Crise entre Alger et Paris : Ceux qui refusent l’escalade – Amel Blidi

Tensions diplomatiques, surenchère verbale, déclarations enflammées… Depuis quelques mois, le feuilleton orageux entre Paris et Alger s’intensifie, atteignant un niveau de crispation inédit.

Mais au milieu du vacarme politique, quelques voix s’élèvent encore pour appeler à la raison. Parmi elles, l’historien Benjamin Stora, le diplomate Gérard Araud ou encore le député Éric Coquerel, qui plaident pour une sortie de crise.

Benjamin Stora ne cache pas son inquiétude. Il assure n’avoir « jamais connu de crise aussi grave entre les deux pays ». Benjamin Stora a appelé, mercredi 26 février sur Franceinfo, Emmanuel Macron à « parler et à trouver les mots justes » pour tenter de régler la crise entre Alger et Paris.

« Nous ne pouvons pas rester dans l’attentisme et le silence, dit-il. Il faut avancer, trouver les mots justes, puisqu’il va de l’avenir des deux générations de ces deux pays.»

Benjamin Stora a déploré « des prises de position politiques qui ont mis le feu aux poudres et qui sont venues percuter ce travail mémoriel, en particulier la question du Sahara occidental ».

Mais au-delà du clash diplomatique, cette escalade révèle aussi une crise politique de part et d’autre de la Méditerranée. À Paris, Emmanuel Macron, fragilisé par la dissolution de l’Assemblée nationale, s’est appuyé sur la droite et l’extrême droite, traditionnellement plus proches de Rabat et souvent hostiles à Alger. Les premières victimes de cette tempête diplomatique ? Les Franco-Algériens, selon Benjamin Stora. « Ils sont très inquiets, car beaucoup ont de la famille des deux côtés de la Méditerranée et ont le sentiment d’être pris en otage.»

Il apporte quelques mises au point au sujet de la libre circulation : « On parle beaucoup de l’accord de 1968, mais aujourd’hui, le véritable problème pour un Algérien, c’est d’obtenir un visa, pas cet accord. » Concernant cet accord de 1968, qui revient tel un leitmotiv depuis quelques mois en France, Benjamin Stora estime que le texte « était un accord de restriction ».

Et d’expliquer : « En 1962, dans les Accords d’Evian, il y avait cette libre circulation entre l’Algérie et la France. Du coup, on l’a restreint avec l’accord de 68 et on a donné une compensation aux travailleurs algériens avec le type de résidence, de logements, etc.». Benjamin Stora estime que le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche pourrait rebattre les cartes.

Un rapprochement stratégique entre Alger et Washington, notamment sur le plan militaire, permettrait à l’Algérie, selon ses mots, de rompre son isolement et désamorcer sa dépendance historique à la Russie.

Autre voix discordante : celle de Gérard Araud. L’ancien ambassadeur de France aux États-Unis met en garde contre une impasse diplomatique qui se profile dangereusement.

Compromis impossible

Sur le réseau social X, le diplomate sonne l’alerte : « Tôt ou tard, nous conclurons que la politique suivie vis-à-vis de l’Algérie nous mène dans une impasse. On fera appel aux diplomates pour réparer le gâchis. Un peu de réalisme, s’il vous plaît…»

Loin des postures belliqueuses, Araud rappelle que la diplomatie n’est pas un jeu de rapports de force criés sur tous les toits. « Un rapport de force, ça s’établit en silence. Rien de pire que la publicité qui nourrit la rhétorique de l’humiliation, rendant tout compromis impossible », dit-il dans un tacle direct aux fanfaronnades du ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau. « Qu’il se taise ! » s’indigne Araud. « Je sais qu’il satisfait ainsi une partie de son électorat, mais qu’il pense à l’intérêt national. Ce n’est pas ainsi qu’on fait de la politique étrangère.»

De Villepin, ancien ministre des Affaires étrangères, abonde : Retailleau commet un « malentendu », croyant pouvoir régler par la confrontation ce qui relève de la diplomatie. Une diplomatie qui, en temps normal, relève de l’Élysée et du Quai d’Orsay. Ségolène Royal, elle aussi, fustige Retailleau et sa « diplomatie parallèle » qui n’a pour effet que de crisper davantage les relations.

C’est aussi l’avis des députés de gauche, à l’instar d’Eric Coquerel, député insoumis et président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui n’a pas manqué, dans une interview télévisée, de décocher quelques flèches bien senties : « Ce que fait la France avec l’Algérie est une faute historique.»

Il estime que la diplomatie française a franchi la ligne rouge avec la reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. « La France ouvre des plaies et joue les néocoloniaux.

Pour l’Algérie, c’est une provocation inacceptable », assène-t-il. L’Insoumis ne mâche pas ses mots : « Retailleau ignore que la colonisation française de l’Algérie est finie. Les relations avec l’Algérie ne sont pas gérées par le ministre de l’Intérieur ».

Et de soupirer : « Que monsieur Retailleau se calme ! Il faut arrêter avec cette confrontation absurde, la France a plus besoin de l’Algérie que l’inverse, notamment pour le gaz.»

Le député LFI ne s’arrête pas là. Il voit dans la posture du ministre une obsession postcoloniale doublée d’un « fond raciste », et promet qu’en cas d’arrivée de son parti au pouvoir, « la première visite officielle se fera en Algérie, pour établir des relations d’égal à égal ». Manière de dire qu’il est grand temps d’en finir avec les relents de paternalisme.

« Ce n’est pas sain, ce n’est pas bon, et ce n’est pas comme ça que l’on règle les problèmes », conclut-il, balayant d’un revers de main le mélange des genres entre immigration, diplomatie et batailles idéologiques.

Source : El Watan – 01/03/2025 https://elwatan-dz.com/crise-entre-alger-et-paris-ceux-qui-refusent-lescalade

France-Algérie : Bayrou brandit la menace diplomatique – Ilyes Ramdani

Le premier ministre annonce que la France va « réexaminer tous les accords » avec l’Algérie, menaçant de les remettre en cause d’ici six semaines. Une stratégie du bras de fer que réclamait Bruno Retailleau, mais que redoutaient les diplomates. Emmanuel Macron, lui, est toujours mutique.

On savait François Bayrou passionné d’équitation ; on le découvre désormais amateur d’escalade (verbale). Le premier ministre a tenté, mercredi 26 février, d’élever le ton face à l’Algérie, accusée de « ne pas respecter » ses engagements internationaux et de placer la relation bilatérale dans une « situation inacceptable » et « qui ne peut plus perdurer »« Un peuple a le droit d’exiger que la loi soit respectée », a tonné le chef du gouvernement, au terme d’un comité interministériel de contrôle de l’immigration largement consacré aux relations franco-algériennes.

Prévue depuis trois semaines, la réactivation de cette instance créée en 2005 prenait une importance particulière à l’aune des tensions diplomatiques entre Paris et Alger. Celles-ci ont repris en intensité après l’attentat de Mulhouse (Haut-Rhin), le 22 février, la France accusant l’Algérie d’avoir refusé à quatorze reprises l’expulsion de l’individu interpellé, malgré l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) qu’elle avait délivrée.

