Le Front de libération nationale (FLN) est de nouveau secoué par une énième crise interne, signe d’un mal profond qui traverse l’ex-parti unique depuis plusieurs années. 

Régulièrement fragilisé par des luttes de clans, des conflits de légitimité et des querelles d’appareil, le FLN apparaît, aux yeux de certains observateurs, comme un parti à bout de souffle, dont l’existence même devrait être « reléguée au musée ». Mais pour une partie de sa base militante, il demeure un levier politique à préserver, à condition d’en extirper les pratiques opaques et de rétablir les principes démocratiques. 

Cette fois encore, la contestation est vive. Une fronde prend forme dans plusieurs wilayas, portée par des militants regroupés autour de la Coordination nationale pour le sauvetage du FLN. 

En ligne de mire : le départ du secrétaire général actuel, Abdelkrim Benmbarek, accusé de « dérive autoritaire » et de légitimité « contestée ». Une marche de protestation a ainsi été organisée samedi à Alger, jusqu’au siège central du parti à Hydra, réunissant des militants venus de différentes régions du pays. Cette mobilisation a aussitôt déclenché une vague de réactions contrastées dans les rangs du parti, marquant le début d’une véritable guerre des communiqués.

D’un côté, plusieurs mouhafadhas, dont celles de Tizi Ouzou, Bou Saâda et Aïn Defla, ont publié des textes de soutien à la direction actuelle. Ces structures dénoncent les « agissements anarchiques » et les « atteintes » aux statuts du parti « perpétrés par les contestataires », qu’elles qualifient de « fauteurs de troubles ». 

Elles réaffirment leur attachement aux résolutions du 11e congrès et au mandat de cinq ans accordé à Benmbarek. A Bou Saâda, le comité local affirme que « la phase de transition est terminée » et que « toute légitimité doit désormais émaner des bases militantes, dans le respect des statuts et des institutions ». Même ton à Tizi Ouzou, où l’on met en garde contre « les nostalgiques de l’hégémonie partisane » et où l’on rappelle que « la politique du ‘‘dégage pour que je monte’’ n’a plus sa place dans notre parti ». 

Appel à une « refondation » du parti

Pour un membre de la direction qui a requis l’anonymat, cette manifestation est un « non-événement ». Mais en face, la fronde s’élargit. Des structures locales, notamment à Skikda, ont rejoint le mouvement de contestation, appelant à une refondation profonde du parti. Les manifestants exigent la tenue d’un congrès extraordinaire pour élire un nouveau secrétaire général, mettre en place un bureau politique renouvelé, désigner un comité central issu des bases militantes et permettre le retour des figures historiques du FLN. 

« Le FLN appartient à ses militants, pas à ceux qui s’imposent à la tête de l’appareil par la force ou les arrangements opaques. Nous disons non à la légitimité falsifiée, au viol de la volonté militante et nous sommes pour un changement radical », déclarent les opposants au premier responsable de l’ex-parti unique. 

Dans un communiqué publié hier, l’Instance nationale de coordination pour le sauvetage du FLN a accusé la direction du parti d’avoir orchestré des communiqués de soutien « rédigés d’avance », imposés à certaines mouhafadhas par le biais de pressions. Elle dénonce une direction « illégitime », issue d’une « logique de confiscation », et qualifie le congrès projeté de « coup de force contre la base militante ». 

La protestation de samedi dernier, selon elle, a été une « expression légitime et civilisée » d’un rejet populaire, portée par des militants « sincères, venus de plusieurs wilayas », opposés à « la falsification, à l’exclusion et à la marginalisation ». Tout en se défendant de vouloir remplacer le FLN, l’Instance affirme être « une initiative transitoire née de la crise » et soutenue par la base. « Le FLN ne sera jamais que celui de ses militants sincères », conclut-elle. 

La Coordination nationale, qui affirme s’étendre à l’ensemble du territoire, assure que « le compte à rebours a commencé » et que « la mobilisation pacifique ne s’arrêtera pas tant que le parti ne sera pas rendu à ses véritables enfants ». Elle accuse Abdelkrim Benmbarek de gouverner « à huis clos », de « museler les voix libres » et de « confisquer la volonté des militants ».

Ce qui n’était, il y a encore quelques semaines, qu’un malaise latent au sein de l’ex-parti unique, s’est désormais transformé en un bras de fer ouvert. Deux visions s’affrontent : celle d’une direction qui se réclame de la légalité organique issue du 11e congrès, et celle d’une base militante qui revendique une refondation pour mettre fin à « une gestion jugée autoritaire, opaque et dépassée ». 

Source : El Watan – 04/08/2025 https://elwatan-dz.com/crise-ouverte-au-fln-la-guerre-des-communiques-sintensifie