France-Algérie : l’histoire au péril du politique

La commission mixte franco-algérienne d’historiens est en panne suite aux déclarations politiques.

Tout semblait assez bien parti. À la suite du rapport consacré aux questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’indépendance algérienne remis par Benjamin Stora, le 20 janvier 2021, le président de la République française Emmanuel Macron avait signé, en août 2022, avec son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, la déclaration d’Alger. Elle prévoyait la création d’une commission mixte franco-algérienne d’historiens composée de dix membres : cinq du côté français (Benjamin Stora, qui en assure la coprésidence, Florence Hudowicz, Jacques Frémeaux, Jean-Jacques Jordi et Tramor Quemeneur) et cinq du côté algérien (Mohamed El-Korso, Idir Hachi, Abdelaziz Filali, Mohamed Lahcen Zeghidi et Djamel Yahiaoui). Côté français, des archives de la guerre d’indépendance ont été ouvertes concernant les disparus. La France a aussi reconnu ses responsabilités dans les assassinats de Maurice Audin, Ali Boumendjel ou Larbi Ben M’hidi.

Côté algérien, en revanche, les choses n’ont guère avancé. L’histoire de la colonisation et de la guerre d’indépendance demeure un instrument politique. Et les déclarations d’Emmanuel Macron à Rabat, fin octobre 2024, concernant « la souveraineté du Maroc » sur le Sahara occidental, n’ont rien arrangé.

Le temps de la politique n’est pas celui de l’histoire. Les historiens n’avaient pas attendu les déclarations présidentielles pour travailler. En novembre 2024, l’Institut du monde arabe à Paris a accueilli des rencontres lors desquelles des artistes – l’écrivain Kamel Daoud, prix Goncourt en 2024 pour Houris (l’histoire d’une jeune fille pendant la décennie noire, interdit en Algérie), le dessinateur Jacques Ferrandez ou la réalisatrice Jacqueline Gozland – ont expliqué la place que tient la colonisation dans leur œuvre.

Un colloque devait se tenir au printemps 2025 avec des archivistes et des historiens des deux pays pour identifier les archives de l’époque coloniale (1830-1962) et les localiser. Contrairement à l’idée reçue selon laquelle les Français auraient tout emporté, 80% de ces archives sont toujours en Algérie. Très peu – essentiellement celles qui concernaient le domaine régalien de l’État – ont été rapatriées en France au moment de l’indépendance algérienne. C’est un enjeu important de les ouvrir aux étudiants et jeunes chercheurs très intéressés par cette période. L’arrestation, le 16 novembre 2024, de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal est un coup de tonnerre. Des deux côtés, la politisation instrumentalise et rend difficile le travail des historiens et des archivistes. Pour l’instant, la commission « mixte » est en panne et le colloque risque de n’accueillir que des historiens français.

Source : L’ Histoire, janvier 2025 – https://www.lhistoire.fr/france-alg%C3%A9rie-lhistoire-au-p%C3%A9ril-du-politique

France-Algérie : Retailleau tente d’entraîner Macron dans sa bataille – Ilyes Ramdani

Le ministre de l’intérieur pousse l’Élysée à prendre des mesures de rétorsion contre l’Algérie, qu’il sait populaires dans l’électorat de droite. Au sommet de l’État, plusieurs voix alertent sur le danger d’une rupture avec Alger et tentent de maintenir le contact. Tiraillé, Emmanuel Macron doit trancher.

Entre Paris et Alger, la météo diplomatique oscille depuis soixante ans entre épisodes tumultueux, rares éclaircies et longues périodes de froid. Chez celles et ceux que le dossier intéresse, un doute émerge toutefois ces jours-ci : assiste-t-on à une crise plus intense et plus profonde que celles qui ont émaillé les vingt dernières années ?

Dans la salle des fêtes de l’Élysée, lundi 6 janvier, plusieurs diplomates ont été surpris des mots choisis par Emmanuel Macron pour dénoncer la détention de l’écrivain Boualem Sansal. « L’Algérie entre dans une histoire qui la déshonore », a accusé le président de la République, avec une virulence inhabituelle. « Une immixtion éhontée et inacceptable dans une affaire interne », a rétorqué la diplomatie algérienne dans un communiqué.

En parallèle, un autre dossier empoisonne les relations bilatérales : l’interpellation en France de plusieurs influenceurs algériens, accusés d’incitation à la violence contre des opposants au régime. Le cas de l’un d’eux, « Doualemn », expulsé sur décision gouvernementale puis renvoyé par Alger le 9 janvier, a suscité l’ire du ministre de l’intérieur. « L’Algérie cherche à humilier la France, a dénoncé Bruno Retailleau. Je pense qu’on a atteint avec l’Algérie un seuil extrêmement inquiétant. »

Dans les réseaux diplomatiques, le durcissement du ton entre Paris et Alger était attendu depuis qu’Emmanuel Macron a rompu, fin juillet 2024, avec la position historique de la France sur le Sahara occidental. Désireux de renouer avec le Maroc, le chef de l’État a cédé à la revendication pressante du royaume, à savoir la reconnaissance de la « souveraineté marocaine » sur ce territoire considéré comme « à décoloniser » par les Nations unies.