Au sein de l’exécutif, la tenue d’une telle réunion devenait indispensable, alors que des divergences croissantes se faisaient entendre entre Bruno Retailleau, le ministre de l’intérieur, partisan de « sanctions » fermes à l’égard d’Alger, et Jean-Noël Barrot, en charge des affaires étrangères, qui poussait pour l’option diplomatique et pour une reprise à bas bruit des échanges avec l’Algérie.

C’est un troisième acteur qui a fini par faire pencher la balance et l’arbitrage du premier ministre : le lobbying sonore de la droite et de l’extrême droite en faveur d’un bras de fer et de mesures de rétorsion. Quelques heures avant la réunion à Matignon, les médias du groupe Bolloré (CNews, Europe 1 et Le Journal du dimanche) publiaient de façon simultanée les résultats d’un sondage qui, affirmaient-ils, montraient le soutien massif de l’opinion à l’idée d’une suspension totale des visas pour les ressortissant·es algérien·nes.

« La crise a pris des proportions inédites pour des raisons de politique intérieure, note Adlène Mohammedi, chercheur en géopolitique et enseignant à l’université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle, spécialiste des relations internationales dans le monde arabe. La classe politique française utilise des mots qu’on n’avait pas l’habitude d’entendre dans l’histoire récente des deux pays. C’est comme si on offrait les Algériens sur un plateau aux électeurs de droite et d’extrême droite. »

Les accords de 1968, dont la dénonciation est devenue un totem du bloc central et de l’extrême droite, ont sans surprise occupé une place prépondérante dans l’intervention de François Bayrou. Jugeant que l’Algérie ne les respectait plus, le chef du gouvernement a estimé que ces textes donnaient « des avantages considérables aux ressortissants algériens » – Alger considère à l’inverse, comme plusieurs sources diplomatiques françaises interrogées par Mediapart, que cet accord est une « coquille vide ».

Les mots forts… puis les actes ?

« Ce n’est plus le sujet, sinon le président aurait utilisé cet outil depuis longtemps », faisait valoir un proche d’Emmanuel Macron récemment. Pourtant partisan de la fermeté avec Alger, Gérald Darmanin, le garde des Sceaux, avait critiqué la focalisation sur l’accord de 1968, le 13 janvier sur LCI. « Il est devenu un peu obsolète, mais ça n’est pas le nœud principal du problème, c’est une guerre déjà passée », jugeait alors l’ancien ministre de l’intérieur.

Tiraillé entre les deux approches qui se sont fait jour autour de la table, le président du MoDem a décidé de trancher « pile au milieu », comme aurait dit sa marionnette des « Guignols de l’info » au début du siècle : la méthode forte… mais pas maintenant. En la matière, Bayrou a fait du Bayrou, décidant de lancer un « audit interministériel de la politique de délivrance des visas » et ouvrant un délai entre « un mois » et « six semaines » pour réexaminer les accords franco-algériens.

Au terme de ce délai, si la situation ne s’améliore pas, le gouvernement français considérera que « les termes consentis seront remis en cause et, au bout du chemin, ce sont les accords qui seront remis en cause ». Au-delà des modalités pratiques d’un tel réexamen, le premier ministre s’est voulu offensif dans les mots choisis à l’égard de l’Algérie, parlant à plusieurs reprises des « avantages préférentiels » sans « équivalent » dont disposeraient ses ressortissant·es, menaçant même de s’attaquer aux passeports diplomatiques.

Au sujet de Boualem Sansal, incarcéré en Algérie depuis la mi-novembre 2024, le chef du gouvernement est allé beaucoup plus loin que ce qu’avait exprimé jusque-là la diplomatie française. Dénonçant un manque de « respect » à l’égard de l’écrivain, François Bayrou a évoqué « les pressions » qu’il aurait subies « pour changer son avocat, pour des raisons qui tiennent à l’origine de cet avocat » – des accusations en antisémitisme démenties par le bâtonnier d’Alger, désormais reprises à leur compte par les autorités françaises.

Jean-Noël Barrot a aussi révélé mardi que des « mesures de restriction de circulation et d’accès au territoire national pour certains dignitaires algériens » avaient été prises, ajoutant mercredi qu’elles dataient d’« il y a quelques semaines », donc avant l’attentat. Elles concernent « quelques centaines de personnes », a précisé François Bayrou.

Ces mesures ont suscité la « surprise » et « l’étonnement » d’Alger. Dans un communiqué, le ministre algérien des affaires étrangères a affirmé qu’il n’a « aucunement été informé » de cette décision, estimant qu’elle « s’inscrit dans la longue liste des provocations, des intimidations et des menaces dirigées contre l’Algérie ».

Le silence de Macron

Au sein des cercles de pouvoir français, plusieurs de nos interlocuteurs s’inquiétaient déjà des conséquences qu’aurait un tel raidissement sur la coopération sécuritaire et économique entre les deux pays. La première est prisée par le ministère des armées, avec qui Alger continue d’échanger dans la lutte contre le terrorisme.

La précédente période de tensions entre les deux capitales avait déjà débouché, en 2021, sur une restriction drastique des visas pour tordre le bras à l’Algérie – et à ses voisins maghrébins – sur le terrain des réadmissions. En vain, le gouvernement renonçant finalement à sa mesure pour privilégier des négociations diplomatiques. « Gérald Darmanin avait aussi débuté son ministère en cherchant à nous forcer la main puis il est venu à Alger et, in fine, nous avons trouvé le bon modus operandi », commentait Abdelmadjid Tebboune, le président algérien, dans L’Opinion début février.

Dans cet entretien, le successeur d’Abdelaziz Bouteflika ouvrait la porte à une reprise des discussions avec l’ancienne puissance coloniale. « Nous sommes conciliants, nous allons doucement, nous sommes prêts à dialoguer mais le recours à la force est un non-sens absolu », prévenait-il. Avant d’exhorter Emmanuel Macron à s’impliquer lui-même dans la crise : « Je suis d’accord [sur le fait que les deux pays doivent se reparler rapidement – ndlr]. Encore faut-il que le président français, les intellectuels, les partisans de la relation puissent faire entendre leurs voix. »

À Paris aussi, des conseillers et des diplomates pressent le président de la République de mettre les mains dans le cambouis algérien pour dénouer la crise. Mais étonnamment, le principal intéressé brille par sa discrétion dans le dossier. Une inertie d’autant plus difficile à comprendre que le levier diplomatique est le dernier qui reste au chef de l’État. N’est-ce pas lui qui réaffirmait récemment, face à un Michel Barnier désireux de s’y immiscer, que les affaires étrangères relevaient de son « domaine réservé » ?

 « La politique intérieure française, ce n’est pas CNews ou un ministre qui doit la faire, lance le sénateur socialiste Rachid Temal, président du groupe d’amitié France-Algérie au Palais du Luxembourg. J’en appelle au président de la République pour qu’il fasse revenir tout le monde à la raison. Il doit prendre la parole, remettre la relation bilatérale dans le sillage des accords d’Alger. »

Après avoir laissé entendre que des décisions seraient prises au plus haut niveau fin janvier, l’Élysée ne dit plus rien. Accaparée par le dossier ukrainien, la cellule diplomatique du Palais vit aussi au rythme des péripéties internes et des départs. Après avoir claqué la porte, le sherpa présidentiel Emmanuel Bonne va finalement rester, contrairement à la conseillère chargée de la communication internationale, Anastasia Colosimo, qui devrait faire ses cartons dans les prochaines semaines.

