Conférence-débat « Le Pen, la torture dans la République » – Nils Andersson et Fabrice Riceputi – 06/02/2025, 18h, Maltais Rouge, Paris

Nils Andersson, un résistant à la guerre d’Algérie en conférence à Paris – Maltais Rouge, 40, rue de Malte, 75 011, métro République – https://lemaltaisrouge.com

Le 6 février 2025 se tiendra au Maltais Rouge à Paris une conférence débat intitulée « Le Pen, la torture dans la République », avec Nils Andersson et l’historien Fabrice Riceputi. Nous revenons ici sur le rôle majeur que Nils Andersson joua dans la résistance française à la guerre coloniale d’Algérie, particulièrement comme éditeur en Suisse de livres interdits en France.

C’est en 1960, par un livre intitulé La Pacification, que furent connues hors d’Algérie les toutes premières accusations de torture portées contre le député-parachutiste Jean-Marie Le Pen. L’éditeur de cette copieuse chronique de certains des crimes commis par la France durant les six premières années de la guerre était franco-suédois et résidait à Lausanne : Nils Andersson.

Alors que sévissait en France une censure féroce et que se multipliaient saisies judiciaires et condamnations pour « atteinte au moral de l’armée » ou « incitation à la désobéissance » à l’encontre des éditeurs, Nils Andersson permit à nombre des livres interdits dans l’Hexagone d’y circuler sous le manteau et d’y être lus. Cette « résistance éditoriale » à la guerre coloniale française par un intellectuel militant se qualifiant de « dreyfusard-bolchevik », résultait d’une entente avec les éditions de Minuit, fondées en 1942 dans la clandestinité par des résistants comme Vercors et dirigées depuis 1948 par Jérôme Lindon.

En 1958, Minuit publie La Question d’Henri Alleg, terrible témoignage d’une victime de la torture par l’armée française à Alger en 1957 qui deviendra un classique de la littérature française. Avant que le pouvoir n’ait le temps de le saisir, 65 000 exemplaires sont écoulés en 14 jours. A la demande de Jérôme Lindon, Nils Andersson, qui diffuse déjà des publications françaises en Suisse, prend le relais depuis Lausanne et le publie à son tour, fondant La Cité-Editeur. Il accompagne La Question d’ « Une victoire », texte puissant de Jean-Paul Sartre, dans lequel ce dernier se livre à une violente charge contre le gouvernement français et ses parachutistes, « seigneurs de la guerre aux terrifiants caprices ». Une grande quantité d’exemplaires est diffusée.

« C’est l’acte fondateur d’une maison d’édition dont le catalogue, riche de seulement 35 titres, aura un rayonnement international et un impact important sur l’histoire politique et intellectuelle », comme l’écrit Pascal Cottin. L’année suivante, c’est La Gangrène, publiée par Minuit, qui est saisi. Ce livre documente et dénonce également la torture désormais pratiquée dans l’Hexagone, par la police, ici dans les locaux de la DST, rue des Saussaies à Paris, en décembre 1958. La Cité le publie à Lausanne et en écoule beaucoup. Citons encore un autre livre important, quoique moins connu et jamais réédité. En 1959 toujours, Nils Andersson a édité Les Disparus. Le cahier vert : 175 témoignages de « disparitions » d’Algériens entre les mains de l’armée françaises receuillis par trois avocats à Alger en quelques jours, avant leur expulsion d’Algérie. Dans une postface, l’historien Pierre Vidal-Naquet analyse le système de terreur dont ont été victimes ces morts sous la torture ou par exécutions extra-judiciaires. Puis est publiée La Pacification, sous le nom d’Hafid Keramane. Ce dernier ouvrage est utilisé en 1960 comme colis piégé contre trois anticolonialistes belges. L’un d’entre eux, Georges Laperche, trouve la mort en ouvrant le paquet du livre qui lui était adressé.

« Entre 1958 et 1962, les bureaux de La Cité voient passer des militants de la lutte anticoloniale, des membres des réseaux Jeanson ou Curiel – ces fameux « porteurs de valise » qui collectent et transportent fonds et faux papiers pour les agents du Front de libération national – et bon nombre d’Algériens présents en Suisse, mais aussi l’éditeur et écrivain français François Maspero ». En 1961, Nils Anersson est arrêté à Lyon en compagnie de Robert Davezies, membre actif des réseaux d’aide au FLN. La même années, les locaux de La Cité sont plastiqués par l’OAS. Trop subversif pour les autorités helvétiques, Nils Andersson sera expulsé de Suisse en 1967.