À l’époque, Alger avait rappelé sans tarder son ambassadeur pour signifier sa mauvaise humeur. Et puis plus rien. Alors que le Quai d’Orsay anticipait d’éventuelles mesures de rétorsion, le régime n’a pas bougé, continuant même d’assurer un minimum de coopération sécuritaire et migratoire. Début septembre, l’Élysée note avec satisfaction qu’Abdelmadjid Tebboune, le président algérien, accepte de recevoir Anne-Claire Legendre, la conseillère Maghreb d’Emmanuel Macron, et fasse publiquement état de leur entretien.

Et si Alger, lassé d’un conflit sahraoui vieux de cinquante ans, avait renoncé à en faire un casus belli ? L’espoir au sommet de l’État a fait long feu et la crise est bien là. Bruno Retailleau aimerait même que la France aille plus loin. « Il faut examiner l’ensemble des moyens de rétorsion qui sont à notre disposition », insiste-t-il, appelant le gouvernement et le président de la République à « ne rien s’interdire ».

Une vieille marotte de Retailleau 

Dans le viseur de Bruno Retailleau : l’accord franco-algérien de 1968, initialement destiné à réguler la libre circulation des Algérien·nes en France. Révisé à trois reprises depuis, c’est une cible régulière de la droite française, qui estime comme lui que « plus rien ne le justifie ». Édouard Philippe a soutenu sa dénonciation, également réclamée depuis quelques jours par Gabriel Attal.

Parmi les autres mesures imaginées par le ministre de l’intérieur : la réduction du nombre de visas, l’augmentation des tarifs douaniers ou des coupes drastiques dans l’aide au développement. « La France ne peut pas supporter cette situation », martèle Bruno Retailleau. Pour ce dernier, l’enjeu est avant tout politique. Ce rapport de force avec l’Algérie, il l’a théorisé bien avant d’être nommé Place Beauvau. 

En novembre 2022 sur LCI, alors candidat à la présidence du parti Les Républicains (LR), l’élu de Vendée est interrogé sur la façon la plus efficace de convaincre les pays d’origine d’accepter le retour de leurs ressortissant·es. Sa réponse fuse : « On assume un bras de fer, tout simplement. Avec comme monnaie d’échange les visas et l’aide au développement. »

Voilà des années que Bruno Retailleau critique les « lâchetés » et les « reculs » de la droite quand elle a été au pouvoir ; des années qu’il se forge une image de « faiseux » qui agit sans écouter la « bien-pensance de gauche » ; des années qu’il dit pis que pendre d’Emmanuel Macron, qui « ne veut pas mettre fin au laisser-aller migratoire »

L’ancien sénateur, qui n’exclut pas de se présenter en 2027, sait aussi que le temps vaut cher dans un gouvernement minoritaire menacé de censure. Alors il fonce, pour gagner ses galons d’homme de droite courageux et pour rapatrier vers lui demain l’ancien électorat de François Fillon parti à l’extrême droite.

Dans son camp, la dénonciation du régime algérien est une cause qui fédère. Aussi témoigne-t-il régulièrement avec vigueur de la « repentance perpétuelle » et de « l’obsession mémorielle » dont se rendrait coupable Emmanuel Macron. Même les commémorations officielles du 19 mars, en hommage aux victimes civiles de la guerre d’Algérie, ne trouvent pas grâce à ses yeux. « C’est une date qui repose sur une contre-vérité, qui porte une injustice et qui divise », écrivait-il dès 2012.

« On subit l’agenda politique de la droite et de l’extrême droite, qui ont fait de l’Algérie un bouc émissaire pour des raisons électorales, déplore la députée écologiste Sabrina Sebaihi. Il y a, dans l’histoire de cette famille politique, une forme de nostalgie de l’Algérie française, qui a imprégné le logiciel idéologique. »

Président du groupe d’amitié France-Algérie, le sénateur socialiste Rachid Temal regrette « l’hystérie collective » qui s’empare de « certains »« C’est comme si un bouchon venait de sauter, juge-t-il. C’est le moment où les hommes et les femmes de sagesse doivent dire : “On redescend tous.” » Pas le genre de Retailleau, pointe le député écologiste Pouria Amirshahi : « Il veut faire la démonstration qu’il est le chef de la droite identitaire, donc il pousse le plus loin possible l’urticant algérien dans l’opinion. »

Vu d’Alger, des menaces sans effet

Si elle n’a rien de surprenante, la stratégie guerrière de Bruno Retailleau risque de se fracasser sur le mur de la réalité. Son collègue Gérald Darmanin peut en témoigner, lui qui a déjà tenté au même poste de se servir du levier des visas pour contraindre les pays du Maghreb à accorder plus de laissez-passer consulaires. « Nous l’avons fait avec un succès très relatif, a reconnu l’actuel ministre de la justice sur LCI dimanche. Vous vous fâchez diplomatiquement et ce n’est pas efficace. »

De même, la dénonciation de l’accord de 1968 est certes symbolique pour la droite française, mais inopérante. Révisé donc à trois reprises, il ne présente plus que quelques dispositions avantageuses pour les ressortissant·es algérien·nes. « C’est une coquille vide, a déclaré en octobre Abdelmadjid Tebboune. Cet accord est devenu un slogan politique pour réunir les extrémistes. Ils sont en train de raconter des histoires au peuple français. »

