Perpignan se souvient : 80 ans après Sétif, Guelma et Kherrata

Commémoration délocalisée à Elne, près de Perpignan (pour des raisons évidentes)

Conférence-débat : Au centre, Jean-Pierre Peyroulou, historien, entouré de Jacki Malléa, co-fondateur de l’ANPNPA, et de Catherine Sicart, secrétaire de l’ANPNPA, ainsi que de Mohamed Moulay, Fédération franco-algérienne (à côté de Catherine), et de Mehdy Belabbas, Association Pour la mémoire, Contre l’oubli (à côté de Jacki)

Un public nombreux et réactif

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Couscous géant

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Avec nos remerciements à Claude Faber, librairie Oxymore, Port-Vendres

Grenoble se souvient : 80 ans après Sétif, Guelma et Kherrata

L’hommage rendu jeudi 8 mai aux manifestantes et manifestants qui furent massacrés à Sétif, Guelma et Kherrata  le 8 mai 1945 et les semaines qui suivirent, fut une belle cérémonie.

Cet hommage revêt une grande importance au vu du contexte national, marqué par les politiques répressives de ministres comme Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, et par le contexte international marqué par les crimes que subit le peuple palestinien.

La cérémonie a été ouverte par Mariano Bona, président du Collectif du 17 octobre 1961 (dont l’ANPNPA fait partie).  L’appel a été lu par Linda. Le texte de Kateb Yacine a été dit par Nedjma.

De nombreux élues et élus (une dizaine) de Grenoble et de son agglomération étaient présents. Trois d’entre eux ont pris la parole.

Ce fort soutien montre que la question de la reconnaissance des crimes coloniaux est demandée par une part croissante de la société française. La Chorale des barricades a chanté « Min Djibalina » et « La casa del Mouradia », marquant la continuité de la lutte du peuple algérien pour la démocratie et l’émancipation.

Marcel Borg, ANPNPA Grenoble

Extrait de NEDJMA, roman de Kateb Yacine publié en 1956 (chapitre VIII)
[Lakhdar et Mustapha sont deux des quatre personnages du roman. Dans cet extrait, ils sont élèves en internat au lycée de Sétif.]
Indépendance de l’Algérie, écrit Lakhdar, au couteau, sur les pupitres, sur les portes.
Lakhdar et Mustapha quittent le cercle de la jeunesse, à la recherche des banderoles.
Les paysans sont prêts pour le défilé.
— Pourquoi diable ont-ils amené leurs bestiaux ?
Ouvriers agricoles, ouvriers, commerçants. Soleil. Beaucoup de monde.
L’ Allemagne a capitulé.
Couples. Brasseries bondées.
Les cloches.
Cérémonie officielle ; monument aux morts.
La police se tient à distance.
Contre-manifestation populaire.
Assez de promesses. 1870. 1918. 1945.
Aujourd’hui, 8 mai, est-ce vraiment la victoire ?
Les scouts défilent à l’avant, puis les étudiants.
Lakhdar et Mustapha marchent côte à côte.
La foule grossit.
Quatre par quatre.
Aucun passant ne résiste aux banderoles.
Les Cadres sont bousculés.
L’hymne commence sur des lèvres d’enfants :
De nos montagnes s’élève
La voix des hommes libres.