L’ancien éditeur de La Cité a raconté la suite dans ses passionnantes Mémoires éclatées (Éd. d’en bas, 544 p. , 2017). Il tient un blog ici et un autre sur Mediapart.

L’ Appel du 4 mars 2024

Indiquons enfin qu’en mars 2024, Nils Andersson a été à l’initiative d’un appel solennel aux plus hautes autorités de la République présenté lors d’une conférence de presse au siège de la Ligue des droits de l’Homme, qui a été signé par 25 associations et de nombreuses personnalités : « Pour la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat dans le recours à la torture durant la guerre d’Algérie ».

Le quotidien Le Monde a publié quelques mois plus tard, le 1er novembre 2024, une tribune collective signée de plus de 80 personnalités qui rendaient public leur soutien à cet « Appel du 4 mars ». Ils ont dit leur insatisfaction à la suite de la déclaration publiée par le président de la République, Emmanuel Macron, lors de sa visite, en septembre 2018, à Josette Audin, la veuve du jeune mathématicien Maurice Audin assassiné par les militaires français à Alger en juin 1957. Ils estiment que la reconnaissance par l’Elysée de cet assassinat et de la pratique de la torture institutionnalisée comme système par l’armée française à ce moment n’est pas suffisante. Car elle a été rendue possible par des dysfonctionnements de l’Etat et de ses institutions, militaires, administratives et judiciaires. Il n’est toujours pas répondu à la question : comment, quelques années après la défaite du nazisme, a-t-il été possible que soit conceptualisée, enseignée dans les écoles militaires, pratiquée et couverte par les autorités de la République, une théorie qui l’impliquait, celle de la « guerre contre-révolutionnaire », avec l’aval ou le silence de l’Etat, de l’armée et de la justice ? Dans l’armée, ceux qui ont pratiqué la torture ont été promus et décorés, ceux qui l’ont dénoncée ont été condamnés, à l’exemple du général de Bollardière, et des mesures disciplinaires ont été prises à l’encontre de ceux qui ont alerté leur hiérarchie et dont les protestations n’ont pas été entendues. Paul Teitgen a démissionné de son poste de secrétaire général de la préfecture d’Alger, Robert Delavignette de celui de gouverneur général de la France d’outre-mer, Maurice Garçon de la Commission de sauvegarde des droits et libertés individuels qui ne remplissait pas son rôle, et Daniel Mayer de son poste de député.

Signataire de l’« Appel du 4 mars », l’avocat Henri Leclerc, mort le 31 août 2024, a mis en garde : « L’Etat n’est ni fasciste ni raciste, mais il y a une faiblesse dans son contrôle qui permet le pire. » Sans un retour sur cette page sombre de l’histoire de la République française, rien ne la préserve de retomber dans les mêmes dérives. Il ne s’agit pas de repentance, mais d’un acte de réaffirmation et de confiance dans les valeurs dont se réclame notre nation. C’est cette claire reconnaissance au plus haut niveau de l’Etat et ce travail de recherches historiques et de réflexion juridique que demandent les citoyens et citoyennes signataires de l’« Appel du 4 mars » dont la liste complète des signataires est à retrouver ici. A ce jour, ils n’ont pas reçu de réponse.

De toute cela, il sera question le 6 février 2025 à 18 h au Maltais Rouge (40, rue de Malte, 75 011, métro République), lors d’une conférence débat avec Nils Andersson et Fabrice Riceputi intitulée « Le Pen, la torture dans la République ».

Source : Mediapart – 01/02/2025 https://blogs.mediapart.fr/histoire-coloniale-et-postcoloniale/blog/010225/nils-andersson-un-resistant-la-guerre-dalgerie-en-conference-paris

Ignoble agression d’un militant du collectif 17 octobre de Grenoble – publié le 28 mars 2023

Ignoble agression antisémite et anti-communiste d’un militant du collectif 17 octobre de Grenoble (Communiqueì collectif 17 octobre) : Dernier ‘fruit’ de la montée des idéologies d’extrême-droite, comme une suite aux ratonades de Bordeaux, chasse au faciès, chasse aux migrants, violences racistes à Lyon, Aix, en Bretagne, en Alsace et ailleurs, aux tentatives de réhabilitation de l’OAS et de ses tueurs par la mairie FN/RN de Perpignan !