Au Quai d’Orsay, on n’est pas loin de partager cette position. « L’accord de 68 n’est vraiment pas un sujet et c’est pour ça que le président de la République n’y a pas touché », glisse une source diplomatique. La chercheuse Khadija Mohsen-Finan, spécialiste du Maghreb et des relations internationales, résume : « Les deux pays cherchent à se faire mal et ils ne savent pas par quel outil. Côté français, on puise dans le réservoir habituel, à savoir les visas et les accords de 1968. Ce sont de vieilles méthodes qui ont déjà échoué. » 

Une liste à laquelle on pourrait ajouter l’aide française au développement, devenue l’argument en vogue de l’extrême droite. Sarah Knafo, députée européenne Reconquête, a même fait l’objet d’une plainte de l’État algérien après avoir martelé le chiffre de 800 millions d’euros accordés par la France. En réalité, il s’agit de 130 millions d’euros par an, une somme qui finance notamment les ONG françaises sur place et des activités de conseil et de formation à certaines administrations. « Ce n’est vraiment pas de nature à faire plier le gouvernement algérien », souffle une source diplomatique. 

Président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) franco-algérienne, Michel Bisac regarde avec effarement « l’hystérisation du moment »« Vous allez couper une aide de 130 millions d’euros à un pays qui a 73 milliards d’euros de réserves de change ? Et c’est la France, avec ses 3 300 milliards d’euros de dette, qui dit ça ? C’est une blague. Au prix où se vendent le pétrole et le gaz, l’Algérie a tous ses indicateurs au vert. Ce n’est pas en les menaçant qu’on réglera la situation. Il n’y a pas d’autre choix que de se parler. »

Désescalade discrète

Si le ton belliqueux du ministre de l’intérieur répond à une logique politique, voir l’exécutif s’en accommoder surprend. Au ministère des affaires étrangères, l’activisme de Bruno Retailleau agace, comme nous le confirment plusieurs sources. « C’est une diplomatie de posture qui ne changera rien et qui peut s’avérer désastreuse pour la suite », pointe l’ancien diplomate Yves Aubin de la Messuzière, qui a dirigé au début des années 2000 le département Afrique du Nord et Moyen-Orient au Quai d’Orsay.

« J’ai assisté à des rendez-vous tendus entre Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika à l’époque, raconte-t-il. J’ai connu des accrocs entre la France et l’Algérie. Mais tout ça se règle diplomatiquement, surtout avec l’Algérie, surtout quand on est l’ancienne puissance coloniale. Chirac tenait parfois des propos difficiles à l’égard de Bouteflika. Mais il faisait en sorte que cela ne se retrouve jamais sur la place publique. Et c’est comme ça qu’il a pu apaiser la relation franco-algérienne. »

L’omniprésence de Bruno Retailleau tient aussi au moment politique. Le premier ministre n’a pas encore finalisé son cabinet et n’a pas demandé à ses ministres de lui faire valider leurs sorties médiatiques, comme c’est l’usage. À l’Élysée, le conseiller diplomatique d’Emmanuel Macron, Emmanuel Bonne, a annoncé sa démission le 10 janvier, mais le président de la République souhaite le convaincre de rester.

Des facteurs auxquels il faut ajouter la surface politique d’un Bruno Retailleau conscient d’être indispensable à François Bayrou, soutenu par la droite, l’extrême droite et le chef de l’État. Face à un ministre des affaires étrangères plutôt apprécié des diplomates mais peu connu du grand public, le locataire de la Place Beauvau prend volontiers de l’espace et du temps de parole médiatique.

Face à l’enlisement de la crise et à la fronde de ses services, Jean-Noël Barrot a toutefois pris la parole mardi, dans un entretien à Brut. « C’est au Quai d’Orsay et sous l’autorité du président de la République que se forge la politique étrangère de la France », a-t-il souligné à deux reprises.

En coulisses, le Quai et la cellule diplomatique de l’Élysée tentent de reprendre la main. Malgré la virulence des propos publics, des contacts continuent d’exister entre les deux capitales, et la coopération sécuritaire, jugée indispensable à Paris, n’est pas totalement rompue. Le patron de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), Nicolas Lerner, s’est rendu lundi à Alger avec une délégation de hauts fonctionnaires, comme l’a révélé Le Figaro.

« Il faut que nous sortions de la crise désormais et que nous puissions aller de l’avant », a affirmé Jean-Noël Barrot mardi, après s’être dit prêt à se rendre sur place. Pour Paris, une rupture avec Alger ne serait pas une bonne nouvelle, font savoir les ministères des armées et de l’économie, conscients des intérêts français en Algérie. Au ministère de la santé, on sait que les médecins algériens représentent le contingent extra-européen le plus nombreux en France. 