Mustapha se voit au cœur d’un mille-pattes inattaquable.
On peut, fort de tant de moustaches, de pieds cornus, toiser les colons, la police, la basse-cour qui prend la fuite.
Un agent de la sûreté, dissimulé à l’ombre d’une arcade, tire sur le drapeau.
Mitraille.
Les Cadres flottent.
Ils ont laissé désarmer les manifestants à la mosquée, par le commissaire, aidé du muphti.
Chaises.
Bouteilles.
Branches d’arbres taillées en chemin.
Les Cadres sont enfoncés.
Contenir le peuple à sa première manifestation massive ?
Le porte-drapeau s’écroule.
Un ancien combattant empoigne son clairon.
Est-ce la diane ou la guerre sainte ?
Un paysan tranche d’un coup de sabre l’épaule d’un étudiant sans coiffure qu’il a pris pour un Européen.
Mustapha jette sa cravate.
Le maire français est abattu par un policier.
Un restaurateur roule dans son burnous rougi.
Lakhdar et Mustapha sont séparés dans la débandade.
Il ne reste plus que trois étudiants autour de Mustapha ; une vieille Juive lance sur l’un d’eux son pot de fleurs, plutôt pour l’éloigner de sa fenêtre que pour l’atteindre ; les derniers groupes cèdent la place aux nids de mitrailleurs ; l’armée barre l’avenue centrale, tirant sur les haillons ; la police et les colons opèrent dans les quartiers populaires ; il ne reste plus une porte ouverte.
Dix heures.
Tout s’est passé en quelques minutes.
Le car de X.., à moitié vide.
Mustapha se hisse.
Le rêve d’enfance est réalisé : Mustapha est à côté du chauffeur ; un gendarme musulman est monté à côté de lui :
— Mettez-vous près de la portière, a souri le gendarme.
Mustapha est ravi.
Il ne voit pas que la coiffure du gendarme est trouée d’une balle. Il est dangereux de se pencher à la portière, dit le chauffeur ; mais la campagne est déserte ; le car reste vide jusqu’au village. Le téléphone est coupé. Les paysans déferlent. Mitraille. Les premiers raflés sont les partisans de Ferhat Abbas : un rédacteur du greffe, un écrivain public ; le négociant qui tenait la trésorerie s’est suicidé ; les Sénégalais ont fait irruption au nord du village ; des femmes ont été violées ; les rafles ont été suggérées par les colons, organisés en milices armées, dès qu’on a eu connaissance des événements de Sétif.
L’administrateur se fait fort de maintenir l’ordre. Les colons et leurs épouses suppliantes veulent en finir.
L’administrateur cède au commandant des Sénégalais.
Les paysans sont mitraillés.
Deux fugitifs sont fusillés à l’entrée du village.
La milice établit la liste des otages.
Maître Gharib est désigné comme un des meneurs.
Soleil encore haut.

13 mai.
Mustapha rend visite aux deux fusillés.
Couvre-feu.
Cris de cigales et de policiers, escortant les suspects, à coups de pieds.
Les corps sont exposés au soleil.

Martigues se souvient : 80 ans après Sétif, Guelma et Kherrata

Lors de l’inauguration de la stèle commémorant les massacres du 8 mai 1945 en Algérie, Roland Bellan, pour l’ANPNPA, a salué la mémoire des deux premiers porteurs du drapeau algérien qui ont été tués.

Il s’agit de deux jeunes gens, Mohamed Ben Haffaf, tué à Alger le 1er mai 1945, et de Bouzid Saal, assassiné à Sétif le 8 mai.

Merci à lui d’avoir salué ces deux jeunes martyrs.

Aux côtés de Roland, un représentant de Rebel-13.

Pieds-noirs progressistes : « l’Algérie au cœur », plus que jamais – Nadjib Touaibia

Jacques Pradel, président de « l’Association des Pieds-Noirs Progressistes », revient sur les missions, les actions et la vision de son organisation, dans un contexte marqué par les tensions franco-algériennes

Méditerranée. Quels objectifs se sont fixés les pieds-noirs progressistes en se constituant en association ?

Jacques Pradel. L’association a été créée en 2008, bien que nous ayons toutes les raisons de le faire plus tôt. Elle s’est fixée, pour l’essentiel, un double objectif. D’une part, il s’agissait, pour nous enfants d’Algérie, d’affirmer notre rejet de la confiscation de la parole des pieds-noirs par les organisations d’extrême droite, les anciens de l’OAS. Nous en avions assez qu’ils prétendent parler au nom de tous les pieds-noirs. D’autant qu’elles étaient reconnues, par les politiques et par les médias, comme étant des porte-parole légitimes. Sans surprise, nous avons été durement confrontés à ces organisations sur le terrainD’autre part, il importait de cultiver la relation avec l’Algérie, notamment en se battant ici en France contre le racisme anti-algérien, en portant une parole de fraternité. Ce deuxième objectif, tourné vers l’avenir, est devenu bien plus important, car il nous faut à tout prix contrecarrer les actions et les pressions sur la société française des nostalgiques du système colonial.