Tentatives de réhabilitation de l’OAS (Libération du 20 mars) – publié le 23 mars 2023

Tribune relative à la tentative de réhabilitation de l’OAS à travers la figure de Pierre Sergent

Ce dimanche 19 mars 2023, nous commémorons le 61e anniversaire de l’acte fondamental posé par la signature des Accords d’Évian négociés entre le GPRA et le gouvernement français : l’entrée en vigueur d’un cessez-le feu officiel entre les belligérants qui annonce la fin de la guerre d’Algérie et ouvre la voie à l’Indépendance.

 Nostalgique de l’Algérie française, Louis Aliot, maire RN de Perpignan, marque cette date en inaugurant une exposition intitulée « 19 mars 1962 : l’illusion de la paix en Algérie ». Et ceci, quelques mois après avoir décidé d’honorer Pierre Sergent en donnant le nom de celui-ci à un espace de Perpignan. Or, s’il fut un élu de la ville, Pierre Sergent fut surtout une figure majeure de l’OAS (« Organisation de l’Armée Secrète »), groupe terroriste d’extrême-droite qui tenta par la violence de maintenir la tutelle coloniale de la France sur l’Algérie.

L’objectif principal que s’était assigné l’OAS se solda par un échec puisqu’en 1962 s’achèvent 132 ans de colonisation française en Algérie. Cette sortie du colonialisme est une victoire pour les nationalistes algériens et leurs alliés. Le 5 juillet 1962, jour de la proclamation de l’indépendance, les drapeaux et les youyous dans les rues d’Algérie sont bien plus que des explosions de joie : ils sont un acte de souveraineté et de dignité.

Chez une partie des centaines de milliers d’appelés embarqués dans une guerre qui les dépassait, 1962 est une source de rancœur et un carburant au racisme. Mais elle constitue pour la majorité d’entre eux une libération et la promesse d’un retour prochain au pays, retour obscurci par le souvenir amer des violences infligées et parfois subies. Ce sont ces appelés qui, mobilisés dans les associations d’anciens combattants, sont à l’origine de l’inscription de ce 19 mars dans notre calendrier commémoratif national.

Pour d’autres acteurs de ce conflit, le 19 mars 1962 annonce des bouleversements d’un autre ordre. En 1962, le feu ne cesse pas. Au contraire, la violence se déchaine : contre des harkis pris pour cible par des nationalistes algériens, au sein du camp nationaliste entre les militaires de l’ALN et les militants du FLN, mais également contre les milliers de victimes frappées par la fureur des ultras de l’Algérie française, notamment regroupés au sein de l’OAS.

Créée en 1961 dans la clandestinité, l’OAS lance ses membres dans une course à l’abime afin d’empêcher l’indépendance. L’organisation terroriste multiplie les attentats au point que, le 15 mai 1962 à Alger, on compte un attentat toutes les dix minutes. Les attentats sont aveugles ou ciblent des militants indépendantistes, des policiers, des officiers gaullistes, des chrétiens de gauche, des communistes, des socialistes, des barbouzes envoyés par le gouvernement ou encore des soldats du contingent. Les bombardements au mortier des quartiers algériens se multiplient et des voitures piégées y explosent régulièrement. Enfin, l’OAS développe l’almanach du meurtre en désignant successivement des catégories d’Algériens à éliminer : le jour des instituteurs, le jour des pharmaciens, le jour des fonctionnaires etc. Cette stratégie de la radicalisation et du chaos pousse nombre de Français d’Algérie à l’exil. En effet, les nombreuses exactions à l’endroit des Algériens contribuent à ce que certains d’entre eux aient des réactions violentes à l’endroit des Français d’Algérie, à l’exemple de la sanglante journée du 5 juillet 1962 à Oran. En outre, cette stratégie est elle-même composée d’exactions à l’endroit des Français d’Algérie réticents ou opposés au jusqu’auboutisme de l’OAS.

L’OAS tente également de déplacer le conflit en métropole. Pierre Sergent, officier ayant participé au « putsch des généraux », crée et dirige la branche métropolitaine de l’organisation terroriste. Avant même que cette branche ne soit formalisée, le maire d’Evian, Camille Blanc, est assassiné par l’OAS le 31 mars 1961 pour avoir accepté que sa ville serve de cadre aux pourparlers de paix. Le 7 février 1962, le ministre de la Culture, André Malraux, échappe à un attentat qui laissera néanmoins Delphine Renard défigurée. En tout, l’OAS fait 71 morts et 394 blessés sur le sol métropolitain. C’est cette activité qui conduisit à la condamnation à mort par contumace de Pierre Sergent, ultérieurement amnistié.

