste à refuser de payer sa cotisation mensuelle, au FLN, peut être éliminé par des commandos du mouvement.
Le FLN, minoritaire en 1955, s’impose peu à peu par la force contre son rival en France : règlements de comptes sanglants (mitraillages de cafés, liquidations physiques, attentats ciblés) vont faire plusieurs milliers de morts et blessés. Pour se protéger, les partisans du MNA se regroupent par quartiers ou par hôtels. Certaines rues comprennent des hôtels FLN ou des hôtels MNA. La police effectue des barrages la nuit sur certains axes pour séparer les deux camps et, à la fin de la guerre, pour protéger le MNA. Sorti vainqueur de son affrontement avec le MNA, le FLN mène en parallèle la lutte contre les services de police français.
30 années de lutte nationaliste
Messali Hadj incarne de 1926 à 1958 la cause nationaliste malgré les persécutions politiques infligées par les gouvernements français, de droite comme de gauche. Son prestige commence toutefois à pâlir avec son refus de rejoindre une organisation constituée en 1955 « à ses dépens », selon lui: le Front de libération nationale. Après la guerre, la propagande du gouvernement algérien ne glorifiera que le FLN, le MNA est absent de l’historiographie algérienne.
C’est deux mois après l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle le 1er juin 1958, que les dirigeants de la fédération de France du FLN, réunis à Cologne en Allemagne, décident d’étendre la lutte armée sur le territoire français. Le FLN lance en septembre ses premières attaques contre les dépôts de carburant. Les stocks de Marseille, Rouen, Gennevilliers, Vitry, Toulouse sont en flammes. Des voies ferrées sont sabotées, des commissariats attaqués.
Ces quelque 250 attaques et sabotages feront 88 morts et 180 blessés. Le préfet de Paris Maurice Papon décrète et impose en octobre 1961 un couvre-feu aux Algériens. Afin de le dénoncer, le FLN lance un appel à manifester à Paris, le 17 octobre 1961. La manifestation pacifique sera violemment réprimée.
Source : Histoire coloniale et postcoloniale
En complément : Les éditions Syllepse ont réédité en octobre 2024 un ouvrage majeur publié en 1981 et épuisé depuis longtemps du grand historien algérien Mohamed Harbi, Le FLN. Mirage et réalité. Des origines à la prise de pouvoir (1945-1962).
https://www.syllepse.net/fln-mirage-et-realite-_r_65_i_1096.html