Fidèle à sa méthode, largement éprouvée sur les sujets de politique intérieure, François Bayrou a tenté mercredi de gagner du temps tout en contentant l’air du temps réactionnaire. Il pourrait perdre sur les deux tableaux, décevant la droite et l’extrême droite en ne cédant pas aux revendications les plus belliqueuses de Bruno Retailleau et échouant à rétablir des relations diplomatiques normales entre la France et l’Algérie.

Source : Mediapart – 26/02/2025 https://www.mediapart.fr/journal/politique/260225/france-algerie-bayrou-brandit-la-menace-diplomatique

6e anniversaire du Hirak : une aspiration inébranlable à la liberté

Il y a six ans, en février 2019, le peuple algérien s’est levé avec une détermination inédite pour exiger la fin d’un système politique autoritaire et corrompu. Le Hirak, mouvement citoyen pacifique, unitaire et spontané, a incarné l’espoir d’une Algérie libérée de la prédation, de l’injustice et de l’arbitraire. Pendant des mois, des millions d’Algériens ont arpenté les rues du pays dans une ferveur démocratique, traçant un chemin de dignité, de justice et d’émancipation.

Cet engagement, ancré dans l’histoire des luttes citoyennes, portait des revendications claires : la souveraineté populaire, l’État de droit, la fin du diktat militaire sur la vie civile et la garantie des libertés fondamentales.

Si l’élan du Hirak a été freiné par la répression, il a néanmoins marqué une rupture irréversible dans la conscience collective du peuple algérien. En brisant le mur de la peur, il a redonné aux citoyens confiance en leur pouvoir d’action et en leur capacité à façonner l’avenir de leur pays.

Une répression systématique et un pouvoir isolé

Six ans après, le régime en place demeure sourd aux revendications populaires exprimées dans les rues et les places d’Algérie. Loin d’apporter une réponse politique aux aspirations légitimes du peuple, il s’est enfermé dans une logique répressive et autoritaire. Ce durcissement se traduit par un verrouillage absolu du champ politique : criminalisation des opinions dissidentes, instrumentalisation de la justice et intensification de la répression sous couvert de l’article 87 bis.

Les militants, journalistes et intellectuels critiques subissent des persécutions systématiques, tandis que la société civile est marginalisée. Les syndicats indépendants et les associations sont étouffés, toute tentative d’organisation autonome étant perçue comme une menace.

L’élection présidentielle frauduleuse de septembre 2024, marquée par une abstention record, a confirmé le rejet massif du régime et mis en lumière son déficit criant de légitimité populaire. Ce rejet traduit l’échec d’un pouvoir incapable de proposer un projet politique fédérateur et soucieux du bien-être de la population. Multipliant les artifices pour masquer son illégitimité, il se heurte à une défiance accrue du peuple.

Résistance et résilience : un peuple debout face à l’arbitraire

Face à cette oppression, la société algérienne refuse de plier. Malgré les entraves, les Algériens continuent d’exprimer leur opposition à un pouvoir usurpateur. Ils boycottent massivement les simulacres électoraux, rejettent les organisations fantoches contrôlées par le régime et maintiennent un dynamisme dans les luttes sociales. Étudiants, lycéens, médecins, travailleurs et enseignants résistent aux intimidations pour exiger justice et droits sociaux.

L’Algérie ne veut pas se soumettre. L’Algérie ne veut pas s’effacer

Les mobilisations s’expriment sous différentes formes : contestations dans les universités, grèves syndicales, luttes citoyennes pour la préservation des libertés fondamentales. Malgré une répression accrue, la volonté de changement demeure intacte. Les Algériens explorent de nouveaux moyens pour faire entendre leur voix, tandis que la diaspora joue un rôle essentiel en relayant les revendications du Hirak à l’international et en dénonçant les dérives autoritaires du régime

Un régime aveugle aux menaces qui pèsent sur l’Algérie

Alors que le pays affronte des défis historiques, le pouvoir persiste dans une politique de survie aux dépens de l’intérêt national, ignorant les signaux d’alerte émis par une société en quête de réformes profondes et d’un avenir plus serein.

Sur le plan international : L’Algérie est marginalisée, son influence régionale déclinant avec l’enfermement autoritaire du régime. Autrefois acteur clé dans les équilibres géopolitiques africains et méditerranéens, le pays se trouve relégué à un rôle secondaire, affaibli par l’absence d’une diplomatie proactive. Les périls sécuritaires aux frontières et dans le Sahel exigeraient une stratégie réfléchie, mais le pouvoir instrumentalise ces menaces pour justifier un état d’exception permanent. L’isolement diplomatique grandissant s’accompagne d’un recul de la coopération internationale, alors que des opportunités cruciales pour le développement économique et stratégique du pays sont laissées en suspens.

Sur le plan intérieur : l’effondrement économique et social s’aggrave. Inflation, chômage, fuite des cerveaux et crises sectorielles plongent la population dans une précarité croissante, accentuant l’instabilité du pays. Les jeunes diplômés, désillusionnés par l’absence de perspectives, quittent le territoire, aggravant l’hémorragie des compétences.

L’augmentation du coût de la vie, couplée à la stagnation des salaires, entraîne un appauvrissement généralisé des classes moyennes et populaires. Les secteurs névralgiques, comme l’éducation et la santé, subissent une dégradation alarmante des infrastructures et des services, privant les citoyens de droits fondamentaux et alimentant une colère sociale grandissante.

En parallèle, le capital national est marginalisé, étouffé par une politique économique qui favorise l’entrée de capitaux internationaux aux origines douteuses, sans réelle stratégie de développement à long terme.

Plutôt que d’encourager l’émergence d’un tissu économique national autonome et viable, le régime privilégie des arrangements opaques qui renforcent la dépendance du pays à des intérêts extérieurs. Au lieu d’adopter des réformes structurelles adaptées, le pouvoir persiste dans des mesures de court terme qui ne font que retarder l’inévitable nécessité d’un changement en profondeur.

Un potentiel intact : la transition démocratique comme seule issue

Si le pouvoir est affaibli et discrédité, le peuple algérien conserve son potentiel de mobilisation et d’émancipation. Une conviction demeure : seule une transition démocratique permettra de sortir de la crise et de reconstruire l’État sur des bases solides. Cette transition ne saurait se limiter à un simple changement de visages au sommet de l’appareil d’État, mais devra s’inscrire dans une transformation profonde des institutions, du mode de gouvernance et du contrat social qui lie les citoyens à leur gouvernement.

La transition nécessite d’abord un démantèlement des dispositifs répressifs et l’abrogation des lois liberticides, ouvrant ainsi la voie à un débat national inclusif. Il ne s’agit pas seulement d’organiser de nouvelles élections, mais de repenser en profondeur le système politique et économique, en favorisant une participation active des forces vives du pays, des mouvements sociaux et des citoyens engagés.

La fin de la mainmise oligarchique sur l’économie, la réhabilitation d’un capital national productif et l’arrêt des politiques favorisant les intérêts étrangers aux dépens du développement local constituent également des impératifs majeurs.