À la tête de la CCI, avec ses 2 800 entreprises, Michel Bisac craint les « répercussions » d’une telle crise. « On a longtemps reproché au gouvernement algérien de se servir de la diplomatie pour faire diversion sur la scène intérieure, souligne-t-il. Est-ce qu’on n’est pas en train de faire la même chose ? Il y a des milliers d’entreprises françaises qui travaillent en Algérie qu’on met en danger avec des propos pareils. Chaque année, ce sont 12 ou 13 milliards d’euros d’échanges commerciaux. Et on va jeter ça pour de la petite politique ? »

Les plus optimistes dans les services de l’État voient d’un bon œil le communiqué du ministère des affaires étrangères algérien, qui assure n’être « d’aucune façon engagé dans une logique d’escalade, de surenchère ou d’humiliation ». Dans ce texte publié le 11 janvier, l’exécutif algérien semble distinguer Bruno Retailleau du Quai et de l’Élysée. « L’extrême droite revancharde et haineuse, ainsi que ses hérauts patentés au sein du gouvernement français mènent actuellement une campagne de désinformation, voire de mystification, contre l’Algérie », dénonce le ministère.

L’énigme présidentielle

C’est désormais vers Emmanuel Macron que les regards se tournent. Une réunion est prévue dans les prochains jours à l’Élysée pour trouver une ligne commune en présence des ministres concernés, comme l’a révélé Jean-Noël Barrot mardi. « Un épisode comme celui-là, on en sort comme on est sorti de celui avec le Maroc : avec un geste et un arbitrage du président de la République, indique la chercheuse Khadija Mohsen-Finan. Pour l’instant, il est resté en retrait. C’est le seul qui peut se positionner en surplomb et faire un pas pour avancer. »

Mais en a-t-il seulement envie ? Les sorties de Bruno Retailleau n’ont pas ulcéré le président de la République, dont le cabinet avait d’ailleurs été prévenu par celui du ministre de l’intérieur. Préoccupé par l’état de santé de Boualem Sansal, le chef de l’État a nourri aussi une déception personnelle à l’égard d’Abdelmadjid Tebboune, à qui il reproche en privé de n’avoir pas tout fait pour « bousculer » un système qu’il jugeait en 2021 « construit sur une rente mémorielle ».

Tenu en privé mais révélé par Le Monde et jamais démenti, le propos avait suscité une crise diplomatique, déjà, et le retrait de l’ambassadeur algérien en France. À l’époque, Macron avait donné à Alger des gages mémoriels de sa bonne volonté. Certains dans son entourage le pressent de poursuivre ce travail, alors que l’Algérie demande toujours le nettoyage des sites des essais nucléaires menés par la France et la restitution d’objets ayant appartenu à l’émir Abdelkader, figure emblématique de la résistance à la colonisation.

Il n’est pas certain du tout que ces voix soient entendues tant l’atmosphère a changé autour d’Emmanuel Macron. Ni sa coalition avec la droite ni son alliance renouvelée avec le Maroc ne le poussent à renouer avec l’Algérie. Son entourage aussi a changé, plus conservateur qu’avant. Un de ses proches, rallié du second mandat, confie par exemple : « On a fait les gentils avec l’Algérie et ça n’a pas marché. Franchement, ça suffit de se faire marcher dessus. »

Source : Mediapart – 15/01/2025 https://www.mediapart.fr/journal/politique/150125/france-algerie-retailleau-tente-d-entrainer-macron-dans-sa-bataille

Dans la guerre des nerfs franco-algérienne, Darmanin lance la bataille des visas – Damien Glez

Le ministre français de la Justice entend supprimer un accord intergouvernemental qui permet aux proches du régime algérien de se rendre en France sans visa. L’annonce n’est qu’un nouvel épisode dans la dégradation des relations entre les deux pays.

Menacé par une motion de censure, le gouvernement français de François Bayrou entend se distinguer de l’équipe censurée – brièvement emmenée par Michel Barnier – par une osmose inédite entre les ministères de la Justice et de l’Intérieur. Les récents soubresauts dans les relations entre la France et l’Algérie viennent de donner l’occasion au tandem de ministres en charge de ces deux portefeuilles – Gérald Darmanin et Bruno Retailleau – de surligner qu’ils sont sur la même longueur d’onde.

Ce dimanche, sur la chaîne de télévision française LCI, le garde des Sceaux a considéré que, « comme l’a évoqué le ministre de l’Intérieur », il paraît « intelligent » et « efficace » de revenir sur un « accord de 2013 […] gouvernemental qui permet à ceux qui ont un passeport […] diplomatique algérien » de « venir en France sans visa pour pouvoir circuler librement ».

L’adoption d’un amendement en ce sens « peut se faire très rapidement », a développé Gérald Darmanin, insistant sur le fait qu’il ne visait qu’une nomenklatura algérienne dont « des milliers » de membres disposeraient de passeports officiels. Et non les 10 % de ses compatriotes « qui ont des liens de sang, de sol, de culture, y compris les pieds-noirs ». Le ministre a ensuite emboîté le pas de son ex-chef de gouvernement, Gabriel Attal, en appelant à « dénoncer » également un accord de 1968 qu’il juge « un peu obsolète » et qui confère aux Algériens un régime dérogatoire au droit commun français en matière de circulation, de séjour et d’emploi dans l’Hexagone.

Mesure de rétorsion

Cette remise en cause des facilités de séjour et du statut particulier de résidence est évidemment à mettre en perspective avec la récente dégradation des relations diplomatiques entre les deux pays. Connu pour son franc-parler, Darmanin qualifie lui-même son souhait en matière de visas de « mesure de rétorsion » contre « la plupart des dirigeants algériens qui ont la position de décision d’humiliation ».