De quelles façons entretenez-vous cette relation avec l’Algérie ?

Jacques Pradel. Depuis les années 2010, l’essentiel de notre activité est l’organisation de voyages en Algérie. Nous le faisons avec une autre organisation qui partage notre vision de l’histoire croisée des deux pays, l’Association des Anciens Appelés en Algérie Contre la Guerre (4ACG), composée de gens magnifiques. Elle a été créée par quatre petits paysans qui avaient fait la guerre à 20 ans, et qui, quand ils ont eu 60 ans, ont eu droit à une pension de retraite à titre militaire. Et ces gens-là ont dit : cet argent, on ne peut pas le garder ; c’est l’argent du sang, qui va nous brûler les doigts. Ils ont donc décidé de se rassembler en association et d’y consacrer la totalité de leurs pensions. Avec ces ressources, ils financent, de manière très modeste, des initiatives dans la société civile en Algérie, et également aujourd’hui en Palestine. Nous avons effectué avec la 4ACG toute une série de voyages en Algérie pour rencontrer des associations et la population. L’autre volet de notre activité consiste à participer en France, avec d’autres, à des manifestations autour de moments particuliers, l’autre 8 mai 1945 (massacres de Sétif et Guelma, NDLR),le 17 octobre 1961 (répression sanglante de manifestation pacifique d’Algériens à Paris, NDLR) … Par exemple, à Marseille, lors du soixantième anniversaire de l’indépendance, nous avons créé, avec l’association Ancrage, un collectif dénommé « l’Algérie au cœur ». Pendant l’année 2022, celui-ci a permis la tenue de plus d’une vingtaine de soirées autour de l’histoire croisée de la France et de l’Algérie, en mettant beaucoup en avant la culture partagée comme vecteur. Nous poursuivons ce type d’activité à Grenoble, à Perpignan, à Toulouse, à Paris.

Quel est le sentiment des pieds-noirs progressistes dans le contexte actuel de fortes tensions entre les deux pays?

Jacques Pradel. La crise est en effet assez grave et inquiétante. Mais pourquoi cette détérioration comme jamais des relations entre les deux États, pourquoi maintenant ? Pour ma part, je ne peux m’empêcher de penser que c’est en relation avec la montée des idéologies d’extrême droite. Je pense que, globalement, les forces progressistes antifascistes, tant les organisations que les partis politiques, n’ont pas été capables de mener correctement une bataille idéologique. Si bien que les idées véhiculées par le Rassemblement national, ainsi que par la droite qui avant était Républicaine, ont largement pénétré la société française. La première conséquence est que la mémoire coloniale est réhabilitée sous un angle positif, ce qui alimente de manière terrible le racisme anti-maghrébin, anti-arabe, l’islamophobie… Nos frères algériens sont les premiers ciblés. Tout se passe comme si nous avions en France deux ministres de l’Intérieur. Darmanin et Retailleau rivalisent de surenchère qui pourrait aggraver encore plus la crise entre la France et l’Algérie. La situation s’apaise-t-elle ? Je ne vois pas pour l’instant de réponse. Seul signe encourageant toutefois : la récente interview du président Tebboune. Un message a été passé : pas de réponse aux agitateurs, seul importe le dialogue avec son homologue chef de l’État, Emmanuel Macron. Dans ce contexte houleux, nous partageons aussi les interrogations et les inquiétudes de ces Algériens, combattants pour le progrès social, qui se sont exilés de leur pays durant la décennie noire et ont fait le choix de vivre en France.

Quelle nature de relations souhaitent les pieds-noirs progressistes entre la France et l’Algérie ?

Jacques Pradel. Disons d’abord que Macron et ses ministres doivent se ressaisir, mettre un terme aux messages contradictoires. Nous souhaitons avant tout une parole claire, loin des propos de ces soldats du feu que sont Darmanin et Retailleau. Et puis, comment ne pas tenir compte de tous ceux qui ont quelque chose à voir avec l’Algérie, soit autour de 20 % de la population peut-être. Sur le fond, la France a tout à gagner dans un apaisement. L’Algérie est un grand pays aujourd’hui. Quand bien même les belles valeurs portées par le Hirak ne sont pas prises en compte. La répression demeure forte sur les associations, et les détenus d’opinion sont nombreux. Honnêtement, c’est une réalité dont on ne peut pas se détourner. Reste qu’il y a beaucoup d’espoir, le pays va beaucoup mieux.