Loin d’être une utopie, cette transition s’inscrit dans un mouvement historique plus large. Le peuple algérien a démontré tout au long de son histoire sa capacité à s’organiser et à relever des défis colossaux. Son aspiration à la justice, à la dignité et à la souveraineté reste intacte.

L’issue de cette lutte dépendra de la mobilisation continue et de la création de structures alternatives capables de porter ce projet d’avenir. C’est ainsi que pourra se concrétiser une Algérie libre, juste et démocratique, digne des sacrifices consentis par les générations passées.

L’Algérie appartient à son peuple, et son avenir ne peut être confisqué.

Vive l’Algérie libre et démocratique !

Diaspora 22 février 2025

Signataires : Riposte Internationale – الإنسان لحقوق شعاع SHOAA for Human Rights – CALM (Coordination des algériens du monde) – Pour une Alternative Démocratique en Algérie (PADA) – Collectif des Familles de Disparu(e)s en Algérie – CGADD ( collectif Groupe Algérie Droit Devant) – Collectif Révolution du Sourire

Source : Le Matin d’Algérie – 22/02/2025  https://lematindalgerie.com/declaration-pour-le-6e-anniversaire-du-hirak-une-aspiration-inebranlable-a-la-liberte/

« La République française doit rendre hommage à toutes les victimes de l’OAS, en Algérie et en France »

L’Organisation armée secrète, qui mena des actions terroristes pour maintenir l’Algérie française, a fait de très nombreuses victimes en 1961 et 1962. C’est pourquoi l’Etat doit pleinement reconnaître cette page d’ombre de notre passé, estime un collectif d’intellectuels dans une tribune au « Monde ».

Le 24 janvier 2020, Emmanuel Macron avait déclaré que : « Les sujets mémoriels sont au cœur de la vie des nations (…). La guerre d’Algérie, c’est ce qui fait la Ve République (…). C’est donc quelque chose qui pèse dans la vie institutionnelle, politique, militaire française. » Avant lui, aucun autre chef d’Etat n’avait accordé autant d’importance aux « mémoires blessées de la guerre d’Algérie » : dix-neuf actes mémoriels dont sept déclarations formelles.

Ces nombreuses interventions accentuent le silence du président de la République sur les quelque 3 000 victimes de l’OAS survenues en 1961-1962, en Algérie (2 551) et en France (71). Ce silence interroge car, parmi les personnes tombées sous les coups de l’organisation terroriste, figurent 77 militaires et gendarmes dont 15 officiers comme le général de corps d’armée Philippe Ginestet, ainsi que 20 policiers dont six commissaires, mais aussi des civils, des élus, des magistrats, des fonctionnaires.

Certaines ont même été reconnues « mort pour la France », et les Archives nationales, rendues accessibles depuis l’arrêté du 22 décembre 2021 voulu par Emmanuel Macron, démontrent que les tueurs de l’OAS étaient loin d’appartenir à une« armée de patriotes », mais s’apparentaient clairement à un « gang de malfaiteurs payés ». Le chef de l’Etat doit rendre hommage à toutes les victimes de l’OAS, reconnaître cette page de notre passé « qui pèse dans la vie institutionnelle, politique et militaire française », comme il l’a écrit. Toute nation qui oublie son passé est condamnée à le répéter.

« Courage et lucidité »

Le 15 juin 2020, dans sa lettre au président de la Mission de préfiguration du musée-mémorial du terrorisme, le président de la République reconnaît « la force mortifère de l’oubli » et que « les victimes attachent un prix immense à ce que l’oubli n’efface pas le souvenir des tragédies qu’elles ont vécues (…) ». L’assassinat le 15 mars 1962 à Alger de six enseignants des centres sociaux éducatifs est emblématique de ce terrorisme.

Le 2 mars 2021, à l’occasion de son hommage à MAli Boumendjel, Emmanuel Macron a déclaré : « Aucun crime, aucune atrocité commise par quiconque pendant la guerre d’Algérie ne peut être excusé ni occulté. Ils doivent être regardés avec courage et lucidité, dans l’absolu respect de toutes celles et ceux dont ils ont déchiré la vie et brisé le destin. »

Comme il a su le faire envers les autres « mémoires blessées de la guerre d’Algérie », le président de la République doit rendre hommage à toutes les victimes de l’OAS, civiles et militaires, en Algérie et en France, dont de nombreux Algériens et des Français, défenseurs des institutions et des valeurs de la République à une période où elle fut menacée. La nation se trouverait alors réunie autour de toutes les victimes de la guerre d’Algérie.

Les signataires : Michèle Audin, mathématicienne et écrivaine ; Jean-Michel Dumont, président du Comité vérité et justice pour Charonne ; Aïssa Kadri, sociologue ; Gilles Manceron, historien ; Georges Morin, enseignant et président de l’association Coup de soleil ; Jean-Philippe Ould Aoudia, président de l’association Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons ; Alain Ruscio, historien ; Benjamin Stora, historien ; Michel Wieviorka, sociologue.

Source : Le Monde – Tribune – 15/02/2025 https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/02/15/la-republique-doit-rendre-hommage-a-toutes-les-victimes-de-l-oas-en-algerie-et-en-france_6548383_3232.html?random=955309770

La « submersion » étrangère : un fantasme raciste français récurrent – Alain Ruscio

La hantise d’une submersion imaginaire du pays par les étrangers a une longue histoire en France. François Bayrou ne fait que reprendre un stéréotype colonial.

Thème fétiche de l’extrême droite raciste, variante de la théorie délirante du « grand remplacement », la hantise d’une « submersion » imaginaire par les étrangers vient d’être à nouveau brandie par le premier ministre François Bayrou. Elle est également exploitée de façon éhontée par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. Un « débat » sur « l’identité française », rappelant furieusement les errements xénophobes et racistes de la présidence Sarkozy, est annoncé. De même qu’une remise en cause du droit du sol non seulement à Mayotte mais aussi en France. L’historien Alain Ruscio montre ici que le fantasme politique ainsi agité est aussi ancien que récurrent dans notre histoire.

Une identité nationale submergée ? Une idée vieille comme… la France par Alain Ruscio

La France est-elle une personne, comme le pensait Michelet ? Y a-t-il une identité propre à ce pays, à la fois comparable et opposable à d’autres ? Si oui, quelle est son essence ? Chrétienne ? Blanche ? Quand enfonça-t-elle ses racines dans l’hexagone ? « La population de notre pays est restée homogène depuis ses origines » (Front National, Programme de gouvernement, 1993)[1]. Origines ? Du temps des Gaulois, comme l’école de la IIIème République tenta de le faire croire ? Sous les Mérovingiens ? Les Carolingiens ? Les Bourbon ? Sous la Révolution ? Les Français éprouvent un « sentiment de submersion » vient d’affirmer François Bayrou en précisant : « Les apports étrangers sont positifs pour un peuple, à condition qu’ils ne dépassent pas une proportion »[2]C’est la vieille théorie du seuil de tolérance.

Ou, a contrario, cette essence n’est-elle qu’une invention ? L’identité n’est-elle pas plutôt une construction permanente, dont aucune définition ne pourrait être figée ?