La tension diplomatique croissante a été notamment marquée par des interpellations polémiques des deux côtés de la Méditerranée. La France dénonce l’arrestation à Alger de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal et le garde des Sceaux français considère que le régime algérien « s’honorerait » en le libérant. Côté algérien, c’est l’interpellation de « Doualemn » qui a fait grincer des dents et surtout la tentative d’expulsion avortée de l’influenceur algérien, expulsion qu’Alger qualifie d’« arbitraire et abusive ». Embarqué dans un avion pour l’Algérie, jeudi dernier, l’auteur de vidéos vindicatives sur TikTok a été aussitôt renvoyé en France.

Manque mutuel de respect ?

Le parallélisme des formes s’impose dans les échanges tumultueux entre les deux pays. Comme le ministre français de la Justice sur LCI, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, évoque une volonté « d’humiliation » de la part d’une France qui devrait « respecter l’Algérie », comme « l’Algérie doit respecter la France ».

La question des visas profile censément l’activation prochaine d’autres leviers, le ministre français de l’Intérieur ayant appelé à « évaluer tous les moyens qui sont à […] disposition vis-à-vis de l’Algérie » pour « défendre » les « intérêts » de la France.

Source : Jeune Afrique – 13/01/2025 https://www.jeuneafrique.com/1647588/politique/dans-la-guerre-des-nerfs-franco-algerienne-darmanin-lance-la-bataille-des-visas/

Accord franco-algérien de 1968 : qu’en est-il réellement ? Boumediene Sid Lakhdar

La tension entre la France et l’Algérie pour dénoncer des accords n’est pas nouvelle mais il y a des pics de surchauffe, il est actuellement au plus haut. En l’espèce l’accord de 1968 en est une illustration.

Ainsi, l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, est le plus emblématique car il avait été une conséquence directe des accords d’Evian de 1962.

Le souhait d’une dénonciation de l’accord avait toujours été le fait de la droite française qui défavorable à un système dérogatoire au droit commun jugé trop favorable pour les ressortissants algériens.

L’ extrême droite est aujourd’hui aux portes du pouvoir et donne à cette menace une forte intensité, assumée à haute voix. Le terrain n’a jamais été aussi favorable pour elle, soit la crise des OQTF, la dénonciation de la montée des flux d’immigration de sans-papiers, de surcroît pour les personnes condamnées pour des délits et crimes et, pour beaucoup, frappés d’une décision d’OQTF.

Et comme la coupe n’était pas assez pleine, voilà que s’est empiré la tension par le rapprochement de la France des positions du Maroc à propos du conflit sahraoui. Et pour ce qui est des rapprochements internationaux de l’Algérie, ils se sont multipliés pour rejoindre le nouveau projet du « Sud global ».

C’est dans cette chaudière que vient s’incruster le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Rotailleau, qui catalyse en sa personne toute la puissance de la volonté de remise en cause de l’accord franco-algérien de 1968.

Que contient cet accord, cause de toutes les crispations ?

Les termes de l’accord de 1968

Nous l’avons dit, c’est un accord qui fait suite aux accords d’Evian en 1962 pour cette fois-ci définir les conditions de flux des personnes entre les deux pays, particulièrement pour les règles et les droits des travailleurs installés en France.

Dans son préambule, quelques phrases résument la profession de foi des signataires :

« Soucieux d’apporter une solution globale et durable aux problèmes relatifs à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens sur le territoire français ».

Puis dans un énoncé des objectifs globaux : « Conscients de la nécessité de maintenir un courant régulier de travailleurs, qui tienne compte du volume de l’immigration traditionnelle algérienne en France ;

Animés du désir :

• de faciliter la promotion professionnelle et sociale des travailleurs algériens ;

• d’améliorer leurs conditions de vie et de travail ;

• de favoriser le plein emploi de ces travailleurs qui résident déjà en France ou qui s’y rendent par le canal de l’Office national de la main d’œuvre, dans le cadre d’un contingent pluriannuel déterminé d’un commun accord ;

Convaincus de l’intérêt de garantir et d’assurer la libre circulation des ressortissants se rendant en France sans intention d’y exercer une activité professionnelle salariée ».

L’ accord est donc considéré comme dérogatoire au droit commun. Il faut à cette étape savoir que ce terme dérogatoire n’est que très peu significatif. On ne conçoit pas un accord international bilatéral sans qu’il soit considéré comme privilégié. Le sens de dérogatoire est entendu dans cet accord comme des mesures exceptionnellement larges justifiées par le nombre important des flux et des installations.

Et ce sont justement les articles qui suivent le préambule qui indiquent bien l’importance du champ dérogatoire. Comment pouvait-il en être autrement suite au lien séculaire entre les deux pays, une rupture dans la guerre et un intérêt commun à préserver des échanges et des accords privilégiés ?

Le préambule est assez court car les grands principes d’un accord avaient déjà été proclamés dans les accords d’Evian. L’accord de 1968 est en fait un catalogue de dispositions juridiques qui vont dans le détail des droits et obligations.