Source : Médi@terranée – 24/03/2025 https://www.mediaterranee.com/2412025-pieds-noirs-progressistes-lalgerie-au-coeur-plus-que-jamais.html

Interview de notre ami Henri Pouillot, membre du CA de l’ANPNPA, dans El Watan

Henri Pouillot. Militant antiraciste, anticolonialiste et auteur : « Les crimes français en Algérie sont abominables ! » – Hamid Tahri, El Watan, 15/03/2025

Lors de mon séjour en France, il y a quelques semaines, j’ai eu le plaisir de rencontrer au Centre culturel algérien de Paris, au sein duquel mon ami Mustapha Boutadjine rendait hommage à une pléiade d’artistes, dont le regretté Rachid Taha, un ancien appelé français, Henri Pouillot, affecté à la sinistre villa Sisuni, à la fin des années cinquante, située à  Alger, qui était un témoin privilégié des horribles scènes de torture et de crimes perpétrés contre détenus algériens.

Jeune Français apolitique, témoin des actes barbares, Henri a été lui aussi traqué par l’OAS qui a failli avoir sa peau. Bien au-delà de sa période algéroise et imprégné de son vécu, il commencera à militer pour les valeurs humanistes. Antiraciste, anticolonialiste, il mènera, en solo, un combat mémoriel pour dénoncer les dérives de l’extrême droite criminelles qui met en valeur les «exploits héroïques» de la colonisation en érigeant ici et là des stèles, des statues et autres effigies en l’honneur de criminels issus de l’OAS.

Au cours de notre entretien, Henri m’a fait voyager à travers l’Hexagone, qu’il a sillonné ces dernières années où les réminiscences de l’OAS restent marquantes, car, dit-il, ces ultras ne ratent aucune occasion pour se rappeler au souvenir de leurs concitoyens en organisant des manifestations et des célébrations à la gloire de leur triste passé qu’ils veulent pérenniser. Depuis la parution en 2001 de son témoignage La Villa Susini, tortures en Algérie. Un appelé parle, dans lequel il livrait pour la première fois son expérience d’appelé confronté à la torture pendant la guerre d’Algérie, Henri Pouillot consacre toute son énergie et son courage à une seule cause : la condamnation absolue de toute pratique de torture.

Violemment attaqué sur un plateau de télévision en 2002 par le général Scmitt, ancien chef d’état-major des armées françaises, l’accusant d’être « un menteur et un criminel », Henri s’est engagé depuis dans une longue bataille juridique pour faire reconnaître la vérité et l’authenticité de son témoignage. Combat d’un simple citoyen contre la hiérarchie militaire, qui prend toute sa dimension face aux tentatives récentes, en France et ailleurs dans le monde, de se légitimer encore par des habillages juridiques et des pratiques d’un autre âge.

Un dossier douloureux et tragique

Henri Pouillot, enfant, fut marqué à la fin de la Seconde Guerre mondiale par la Résistance et les méthodes nazies dans sa campagne solognote. Sursitaire, appelé pendant la guerre de Libération de l’Algérie, il est affecté les neuf derniers mois de cette guerre à la villa Susini (centre de torture qui fonctionna comme tel pendant les huit années) à Alger. Pendant cette période, Henri sort indemne physiquement de deux attentats de l’OAS, mais restera marqué par les méthodes de cette organisation raciste, terroriste.

Cette expérience le pousse à militer pour les valeurs humanistes. Il devient un militant antiraciste, anticolonialiste avec des responsabilités nationales. Il poursuit un combat pour que la mémoire de cette période ne tombe dans l’oubli. Son  livre, paru récemment en France, fait acte de donner un aperçu des monuments ou autres stèles érigés à la gloire des partisans de l’Algérie française.