Ces interrogations n’ont cessé de susciter polémiques et mises au point des politiques et des intellectuels. 

Premiers débats

On peut être surpris de constater que la sensation d’une menace sourde sur l’identité nationale par une présence d’éléments autres a plusieurs siècles d’existence.

Au XVIIIème siècle, où les esclaves noirs, emmenés en métropole par leurs maîtres, et parfois abandonnés, n’étaient que quelques milliers, le Procureur du Roi à la Cour de l’Amirauté de France jugea la figure de la France menacée : « L’introduction d’une trop grande quantité de Nègres en France (…) est d’une dangereuse conséquence. Nous verrons bientôt la nation Françoise défigurée si un pareil abus est toléré » (Guillaume Poncet de la Grave, Ordonnance, 31 mars 1762)[3].

En 1802, telle était l’opinion d’un ancien avocat-colon du Cap français (Saint-Domingue), exilé en métropole, dans un chapitre intitulé « L’inconvénient du Nègre en France » : « Depuis la révolution, le sang Africain ne coule que trop abondamment dans les veines des Parisiennes mêmes. Il est vrai que l’espèce de femmes qui s’allient aux Noirs est la plus vile de Paris et des départemens. Mais il en naît de gros mulâtres renforcés, plus bronzés même que dans les Colonies. Ces mulâtres épouseront eux-mêmes quelques-unes de ces femmes, et leur troisième ou quatrième génération peut se mêler à des femmes plus relevées. Si cet abus subsistoit plus longtemps, il attaqueroit donc jusqu’au cœur de la nation, en en déformant les traits, et en en brunissant le teint. Le moral prendroit alors la teinte du physique, et la dégénération entière du peuple Français ne tarderoit pas à se faire appercevoir » (Louis-Narcisse Deslozières, Les égaremens du nigrophilisme, 1802)[4].

La présence même en métropole d’un seul homme de couleur, le député de Saint-Domingue Belley, amènera des incidents significatifs. Pour beaucoup de Français, alors, on ne pouvait vraiment pas être nègre et Français. Le 5 thermidor an III (23 juillet 1795) eut lieu à la Convention un débat houleux. Évoquant la grande île, un député Girondin, Jean Serres, adjura ses collègues de cesser de « faire couler le sang français par torrents (…) pour faire triompher les Africains ». La formule méprisante provoqua une réaction indignée de Belley[5], qui s’exclama : « Est-ce que je suis un  chien ? », ce qui lui attira cette réponse définitive de la salle : « Non, mais tu n’es pas Français ». À ce même Belley sera à une autre occasion dénié le droit d’être Français, puisqu’il était d’ailleurs « de nation afriquaine-bambara »[6].

La période coloniale

Que ce fût pour les besoins de l’appareil productif ou pour assurer la défense du territoire national, l’appel à des indigènes à venir sur le territoire de l’hexagone traverse l’histoire coloniale française. Avec le revers de ce phénomène : la présence d’immigrés colonisés fut souvent vécue comme une invasion et, donc, assimilée à une perte d’identité. 

L’un des grands théoriciens de la question des races, Georges Vacher de Lapouge, écrivit en 1899 un essai au titre qui prendra par la suite une dimension tragique : L’Aryen. Il déclarait y constater que l’invasion était un processus irréversible : « L’immigration a introduit depuis un demi-siècle plus d’éléments étrangers que toutes les invasions barbares. Les éléments franchement exotiques deviennent nombreux. On ne rencontre pas encore à Paris autant de jaunes et de noirs qu’à Londres, mais il ne faut se faire la moindre illusion. Avant un siècle, l’Occident sera inondé de travailleurs exotiques (…). Arrive un peu de sang jaune pour achever le travail, et la population française serait un peuple de vrais Mongols. “Quod Dii omen avertant !“[7] » (L’Aryen, 1899)[8]. En 1923, pour lui, le processus était presque achevé : la France était un pays envahi, la « fin du monde civilisé » se profilait à l’horizon[9]. Il vécut encore 13 années. Nul doute qu’il vît l’évolution de la société française d’un œil plus sombre encore…

Un tiers de siècle plus tard, le démographe Georges Mauco, même s’il n’utilisa pas le mot d’identité, émit les mêmes craintes : « L’accroissement continu de la masse des étrangers qui rend plus lente et plus difficile depuis la guerre leur assimilation, développe, par ailleurs, le redoutable problème de la saturation. Certes, la France est merveilleusement douée pour absorber les apports étrangers et il n’est pas au-dessus de ses écoles, de ses élites, d’encadrer, de diriger, d’éduquer l’énorme armée des mercenaires du travail qu’il lui a fallu recruter. Mais l’augmentation à prévoir de la masse des étrangers ne risque-t-elle pas de dépasser sa faculté d’absorption ? La France ne court-elle pas le risque de voir l’immigration facteur de renouvellement devenir une force de substitution ? L’immigration apporte des éléments humains peu évolués, frustes en général, parfois inférieurs. Tant que le rythme des arrivées permet d’éduquer, il y a enrichissement et atténuation de notre pénurie d’hommes. Mais quel danger du jour où la diminution des cadres et le gonflement des troupes rendraient difficile l’assimilation de celle-ci ! » (La Revue de Paris, 15 février 1933).

C’est l’époque où une partie de la presse, beaucoup d’hommes politiques, d’intellectuels, mènent une campagne contre les indésirables, les métèques, une masse indistincte englobant tous ceux qui ne correspondaient pas à certains critères, « qui n’ont ni le parler ni la figure des gens de chez nous » (Henri Béraud, 1936)[10]. Un grand écrivain reprit alors à son compte ces thèses : « Qu’importe si les frontières du pays soient intactes si les frontières de la race se rétrécissent et si la peau de chagrin française est le Français ! » (Jean Giraudoux, Pleins pouvoirs, 1937)[11]. Un essayiste, Raymond Millet, s’effraya qu’il y ait « trois millions d’étrangers en France » (c’était le titre de son essai) et proposa aux autorités d’opérer un tri entre les « bienvenus » (une minorité) et les « indésirables » (la masse), « nos facultés d’assimilation et d’absorption (restant) considérables quand le pourcentage d’étrangers ne dépass(ait) par une certaine limite » (1938)[12]/

Après-guerre, les expressions indésirables et métèques étant devenues sulfureuses, c’est contre « l’ethnie nord-africaine » que se tournèrent les interrogations : « Jusqu’à quel point et dans quelles limites numériques et même géographiques une assimilation est-elle possible ? Les facteurs à considérer sont d’ordre physique et d’ordre ethnique. Au point de vue physique, il s’agit de savoir si cette immigration risque de bouleverser les composantes physiques constatées en France et exprimées par une certaine répartition de caractères aussi évidents que la stature, la pigmentation, l’indice céphalique. Au point de vue ethnique, il s’agit de savoir si l’ethnie nord-africaine affirmée par une certaine civilisation, c’est-à-dire une langue, des mœurs, une religion, un comportement général et jusqu’à une mentalité, oppose un refus absolu, un antagonisme total à ce que l’on peut considérer comme l’ethnie française » (Louis Chevalier, Le problème démographique nord-africain, 1947)[13].