L’ un des articles que je prendrai en exemple est l’article 4 (l’un des deux premiers, car le 1 et le 2 ayant été supprimés) car il est l’un des points les plus sensibles pour ceux qui dénoncent farouchement l’accord. L’article 4 est celui du regroupement familial autorisé par le Président Valéry Giscard d’Estaing. Il est incontestablement celui qui cristallise le plus car le regroupement familial est considéré comme celui qui a fait exploser les chiffres de l’immigration par l’ampleur des générations suivantes.

Article 4 : « Les membres de la famille qui s’établissent en France sont mis en possession d’un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu’ils rejoignent.

Sans préjudice des dispositions de l’article 9, l’admission sur le territoire français en vue de l’établissement des membres de famille …/… ».

Suit l’énoncé des exceptions introduites par la phrase « Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l’un des motifs suivants : …/… ».

L’ accord comprend douze articles de contenus plus ou moins détaillés suivis de quatre titres du « Protocole ». L’article 5 concerne les conditions d’établissement des non-salariés. Les articles 6, 7 et 7 bis fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence.

Et ainsi de suite.

Le statut juridique de l’accord

Cette partie nous rappelle que la dénonciation de l’accord ne pourra intervenir que par l’intervention du Parlement puisque ce qui est décidé par lui ou par referendum ne peut être défait que par lui ou un autre référendum.

L’ article 55 de la constitution nous précise : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ».

Il faut bien se rendre compte que la décision de dénonciation ou de renégociation de l’accord de 1968 est politique et donc sous condition d’une majorité parlementaire qui les valident. Que va-t-il se passer dans le cas d’une majorité du Rassemblement National qui n’est dorénavant plus du domaine du fantasme ?

Comme la demande émane d’une partie de la classe politique française et non de l’Algérie, c’est bien évidemment du droit français (avec le rappel précédent) et international qu’il faut examiner les possibilités juridiques.

Par extension nul avenant à l’accord ne peut être légal sans l’intervention du Parlement. L’avenant étant une modification ou un rajout au texte initial, l’accord en a connu quatre depuis 1968.

C’est la preuve que tout ne peut se défaire ou renégocier aussi facilement mais qu’en adviendra-t-il si le Rassemblement National atteindrait la majorité absolue, ce qui n’est plus un fantasme, surtout avec le mode de scrutin proportionnel qui s’annonce.

Même en cas de non accession à cette majorité absolue par l’extrême droite, que se passera-t-il si la droite républicaine et le centre droit basculaient du côté de la rupture ou de la négociation dure ?

Et c’est justement la petite musique qui commence à s’entendre.

Des voix qui montent

Le premier à s’en être emparé est l’ancien Premier ministre Edouard Philippe qui préconise la remise en cause de l’accord. La proposition s’appuie sur une analyse politique et juridique d’un ancien ambassadeur français en Algérie, Xavier Driencourt dans une note de mai 2023 pour Fondapol (Fondation pour l’innovation politique, un Think Tank aux idées libérales).

Dans la continuité de sa prise de position, l’ambassadeur est en ce moment le plus « enragé » pour dénoncer l’accord dans de nombreuses apparitions médiatiques. Sa voix est symptomatique de la montée en force du courant des opposants à la préservation des accords et même à leur renégociation.

Le président du Sénat, Gérard Larcher, pourtant réputé pour sa modération, avait renchéri en déclarant « Cinquante-cinq ans après, les conditions ont changé. Je pense que ce traité, il faut le réexaminer ». Les sénateurs avaient déposé une résolution qui n’a pas encore eu de suite.

Des députés LR ont à leur tour déposé une proposition de dénonciation de l’accord. Elle avait été rejetée mais on sent bien que la question était plus que jamais mise en avant. Mais comme nous l’avons dit, que se passera-t-il s’ils en reviennent à cette position ?

La Première ministre,  Élisabeth Borne, avait tranché en affirmant qu’il n’était pas question de dénoncer l’accord  franco-algérien de 1968 mais qu’il était envisageable d’y apporter des aménagements. Aucune précision à ce jour n’a été donnée ni sur un calendrier ni sur le fond.

Dénonciation unilatérale ou renégociation, quels conditions et risques ?

Il est une évidence première que le traité du 27 décembre 1968 ainsi que tous les avenants qui suivirent ne comportent pas expressément (dans le texte) une clause de dénonciation.

L’ article 56 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités nous dit qu’en l’absence d’une telle clause un traité ne peut faire l’objet d’une dénonciation unilatérale qu’à la condition de l’intention des parties d’admettre la possibilité.

Or, nous l’avons dit, cette condition de « l’intention » n’apparait ni dans le texte ni dans les circonstances de son adoption. Au contraire, souvenons-nous de la déclaration du Préambule que nous avions déjà mentionné au début de l’article, les deux gouvernements sont « soucieux d’apporter une solution globale et DURABLE aux problèmes relatifs à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens sur le territoire français ».

La dénonciation unilatérale de l’accord peut donc légitimer la saisine par l’Algérie de la Cour internationale de justice de La Haye. Il s’agit là d’un risque, la dénonciation unilatérale vaut-elle la peine de le tenter ?

Et puis, nous savons ce qu’est le poids des autorités de justice internationales. Lorsque les conflits sont aigus, rien ne peut en mettre une fin sinon par la guerre ou la négociation. Là se trouve une autre question, qui est en situation privilégiée dans le rapport de force ?