Et comme l’écrit Jean-Philippe Ould Aoudia dans sa préface : « Henri Pouillot a parcouru la France pour établir une sorte de ‘guide noir’ afin de nous orienter sur le long parcours qui traverse villes et villages du Midi, mais pas seulement, où des statues et des stèles, des cénotaphes et des plaques occupent le paysage avec pour point commun de rappeler l’Algérie du temps de la colonisation et des acteurs de sa guerre perdue. » Le dossier douloureux et tragique de la torture hantera toujours la conscience des bourreaux.

Quand la France expiera-t-elle ses crimes ?

L’auteur, inquiet de la montée de l’extrême droite inspirée par cette nostalgie colonialiste, espère, avec son ouvrage, attirer l’attention et apporter sa contribution pour un sursaut républicain. Un vrai. Ce livre est une longue immersion dans l’univers opaque et énigmatique de l’extrême droite, bien qu’il n’aborde qu’une frange de cette nébuleuse. Henri en est tout à fait conscient. «Je ne prétendais pas être exhaustif : la preuve depuis que le livre est parti à l’impression, j’ai découvert une nouvelle stèle.» D’après un reportage de 45 min qu’on peut trouver sur Facebook, la première manifestation devant cette stèle remonte au 1er novembre 2014.

Une foule importante y assistait : le maire (PS), de nombreux élus municipaux, 4 députés de l’Hérault, un sénateur, des élus départementaux dont Patricia Mirallés (qui deviendra ministre macroniste) et qui, dans son intervention, exprimant sa fierté de ses origines pied-noir, dira en particulier : « L’Algérie, c’est la France. »

Après les interventions de représentants religieux (catholiques, juifs, musulmans), la plupart des discours exprimeront une nostalgie de l’Algérie française. L’OAS ne sera pas citée directement, sauf qu’on peut s’interroger si l’évocation « de héros » qui ont donné leur vie dans cette période ne pourraient pas être des membres de ces commandos, des responsables de cette organisation fasciste et terroriste. Depuis, chaque année, une manifestation se déroule devant cette stèle des rapatriés située dans le cimetière Saint-Lazare.

Le reportage de la cérémonie de 2013 montre une affluence moins nombreuse, mais tout aussi nostalgique. Le Chant des Africains, devenu l’hymne de l’OAS, y est entendu avant la Marseillaise. A Montpellier, on trouve aussi la Maison des rapatriés d’outre-mer « Jacques-Roseau » : tout un symbole ! Inaugurée en mars 1978 par le maire Georges Frêche, la Maison des rapatriés d’outre-mer initiale se situait au 36, rue Pitot, dans l’ancienne caserne des pompiers. Cette grande première en France est un succès, et l’initiative sera imitée à Aix-en-Provence, Cannes ou encore Marseille.

Les locaux s’avérant rapidement trop exigus, la construction d’un nouveau bâtiment dans le quartier du Mas Drevon, à proximité de la Maison pour Tous Albert Camus et du parc Tastavin, est décidée. Cette nouvelle Maison des rapatriés, sur deux niveaux, est inaugurée le 22 décembre 1986, toujours par Georges Frêche, puis agrandie en 1994. Elle dispose au rez-de-chaussée d’une salle polyvalente qui porte le nom d’une autre grande figure pied-noir locale, le docteur Jean Rosecchi. Jacques Roseau : figure montpelliéraine, acteur de l’histoire de la France et de l’Algérie.

Né en 1938 à Alger, Jacques Roseau était une figure militante des rapatriés d’Algérie. A l’âge de 20 ans, il est le leader de l’Association des lycéens d’Algérie et fait partie du Comité de salut public d’Alger en 1958. Il adhère ensuite à la branche « étudiants » de l’OAS à son retour du service militaire en septembre 1961, mais prend rapidement ses distances avec l’organisation terroriste, en désapprouvant publiquement les exécutions aveugles de musulmans.