Plus tard, parmi les causes du désengagement gaulliste de l’Algérie, il y avait la crainte du Général de voir, en cas d’assimilation totale, le « peuple européen de race blanche » se dissoudre : « C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. Qu’on ne nous raconte pas des histoires ! » (Propos, 5 mars 1959)[14].

Ces propos ont certes été tenus en privé. Mais, manifestement, le Général tenait à ce qu’ils soient rapportés (Alain Peyrefitte était un fidèle et un proche).

Avec le temps, la notion de seuil de tolérance explosa dans le vocabulaire de bien des hommes politiques, journalistes et intellectuels. Un jeune chercheur, Mathieu Rigouste, en décela une première trace dans un article de 1969 de Maurice Schuman, alors ministre d’État chargé des affaires sociales[15]. À la même époque, deux circulaires gouvernementales (70-27 et 70-88 du 4 mars 1970) fixèrent à 15 % le maximum de population étrangère dans les HLM[16].

Le 25 août 1973, à Marseille, l’assassinat d’un conducteur de bus – français –, Émile Gerlach, par un malade mental – arabe –, Salah Bougrine, suscita un vif débat. Le ministre chargé des relations avec le Parlement considéra que c‘était l’installation d’une communauté étrangère qui était la cause de la tension, égratignant au passage la municipalité socialiste dirigée par Gaston Defferre (Joseph Comiti, Déclaration, 30 août 1973)[17]. Avec plus de finesse, le président Pompidou ne dit pas autre chose, lors de la conférence de presse qui suit immédiatement ces crimes : « Il faut bien voir qu’il y a un problème (…) : les Nord-Africains, et particulièrement les Algériens, sont concentrés dans quelques agglomérations : Marseille et sa banlieue, la banlieue lyonnaise, Paris et sa banlieue » (Conférence de presse, Paris, 27 septembre 1973)[18].

En 1983, Michel Debré, en fin de carrière politique, mais dont l’autorité reste grande dans les milieux conservateurs, participe à la 36ème session du très officiel Institut des hautes études de la Défense nationale. Il y fait une contribution significativement intitulée L’immigration est-elle une invasion ? Réponse : « Désormais, les travailleurs d’origine étrangère occupent souvent, en rangs serrés, certains quartiers de nos villes. Il s’est développé un “quart monde“ sur notre propre territoire »[19].

Le plus grave sans doute est le ton de l’évidence, adopté par des familles politiques par ailleurs opposées : « Le seuil de tolérance est dépassé dans certains quartiers, et cela risque de provoquer des réactions de racisme » (Jacques Chirac, 13 juillet 1983)[20]… « Je ne souhaite pas aggraver le chômage en France en laissant la porte ouverte aux travailleurs immigrés (…). Le gouvernement français sera très ferme : la France ne peut plus accueillir des travailleurs étrangers » (Georgina Dufoix, PS, 23 février 1984)[21]… « Il faut partir d’une évidence : on ne peut pas prendre le risque de laisser augmenter encore le nombre d’immigrés en France » (Jean-Claude Gaudin, Figaro Magazine, 1er juin 1985)[22]… Que dire, alors, de la caution étatique, dans la bouche de François Mitterrand, lors d’un entretien avec Christine Ockrent : « Le seuil de tolérance a été atteint dès les années 70, où il y avait déjà 4,1 à 4,2 millions de cartes de séjour, à partir de 1982 (…). Il ne faut pas dépasser ce chiffre, mais on s’y tient depuis des années et des années » (Antenne 2, 10 décembre 1989)[23]. C’est exactement au même moment (3 décembre 1989) que son Premier ministre, Michel Rocard, prononce une phrase restée célèbre : « La France ne peut pas recevoir toute la misère du monde »[24].

1989 : c’est l’année dite des foulards de Creil… Le terrain était prêt pour une offensive plus spécifiquement dirigée contre la population la plus présente dans cette immigration : les Maghrébins, décrétés tous musulmans.

Notes

[1] 300 mesures pour la renaissance de la France. Programme de gouvernement, Programme rédigé par Bruno Mégret, Brochure Front national, Paris.

[2] Interview à LCI, 27 janvier 2025.

[3] Cité par Pierre H. Boulle, Race et esclavage dans la France de l’Ancien Régime, Paris, Perrin, 2007.

[4] À Paris, Chez Migneret, Imprimeur (Gallica).  

[5] Le nom n’est pas cité dans le compte-rendu. Mais, d’après Claude Wanquet, qui cite cette anecdote, il s’agit bien de Belley (La France et la première abolition de l’esclavage, 1794-1802. Le cas des îles orientales Ile-de-France (Maurice) et la Réunion, Paris, Karthala, 1998).

[6] Pétition de colons contre Belley, citée par Vertus Saint-Louis, « Le surgissement du terme “africain“ pendant la révolution de Saint-Domingue », Revue Ethnologies, Vol. XXVIII, n° 1, 2006 (Persée).

[7] « Puissent les dieux démentir ce présage ! ».

[8] L’Aryen, son rôle social, Cours libre de science politique, professé à l’Université de Montpellier (1889-1890), Paris, A. Fontemoing Éd., 1899.

[9] « Dies Irae. La fin du monde civilisé », Europe, 1 er octobre 1923.

[10] Gringoire, 7 août 1936, cité par Ralph Schor, « L’extrême droite française et les immigrés en temps de crise. Années trente-années quatre vingts », Revue européenne des migrations internationales, Vol. XII, n° 2, 1996 (Persée).

[11] Paris, Gallimard, NRF.

[12] Trois millions d’étrangers en France. Les bienvenus, les indésirables, Paris, Libr. de Médicis.

[13] Cahiers de l’INED, Coll. Travaux et Documents, n° 6, Paris, PUF.

[14] Propos tenus à Alain Peyrefitte, rapportés in C’était de Gaulle, Vol. I, La France redevient la France, Paris, Ed. de Falois / Fayard, 1994.

[15] L’ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine, Paris, Éd. La Découverte, Coll. Cahiers libres, 2009.

[16] José Rodrigues Dos Santos & Michel Marie, « L’immigration et la ville », Espaces & sociétés. Revue critique internationale de l’aménagement, de l’architecture et de l’urbanisation, n° 8, février 1973.

[17] Le Monde, 1 er septembre.

[18] Le Monde, 29 septembre.

[19] IHEDN, Dossier L’Environnement national, 1983-1984, cité par Mathieu Rigouste, L’ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine, Paris, Ed. La Découverte, Coll. Cahiers libres, 2009.

[20] Le Monde, 15 juillet.

[21] « La France ne peut plus accueillir de travailleurs étrangers », Les Échos, 24 février. 

[22] « Qu’ils commencent d’abord par nous accepter, nous ».

[23] Cité par Christine Barats,  L’intégration et le discours présidentiel sur l’immigration, 1981-1991, Thèse pour l’obtention du titre de Docteur en science politique, Université de Paris-Dauphine, UER Sciences des organisations, janvier 1994.

[24] Cette formule, souvent citée, a été effectivement prononcée, sous des formes différentes, toutes en 1989 : lors d’un débat à l’Assemblée nationale (6 juin), lors d’une assemblée de la CIMADE (28 novembre), émission Sept sur sept, avec Anne Sinclair (décembre).