Un contrat est la rencontre de deux consentements nous dit le droit. Mais les consentements sont toujours pour les parties la conséquence d’une balance avantages-inconvénients. C’est aussi et surtout un pari sur l’avenir car rien n’est aussi changeant que les circonstances futures. Comment ce rapport de force va-t-il se conclure ?

Si l’Algérie a tout à y perdre parce que les termes de l’accord sont vraiment très favorables, il n’est pas certain que la France y gagne. Les raisons cachées qui avaient amené celle-ci à signer un accord sont toujours présentes, même si elles sont amoindries. Essayons de rappeler ces raisons.

Les accords de 1968 et les sous-entendus  

Les accords d’Evian prévoyaient la simple présentation d’une carte d’identité pour une entrée et circulation qui bénéfice des droits internes à l’exception des droits politiques. En réalité la France n’imaginait pas un retour aussi massif des Pieds noirs et la venue de cinq cent mille immigrés pour une installation de longue durée. L’intention de maîtriser les flux la poussera même à créer un centre de rétention clandestin à Arenc sous l’excuse d’une raison sanitaire.

Entre autres litiges les deux parties seront ainsi amenées à négocier un premier accord le 10 avril 1964. Et c’est ainsi que l’accord de 1968 fut signé par la suite.

L’intention de la France est ambivalente dès le départ en voulant en même temps réguler les flux et bénéficier d’une main-d’œuvre à bon compte pour ses besoins dans la période de grande expansion économique des « trente glorieuses ». Il lui fallait donc manœuvrer entre les deux côtés de la balance.

Nous savons ce qui est advenu pour la suite de l’histoire. La droite voulant perpétuellement affirmer que les accords de 1968 et de ses avenants annulaient les dispositions de libre circulation prévues par les accords d’Evian de 1962.

On pourrait penser que cela n’a aucun sens car ce qui est applicable est le texte de 1962 et ses avenants. Il y a pourtant un point de droit qu’il faut comprendre. Si le texte de 1968 annulait celui de 1962 cela voudrait dire que la libre de circulation n’est plus le principe de base sur lesquels vont se joindre les limites. Les tentatives n’ont jamais pu avoir une concrétisation juridique et le Conseil d’Etat a reconnu que l’accord faisait expressément le lien avec les accords de 1962.

La France n’a donc aucune possibilité juridique pour légitimer la dénonciation unilatérale de l’accord pour les raisons présentées précédemment. Il ne reste que l’accord mutuel de rupture ou la négociation. Ce qui dans les deux cas suppose l’accord de l’Algérie.

Et c’est là, comme pour toute négociation d’un accord, que s’impose de nouveau l’examen de la balance avantages-inconvénients pour l’Algérie.

Il serait difficile d’affirmer que l’accord franco-algérien dérogatoire au droit commun ne soit pas favorable aux ressortissants algériens. Cela étant légitime vu le besoin d’immigration de la France et leur travail qui, malgré l’avis contraire d’une grande partie de la droite, reste nécessaire à la croissance économique du pays d’accueil. Tous les rapports à ce sujet prouvent le danger à réduire la population immigrés tant il y a une pénurie de main d’œuvre dans tous les domaines.

La réalité de la courbe démographique

L’intention de régulariser les travailleurs sans papiers dans les métiers « sous tension » dans la proposition de loi sur l’immigration est la preuve du besoin économique y compris pour le futur vu le déclin démographique inéluctable.

L’ Algérie a des atouts et elle ne devrait pas craindre une renégociation. Il n’y a aucun intérêt pour elle si la dénonciation unilatérale condamne la France à un lourd dédommagement. Elle ferait perdre aux ressortissants algériens l’avantage acquis de la dérogation au droit commun.

Les avantages à rejoindre le droit commun existent mais ils restent très marginaux par rapport à ce qui serait perdu.

Pour le moment, le statut quo est préférable pour tous mais la fièvre semble s’installer. Il faut envisager que ce statut quo ne sera pas solide pour tenir à moyen terme.

Source : Le Matin d’Algérie – 11/01/2025 – https://lematindalgerie.com/accord-franco-algerien-de-1968-quen-est-il-reellement/

Relations  franco-algériennes : les tensions s’exacerbent – Samia Naït Iqbal

Sujettes à de récurrentes perturbations, les relations franco-algérienne ont rarement connu un niveau de dégradation que celui observé ces derniers jours, en raison de l’accumulation de tensions qui se sont exacerbées depuis la fin de l’année 2024.

Les déclarations polémiques au vitriol échangées entre les présidents des deux pays autour de l’incarcération de l’écrivain Boualem Sansal sont les signes avant-coureurs d’une montée en cadence dans l’escalade verbale d’un degré jamais égalé.

Le  refus de l’Algérie d’accueillir sur son sol « l’influenceur » algérien de 59 ans expulsé de France  jeudi dernier après-midi vient de donner une  tournure imprévisible aux relations bilatérales entre l’Algérie et l’ex-puissance coloniale.

 Au sens des autorités françaises ce refus est un acte de défiance, « d’humiliation » qui ne restera pas sans réponse, promet le ministre français de l’Intérieur, le très droitier Bernard Retailleau.