Il quitte l’Algérie avec sa famille en juin 1962. Jacques Roseau fonde une première association rapatriée en 1970, avant de créer Le Recours avec Guy Forzy en 1975. L’objectif est de défendre les droits et les intérêts des rapatriés en fédérant une mosaïque d’associations rivales. Jouant habilement sur le poids de l’électorat pied-noir, réel ou fantasmé, il parvient à négocier des compensations en faveur des rapatriés d’Algérie, en soutenant François Mitterrand puis Jacques Chirac. Localement, son soutien va au socialiste Georges Frêche. Agressé et menacé à plusieurs reprises par l’extrême droite, qui lui reprochait notamment son rapprochement avec les héritiers du gaullisme, il meurt assassiné par balles, abattu par trois nostalgiques de l’OAS, le 5 mars 1993 à Montpellier.

La face hideuse du colonialisme

Nullement dans la réalité, la terrible discrimination, pendant la guerre et bien avant, entre les deux collèges n’est pas évoquée, car les voix des « indigènes » comptaient dix fois moins que celle des pieds-noirs. Certes, dans les grandes villes : Alger, Oran et Constantine, les indigènes pouvaient, moins difficilement, avoir accès à l’enseignement public, mais dans les campagnes, à quelques exceptions près, seuls les pieds-noirs pouvaient aller à l’école.

Henri s’étonne que certains crimes sont évoqués comme de simples exactions. D’autres sont carrément occultés, et ils sont légion, comme les viols, les crevettes Bigeard, les exécutions sommaires, l’utilisation des gaz Vs et Sarin, les villages rasés au Napalm, les camps d’internement pudiquement appelés camps de regroupement. A ce propos, se souvient-il, le rapport Rocard réalisé avant la fin de la guerre minimise.

Cet aspect, évaluant le nombre de morts à environ 200 000, ce qui est loin de refléter la réalité. Henri dit avoir consulté  les archives de l’armée concernant la période et sur une toute petite partie d’Alger, là où sévissait le régiment dont je dépendais, j’ai décompté une  moyenne de sept attentats par jour, dont la moitié du fait de l’OAS. « Par ailleurs, dans une contribution parue dans le journal en ligne Médiapart, Henri a noté que le rapport de M. Stora évoquait, certes, la violence lors de la conquête de l’Algérie ‘mais semble beaucoup minimiser les enfumades, les répressions, les exécutions sommaires, qui se sont poursuivies férocement à chaque contestation des effets de la barbarie du colonialisme’. »

Bio express

Henri Pouillot, né en 1938, en Sologne, luttera pour obtenir, encore aujourd’hui, en vain, pour que la France reconnaisse et condamne sa responsabilité dans les crimes commis en son nom dans cette période 1952-1962. Il ne cessera de montrer les liens, la filiation entre l’OAS et le FN/RN, et cette dangerosité. La montée de cette nostalgie de l’Algérie française va de pair avec la montée de l’extrême droite en rance, ces 20 dernières années, constate-t-il.

Source : El Watan – 15/03/2025 https://elwatan-dz.com/henri-pouillot-militant-antiraciste-anticolonialiste-et-auteur-les-crimes-francais-en-algerie-sont-abominables

Perpignan : la plaque au nom de Pierre Sergent est toujours là, et nous aussi – 15/03/2025

Rassemblement antifasciste sur l’esplanade toujours au nom de Pierre Sergent en dépit d’une décision de justice, rendue le 04/02/2025, condamnant la mairie RN à retirer cette plaque. La mairie a fait appel du jugement. Cet appel n’est pas suspensif (ce qui signifie que la décision de justice doit être appliquée).

Prise de parole à deux voix

Jacki Malléa, co-fondateur de l’ANPNPA, et Catherine Sicart, secrétaire de l’ANPNPA

Die-in et texte de notre prise de parole

Die-in

71 personnes à terre sur l’esplanade Pierre Sergent pour symboliser les 71 victimes des attentats de l’OAS sur le territoire métropolitain

Texte

L’OAS, c’est l’histoire d’un combat perdu en 1962 … perdu mais qui perdure, et qui reprend du poil de la bête depuis une vingtaine d’années.

En 2025, les factieux de l’OAS sont toujours là, réhabilités, commémorés, sacralisés par leurs descendants idéologiques. Des stèles leur sont dressées. Leurs noms s’affichent sur les plaques de nos rues et de cette l’esplanade. À Perpignan, et ailleurs.