Source : Histoire coloniale et postcoloniale – 15/02/2025  https://histoirecoloniale.net/la-submersion-etrangere-un-fantasme-raciste-francais-recurrent-par-alain-ruscio/

Essais nucléaires français en Algérie : un vaste et mortel héritage colonial – Salima Tlemcani

Le 13 février 1960, alors que l’Algérie était toujours sous occupation, le président français, Charles de Gaulle, donne le coup d’envoi à son premier essai nucléaire à l’air libre, à Reggane, au sud du pays, auquel  a été donné le nom de code « Gerboise bleue », suivi, jusqu’en avril 1961, de trois autres essais : « Gerboise blanche », « Gerboise rouge » et « Gerboise verte », où des Algériens, mais aussi des animaux ont servi de cobayes.

A partir de décembre 1961, la France a effectué d’autres essais souterrains, menés dans des tunnels, que des ouvriers algériens et africains, ont creusés au cœur du massif rocheux d’In Ecker, et ce, jusqu’en 1966. 

Les 17 tirs nucléaires atmosphériques et souterrains (dont 11 après l’indépendance) ont eu de graves répercussions sur les habitants et l’environnement, contaminés par les déchets radioactifs des immenses décharges et sites d’expérimentation abandonnés sur les lieux. 

Plus de 60 ans après, les experts tirent toujours la sonnette d’alarme sur les effets de la radioactivité sur la vie, pas seulement dans le périmètre de Reggane et d’In Ecker, mais dans de nombreux pays, y compris de l’Europe, qui reçoivent les nuages chargés de sable radioactif. Lors d’une conférence-débat organisée hier, à Alger, par l’Organisation nationale des enfants de chouhada (Onec), sur le sujet, Khelifa Smati, secrétaire général de cette organisation, a rappelé à une assistance avertie, qu’il n’y a pas que  In Icker et Reggane, qui ont été utilisés par l’armée française, mais plusieurs autres sites, citant entre autres, Hamoudia, Talanoufela, « où des crimes abominables ont été commis et leurs effets continuent à ce jour, à faire d’autres victimes ». 

Pour lui, « la France doit reconnaître ses crimes qui sont aussi nombreux que divers ». Il plaide pour la loi sur la criminalisation de la colonisation, mise sous le coude depuis octobre 2021, pour qu’elle soit promulguée. Spécialisé dans l’engineering nucléaire, Dr Mansouri  commence son exposé par un article paru cette semaine, dans la presse libyenne, qui évoque les conclusions d’une étude de l’Université française Paris-Sacré, sur un nuage de poussière nucléaire eu Europe, qui a démontré qu’il s’agissait de poussière de sable venue des sites radioactifs du Sud algérien. 

L’intervenant explique que les essais nucléaires français au Sahara n’ont pas été effectués dans des zones désertiques. « Contrairement à ce que disent les Français, les régions où se trouvent les sites d’expérimentation étaient habités par des populations qui pratiquaient   l’agriculture saharienne et où il y avait des animaux », lance Dr Mansouri, en faisant passer des diapositifs qui montrent, photos d’époque à l’appui, des oasis et des hommes qui cultivent la terre. 

« Ce sont des armes à destruction massive latente. Je parle du moment de l’explosion et non pas des effets de ses explosions. De Gaulle a créé sa commission nucléaire, 70 jours après la bombe larguée sur Nagasaki, et en décembre 1957, il a installé le centre scientifique des essais nucléaires. 

Il a choisi le sud du pays, parce qu’il était dans cette logique de séparer cette partie du territoire du Nord. 14 tunnels ont été creusés, par des ouvriers algériens et africains, dans le mont d’In Ecker, où des essais, appelés Gerboise Bleue, Gerboise blanche, Gerboise rouge et Gerboise verte, ont été effectués. Gerboise Bleue comporte 70 000 tonnes d’explosif. Un volume, alors que les explosions souterraines sur plus d’un kilomètre ont provoqué l’émanation d’un immense nuage, auquel personne ne s’y attendait », déclare Dr Mansouri, en exhibant des photos en noir et blanc, montant un immense champignon s’élevant vers le ciel. 

« Sur le site, il y avait 2000 personnes entre militaires et civils et le nuage a été poussé jusqu’en Libye », explique le conférencier, avant de lancer : « Ce sont des crimes contre la vie et non pas contre l’humanité. Il y a eu 4 explosions souterraines ayant ciblé le mont Tanafak et d’autres encore. On estime à 800 000 tonnes d’explosif utilisées et 6 accidents nucléaires, 24 000 militaires et civils mobilisés, 14 000 à In Ecker et 150 Algériens ramenés de Sidi Bel Abbès, utilisés comme cobayes. Après 1966, la France a laissé ses déchets nucléaires, des kilomètres de cuivres irradiés qui ont provoqué des cancers chez les personnes qui les ont pris pour en faire des bijoux et les touristes qui ont acheté ces derniers. De 2010 à ce jour, un seul Algérien a été indemnisé, une femme dont le mari travaillait avec les Français. 

2225 victimes de contamination nucléaire recensées

A ce jour, ces décharges nucléaires font encore des victimes, et ce, sur des générations.» Le conférencier affirme qu’en septembre 1999, l’Agence internationale de l’énergie atomique a demandé le nettoyage et la surveillance des sites nucléaires. Ce que la France a fait en Polynésie, mais pas en Algérie, dit-il. «Suite aux recommandations de l’AIEA, une commission a été dépêchée, mais son rapport n’a été rendu qu’en 2005, alors qu’il devait être achevé dans les dix jours qui suivent son retour. 

En 2009, un laboratoire international a pris les mêmes échantillons que ceux pris par la commission de l’AIEA, au bout de dix jours, il a rendu ses conclusions. Les données de celles-ci montrent une large différence entre celles de la Commission qui s’est vu obligée de s’expliquer, en disant qu’il s’agit d’erreur d’imprimerie». Le journaliste Mountasar Oubatroun, spécialisé dans le sujet, s’attarde sur la politique du déni adoptée par la France, qui de tout temps a tenté de minimiser les effets dévastateurs de ses décharges et de ses essais nucléaires au sud du pays. 

Pour lui, les explosions de Gerboise Blanche ont été les plus nuisibles et leurs effets continuent à ce jour de faire des victimes. Le journaliste dément formellement la thèse qu’il y a eu une clause secrète qui a permis à la France de poursuivre ses essais nucléaires après l’indépendance. « J’ai eu des entretiens avec de nombreux négociateurs des Accords d’Evian, et tous ont été formels. 

Il n’y a aucune clause secrète dans les accords. Feu Bentobal m’a même dit que contrairement aux autres qui ont paraphé la dernière page seulement de l’accord, Krim Belkacem a signé toutes les pages une après l’autre, après les avoir bien lues », affirme le journaliste. 

Il explique que « les négociations n’ont à aucun moment évoqué les essais nucléaires. Comment la France a-t-elle pu mener ces derniers après l’indépendance ? Nous n’en savons rien ». 