« La France ne peut pas supporter cette situation. L’Algérie cherche à humilier la France. Nous devons désormais évaluer tous les moyens à notre disposition vis-à-vis de l’Algérie pour défendre nos intérêts », dira avec fermeté  le ministre français de l’Intérieur, en réaction à la fin de non-recevoir opposée par l’Algérie à l’exécution d’une disposition judiciaire qui n’est pourtant  pas la première du genre entre les deux pays.

En effet, il est incompréhensible qu’un Etat qui se dit protecteur de ses citoyens refuse d’accueillir un des siens quand il est expulsé par un autre pays. En vrai, l’Algérie n’a rien trouvé de mieux pour agacer Paris que de refuser un des siens, qui sera du coup offert aux prisons françaises. Le régime, pour chatouiller l’orgueil des Algériens, sacrifie un de ses « combattants » de l’ombre pour la bonne cause en somme !

Cela d’autant plus que la décision concerne un citoyen de nationalité algérienne qui vient de faire l’objet  d’une mesure  administrative de déchéance de sa qualité de résidant sur le sol français et d’expulsion suite à des appels à la violence et au meurtre d’opposants algériens au régime du président Abdelmadjid Tebboune.

Le bon sens aurait voulu que cet individu soit accueilli mais non, le régime préfère le renvoyer. Ce qui a les faveurs bien entendu du concerné qui, bien que critique envers la France et défenseur zélé du régime algérien, ne veut aucunement être renvoyé en Algérie. Tout le paradoxe de ces « tiktokeurs » est là.

Il va sans dire que cette fermeté affichée par le ministre français de l’Intérieur est du pain béni pour les autorités algériennes en mal de reconnaissance interne. Elles surferont encore sur le passé pour cacher les avanies de l’actualité.

Il n’est pas exclu de voir ladite réponse de même que l’évolution inattendue que connaissent les relations entre la France et l’Algérie avoir faire l’objet d’un examen par anticipation, lors  de la réunion du Conseil de sécurité de jeudi dernier. Un conclave annoncé mais dont l’ordre du jour est resté secret.

Visiblement, le conflit a atteint un point de non non-retour. Reste à savoir quelle suite connaîtra cette affaire dans le proche avenir. Les deux capitales s’en tiendront-elles aux mots ou iront-elles jusqu’à la rupture des relations diplomatiques ? Affaire à suivre.

Source : Le Matin d’Algérie – 11/01/2025 – https://lematindalgerie.com/relations-franco-algeriennes-les-tensions-sexacerbent/

Algérie-France : nouvelle crise diplomatique

L’ ambassadeur de France à Alger convoqué et averti par le ministère des AE (ce jour, 15/12/2024)

L’ ambassadeur français en Algérie, Stéphane Romatet, a été convoqué au ministère des Affaires étrangères. Le quotidien gouvernemental El Moudjahid qui en a fait un compte rendu repris par la radio nationale nous apprend que « des avertissements fermes ont été adressés » à l’ambassadeur de France à Alger. Ci-dessous le contenu :

« L’ Algérie a exprimé son refus catégorique d’accepter à partir de maintenant les pratiques et actes de chantage émanant des autorités françaises et de leurs alliés, notamment des groupes de pression et des résidus de l’extrême droite.

Lors de cet entretien, des avertissements fermes ont été adressés à l’ambassadeur français, lui demandant de les transmettre aux autorités françaises, suite à l’intensification des actes hostiles commis par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) française, visant les institutions de l’État algérien dans le but de déstabiliser le pays et nuire à ses intérêts.

Ainsi l’ambassadeur français a été informé que, compte tenu de la gravité des faits avérés, étayés par des preuves irréfutables, l’Algérie ne restera pas passive et que Paris doit s’attendre à des ripostes vigoureuses. »

Cette mise en garde qui renseigne sur la gravité des relations entre Alger et Paris arrive suite à l’arrestation et l’emprisonnement de Boualem Sansal à la mi-novembre dernier. Une campagne virulente a été menée par des franges de l’extrême droite pour réclamer sa libération. La violence et la haine exprimées par l’extrême droite ne justifie aucunement le placement en détention provisoire de Boualem Sansal (75 ans).

En réalité, l’affaire de l’écrivain Boualem Sansal a révélé les pratiques du pouvoir en grand jour et a une lumière crue sur les violations des droits humains et de l’État de droit. Esprit libre, Boualem Sansal, arbitrairement arrêté, s’ajoute malheureusement au 215 détenus d’opinion qui croupissent dans les prisons.

Enfin, nous rappelons que l’Algérie a rappelé son ambassadeur l’été dernier suite au soutien d’Emmanuel Macron pour le plan d’autonomie de Mohammed VI pour le Sahara occidental. Il y a quelques jours, c’est la chaîne de télévision publique Al24 qui diffuse un documentaire accusant les services français de tentative de déstabilisation de l’Algérie. Malgré la gravité des accusations, ce document n’a pas recueilli de réaction officielle française.

Que fera la France ? Rappellera-t-elle son ambassadeur ?

Source : Le Matin d’Algérie – 15/12/2024 – Sofiane Ayache – https://lematindalgerie.com/lambassadeur-de-france-a-alger-convoque-et-averti-par-le-ministere-des-ae/