Leurs émules ont micro ouvert  : ils légitiment l’action de l’OAS, et dans le même temps, restaurent le passé colonial.  Leurs idées infusent l’espace et le débat publics. Elles normalisent des discours qui bafouent les principes démocratiques. Elles mettent en place, avec des moyens technologiques sans précédent, un nouveau cadre de « valeurs » – identitaires, xénophobes, racistes –  fondées sur la haine obsessionnelle de l’Autre, et en particulier du musulman.

Les idées ne peuvent être dissociées de l’histoire dont elles sont issues, et donc ici de celle de l’OAS qui en est la matrice.

Retour sur un passé qui ne passe pas, et qui assombrit notre avenir.

…… Die-in

On les appelle les « ultras ».

À la suite du référendum sur l’autodétermination du 8 janvier 1961, ils fondent l’OAS – Organisation Armée secrète – le 11 février 1961, à Madrid. Et ce n’est pas un hasard si ce mouvement clandestin terroriste naît dans l’Espagne franquiste.

Objectif  :  inverser le cours de l’histoire, bloquer la marche de l’Algérie vers l’indépendance, bref : « sauver » l’Algérie française.

Au nom de la civilisation, l’OAS privilégie l’action directe par les armes.

D’abord, le plastic, à titre d’avertissement, puis la balle dans la tête.

Ces exécutions, appelées OP ou OPA pour « opérations ponctuelles armées », sont présentées dans des tracts comme des opérations de « désinfection ». Elles sont mises en œuvre par les commandos « Delta » dirigés par Roger Degueldre et le docteur Perez.

Les pratiques de l’OAS passent de l’intimidation à l’exécution ciblée, puis de l’exécution ciblée à l’attentat aveugle, et s’achève, après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, par la politique de la terre brûlée.

L’OAS fera plus de victimes civiles en un an que le FLN en huit ans.

……

Qui sont les cibles de l’OAS ? Tous ceux jugés « complices » du FLN, ou soupçonnés de « complicité ».

En priorité des Algériens. Également des Européens d’Algérie et des métropolitains : militants de gauche, libéraux, représentants de l’État, personnalités politiques, principalement communistes et gaullistes, intellectuels, journalistes, et autres (je cite) « agents de la politique d’abandon ». Et au-delà, tout partisan d’un dialogue franco-algérien.

Des édifices publics sont visés, en particulier des mairies, des moyens de transport, des infrastructures publiques électriques, entre autres.

De plus, l’OAS pratique des mitraillages de cafés (d’ailleurs attribués au FLN), et organise des « nuits bleues » avec des séries d’attentats à l’explosif simultanés ou très rapprochés.

Ce climat de terreur sera exporté en France métropolitaine.

……

Et c’est ainsi que Pierre Sergent, ancien d’Indochine et putschiste d’avril 1961, crée, en juin 61, la branche métropolitaine de l’OAS (l’OAS-Métro).

Il forme, en Métropole, des commandos « Delta » et y dirige une série d’attentats ciblés. Poursuivi pour attentat et complot contre l’État, il est condamné à mort par contumace en 1962 et 1964. Il revient en France après l’amnistie de 1968. Il rejoint ensuite le Front national, dont il devient député en 1986.

Pierre Sergent appartient à une organisation qui a assassiné deux maires en France métropolitaine (Evian et Alençon), qui a tenté un coup d’État en avril 1961 pour renverser la République, qui a organisé deux attentats contre le président de la République en fonction, entre autres.

Pierre Sergent appartient à une organisation dont le bilan est le suivant : 

  • En Algérie : 13 109 attentats, 2 500 morts, dont une majorité d’Algériens ;
  • En France : 700 attentats, 71 morts et près de 400 blessés.

La mairie RN de Perpignan célèbre donc un séditieux et un assassin.

Le FN/RN dont la filiation avec l’OAS est établie poursuit le projet anti-démocratique de son ancêtre en installant, dans notre société, un climat favorable au développement d’idées inacceptables et potentiellement criminelles.