Le ministre français de la Justice entend supprimer un accord intergouvernemental qui permet aux proches du régime algérien de se rendre en France sans visa. L’annonce n’est qu’un nouvel épisode dans la dégradation des relations entre les deux pays.
Menacé par une motion de censure, le gouvernement français de François Bayrou entend se distinguer de l’équipe censurée – brièvement emmenée par Michel Barnier – par une osmose inédite entre les ministères de la Justice et de l’Intérieur. Les récents soubresauts dans les relations entre la France et l’Algérie viennent de donner l’occasion au tandem de ministres en charge de ces deux portefeuilles – Gérald Darmanin et Bruno Retailleau – de surligner qu’ils sont sur la même longueur d’onde.
Ce dimanche, sur la chaîne de télévision française LCI, le garde des Sceaux a considéré que, « comme l’a évoqué le ministre de l’Intérieur », il paraît « intelligent » et « efficace » de revenir sur un « accord de 2013 […] gouvernemental qui permet à ceux qui ont un passeport […] diplomatique algérien » de « venir en France sans visa pour pouvoir circuler librement ».
L’adoption d’un amendement en ce sens « peut se faire très rapidement », a développé Gérald Darmanin, insistant sur le fait qu’il ne visait qu’une nomenklatura algérienne dont « des milliers » de membres disposeraient de passeports officiels. Et non les 10 % de ses compatriotes « qui ont des liens de sang, de sol, de culture, y compris les pieds-noirs ». Le ministre a ensuite emboîté le pas de son ex-chef de gouvernement, Gabriel Attal, en appelant à « dénoncer » également un accord de 1968 qu’il juge « un peu obsolète » et qui confère aux Algériens un régime dérogatoire au droit commun français en matière de circulation, de séjour et d’emploi dans l’Hexagone.
Mesure de rétorsion
Cette remise en cause des facilités de séjour et du statut particulier de résidence est évidemment à mettre en perspective avec la récente dégradation des relations diplomatiques entre les deux pays. Connu pour son franc-parler, Darmanin qualifie lui-même son souhait en matière de visas de « mesure de rétorsion » contre « la plupart des dirigeants algériens qui ont la position de décision d’humiliation ».
La tension diplomatique croissante a été notamment marquée par des interpellations polémiques des deux côtés de la Méditerranée. La France dénonce l’arrestation à Alger de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal et le garde des Sceaux français considère que le régime algérien « s’honorerait » en le libérant. Côté algérien, c’est l’interpellation de « Doualemn » qui a fait grincer des dents et surtout la tentative d’expulsion avortée de l’influenceur algérien, expulsion qu’Alger qualifie d’« arbitraire et abusive ». Embarqué dans un avion pour l’Algérie, jeudi dernier, l’auteur de vidéos vindicatives sur TikTok a été aussitôt renvoyé en France.
Manque mutuel de respect ?
Le parallélisme des formes s’impose dans les échanges tumultueux entre les deux pays. Comme le ministre français de la Justice sur LCI, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, évoque une volonté « d’humiliation » de la part d’une France qui devrait « respecter l’Algérie », comme « l’Algérie doit respecter la France ».
La question des visas profile censément l’activation prochaine d’autres leviers, le ministre français de l’Intérieur ayant appelé à « évaluer tous les moyens qui sont à […] disposition vis-à-vis de l’Algérie » pour « défendre » les « intérêts » de la France.
Source : Jeune Afrique – 13/01/2025 https://www.jeuneafrique.com/1647588/politique/dans-la-guerre-des-nerfs-franco-algerienne-darmanin-lance-la-bataille-des-visas/