Cet engagement meurtrier et antirépublicain n’a pourtant pas dissuadé Louis Aliot de donner le nom de Pierre Sergent à une esplanade de sa ville.

Cet hommage rendu à un terroriste, défenseur d’un système colonial raciste et violent n’est pas une maladresse. Il rentre bien plus sûrement dans une stratégie de réhabilitation de l’OAS et de ses actes criminels comme le montrent les arguments employés le 22 septembre dernier lors de la séance du conseil municipal ayant voté cet hommage. Ce n’était en effet pas l’ancien élu (FN) de la ville de Perpignan ou de la région Languedoc-Roussillon qui était loué mais bien l’activiste à l’origine d’actes criminels.

 Que l’on ne s’y trompe pas. Au-delà du fait que cet hommage rendu à Pierre Sergent réveille des douleurs, la réhabilitation du passé colonial et des combattants de l’Algérie française est un cheval de Troie de l’idéologie d’extrême droite. Cette dernière s’attache à faire le lien entre le combat pour l’Algérie française et un combat contemporain pour la « France française ». Cette dernière est décrite comme assiégée par la présence d’une immigration post-coloniale. La diffusion de cette mentalité d’assiégés fait courir le risque d’une fracture au sein de notre société.  Elle vise à distinguer les Français selon leurs généalogies, à placer ceux d’entre eux qui se vivent comme de lointaine ascendance française dans une position de victimes et à pousser ces derniers à une mobilisation générale pour défendre leur territoire et leur identité. Dans ce contexte, la violence n’est plus une attaque mais un acte de résistance légitime.

Cette stratégie d’extrême droite – dans laquelle s’inscrit l’hommage à Pierre Sergent – arme, légitime et radicalise déjà de nombreux militants. C’est ce qu’attestent les références fréquentes à l’OAS ou à l’Algérie française au sein de groupes d’extrême-droite radicalisés, voire terroristes, qui ont émergé, tenté de frapper ou agi de façon criminelle ces dernières années.

Face à la réhabilitation de l’OAS notamment incarnée par la volonté de renommer « Esplanade Pierre Sergent » un espace de la ville de Perpignan, nous tirons la sonnette d’alarme. Réhabiliter les criminels, c’est réhabiliter leurs crimes. Et réhabiliter ces derniers, c’est créer les conditions de leur répétition.

Signataires :

Linda AMIRI,maître de conférence en Histoire contemporaine, Université de Guyane
Nils ANDERSSON, ancien éditeur
Michèle AUDIN, écrivaine
Pierre AUDIN, fils de Josette et Maurice Audin
Patrick BAUDOUIN, président de la Ligue des droits de l’Homme
Emmanuel BLANCHARD, historien, Université Versailles Saint-Quentin, Sciences Po Saint-Germain-en-Laye
Pascal BLANCHARD, historien, CRHIM/UNIL
Louri CHRETIENNE, président de « La FIDL, le syndicat lycéen »
Catherine COQUERY VIDROVITCH, professeure en Histoire de l’Afrique
Léon DEFFONTAINES, secrétaire général du Mouvement des jeunes communistes de France
Karima DIRECHE, historienne, directrice de recherche CNRS
Kaltoum GACHI, co-rpésidente du MRAP
Jean-François GAVOURY, président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS
Camille HACHEZ et Clovis DAGUERRE, secrétaires fédéraux des Jeunes écologistes Samuel HAYAT, politiste
Samuel LEJOYEUX, président de l’UEJF
Gilles MANCERON, historien
Georges MORIN, enseignant universitaire, président de Coup de soleil
Paul Max MORIN, politiste
Imane OUELHADJ, présidente de l’UNEF
Jean-Philippe OULD AOUDIA, président de l’association « Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons »
Denis PESCHANSKI, historien
Jacques PRADEL, président de l’Association nationale des pieds noirs progressistes et leurs amis
Tramor QUEMENEUR, historien, chargé de cours aux universités de Paris 8 et de Cergy
Emma RAFOWICZ, secrétaire nationale des Jeunes Socialistes
Alain RUSCIO, historien
Nina SERON et Julian CALFUQUIR, référents nationaux du Réseau de jeunes du Parti de gauche
Eric SIRVIN et François-Xavier RICARD, président et membre du CA des Anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre
Isabelle SOMMIER, professeure de sociologie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Dominique SOPO, président de SOS Racisme
Benjamin STORA, historien
Sylvie THENAULT, historienne, directrice de recherche au CNRS