Président de l’Association des victimes des essais nucléaires français, Mahmoudi raconte qu’en 1992, en tant qu’appelé du service national, il a été affecté à In Eckel, où il était chargé de la surveillance des tunnels qui étaient fermés. « Je ne savais pas cette zone était contaminée. Nous avons recensé 2225 victimes. Le nombre de personnes atteintes de cancer est très élevé, surtout le cancer du sang », déclare l’intervenant. 

Pour lui, « il est impératif que les victimes qui vivent toujours dans le Sud soient prises en charge comme les autres. Il faut aussi que l’Etat érige un mémorial en l’honneur de toutes les victimes des essais nucléaires afin que nul n’oublie ». 

Il alerte sur les actes de vol qui ciblent les grillages, les plaques métalliques etc., contaminés, avant de prévenir : « Des nouveau-nés avec des malformations sont légion au sud du pays. Il y a quelques jours, un bébé est né avec un œil au front, mais n’a pas survécu. Il est mort quelques heures après sa naissance ». 

Source : El Watan – 11/02/2025 https://elwatan-dz.com/pres-de-59-ans-apres-les-premiers-essais-nucleaires-francais-en-algerie-un-vaste-et-mortel-heritage-colonial

En complément  : Le Monde – 14/02/2025 – « En Algérie, des élus redemandent des comptes à la France pour les essais nucléaires des années 1960 » –  Hamid Nasri https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/02/14/en-algerie-des-elus-redemandent-des-comptes-a-la-france-pour-les-essais-nucleaires-des-annees-1960_6546837_3212.html

RFI – 14/02/2025 – « Le Parlement algérien s’empare de la question des essais nucléaires français des années 1960 » –  Fayçal Metaoui https://www.rfi.fr/fr/afrique/20250214-le-parlement-alg%C3%A9rien-s-empare-de-la-question-des-essais-nucl%C3%A9aires-fran%C3%A7ais-des-ann%C3%A9es-1960

Et pour aller plus loin : « Sous le sable, la radioactivité » – Jean-Marie Collin (ICAN France – International Campaign to Abolish Nuclear Weapons France) et Patrice Bouveret (Observatoire des Armements) https://icanfrance.org/wp-content/uploads/2020/08/Sous-le-sable-la-radioactivit%C3%A9.pdf

Perpignan : La nomination de l’esplanade Pierre Sergent annulée – La Semaine du Roussillon

La majorité RN à la tête de la ville avait décidé d’attribuer à l’esplanade du square Bir Hakeim le nom de Pierre Sergent, ancien chef d’état-major et de l’organisation de l’armée secrète (OAS)

04/02/2025 – Le tribunal administratif de Montpellier a décidé d’annuler ce jour la délibération du 2 septembre 2022 du conseil municipal de Perpignan. La majorité RN à la tête de la ville avait décidé d’attribuer à l’esplanade du square Bir Hakeim le nom de Pierre Sergent, ancien chef d’état-major et de l’organisation de l’armée secrète (OAS), condamné à mort par contumace en 1962 pour avoir commandité des actes de terrorisme et des tentatives d’assassinats. Amnistié en 1968, Pierre Sergent avait été élu député FN des P.O.

La décision de la mairie avait provoqué des manifestations de nombreuses associations et deux recours devant le TA, de la Ligue des droits de l’homme (LDH) et de SOS Racisme.

Le Tribunal a estimé que la délibération « a été de nature à heurter significativement la sensibilité du public » et « a été entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. » La ville de Perpignan est par ailleurs condamnée à payer 800 € à la LDH et autant à SOS Racisme.

A travers un communiqué publié le jour même, la municipalité de Perpignan annonce qu’elle fera appel de cette décision.

Source : La Semaine du Roussillon – n°1484 – 5 au 11/02/2025 https://www.lasemaineduroussillon.com/societe/mairie-de-perpignan-la-nomination-de-lesplanade-pierre-sergent-annulee-12849/

Mobilisation de trente organisations dont l’ANPNPA Contre l’esplanade Pierre Sergent – 29/10/2022

À la « Cité de l’histoire », des mensonges sur la guerre d’Algérie

La « Cité de l’histoire » colporte des contre-vérités chères à l’extrême droite, notamment sur la guerre d’Algérie.

Roxana Azimi, dans Le Monde du 24 janvier 2025, a consacré une intéressante enquête aux « cités de l’histoire », « ces lieux culturels immersifs, conçus comme des parcs de loisirs », dont La Cité de l’histoire, installée depuis 2023 sur 6000 m2 sous l’arche de la Défense, à Puteaux (Hauts-de-Seine). Elle est la propriété d’Amaclio Productions, dont L’Humanité soulignait la proximité avec la droite la plus réactionnaire. Quand on songe qu’ à l’occasion du bicentenaire de la déclaration universelle des droits de l’homme, le 26 août 1989, a eu lieu à cet endroit l’inauguration solennelle de l’Arche de la fraternité à la Défense, on se rend compte à quel point, par des mécanismes divers, la droite extrême n’a cessé de marquer des points dans la diffusion de son idéologie.

« Après s’être acquitté d’un ticket à 24 euros, plus cher qu’une entrée au Musée du Louvre, écrit Le Monde, le visiteur se voit proposer deux « attractions » principales. D’un côté, un « couloir du temps », longue frise chronologique et interactive qui, en 400 textes brefs, prétend parcourir l’histoire mondiale depuis l’Empire romain jusqu’à nos jours. De l’autre, douze siècles d’histoire de France découpés en 17 scènes, jalonnées de figures en cire rescapées du Musée Grévin et ponctuées de saynètes animées par des comédiens. Le récit est délivré par Franck Ferrand, qui collabore à des médias conservateurs, tels CNews et Valeurs actuelles. Sensible aux idées d’Eric Zemmour, l’historien cathodique est aussi perméable aux thèses conspirationnistes. »

Le récit s’autorise ainsi d’improbables « oublis » dans l’histoire de France. L’historienne Mathilde Larrère s’étonne : « Rien sur les canuts, rien sur la Commune, rien sur le Front populaire, rien sur 1968 ».

S’agissant de l’histoire coloniale et plus particulièrement de l’Algérie, on s’attend au pire et on n’est pas déçu : « Dans les notices lapidaires du « couloir du temps », les raccourcis sont encore plus criants. Celle qui est consacrée aux accords d’Evian de 1962 et à l’indépendance de l’Algérie est pour le moins biaisée. Évoquant les attentats du Front de libération nationale (FLN), sans mentionner ceux de l’Organisation armée secrète (OAS), elle signale de prétendus « sabotages de la part des communistes en France »« C’est délirant, les communistes n’ont commis aucun attentat en France, ils ont, au contraire, été tués lors de la répression au métro Charonne, s’étrangle l’historien Benjamin Stora, spécialiste de l’Algérie, sollicité par Le MondeIl n’y a aucune profondeur historique dans cette notice : on parle d’affrontements sanglants sans évoquer le fond du problème, la colonisation. »

Selon la page « nos partenaires » du site de la société propriétaire de La Cité de l’histoire, cette entreprise de relecture identitaire de l’histoire est notamment parrainée par la Région Ile-de-France, la Ville de Paris ou encore l’INA.

Source : Histoire coloniale et postcoloniale – 01/02/2025 – https://histoirecoloniale.net/a-la-cite-de-lhistoire-des-mensonges-sur-la-guerre-dalgerie/