La guerre d’Algérie a commencé à Sétif – Mohammed Harbi

Le 8 mai 1945, tandis que la France fêtait la victoire, son armée massacrait des milliers d’Algériens à Sétif et à Guelma. Ce traumatisme radicalisera irréversiblement le mouvement national. Cet article désormais « classique » de Mohammed Harbi, acteur, témoin et historien du mouvement indépendantiste algérien, a été publié dans Le Monde diplomatique de mai 2005 et dans histoirecoloniale.net en 2008.

Désignés par euphémisme sous l’appellation d’« événements » ou de « troubles du Nord constantinois », les massacres du 8 mai 1945 dans les régions de Sétif et de Guelma sont considérés rétrospectivement comme le début de la guerre algérienne d’indépendance. Cet épisode appartient aux lignes de clivage liées à la conquête coloniale.

La vie politique de l’Algérie, plus distincte de celle de la France au fur et à mesure que s’affirme un mouvement national, a été dominée par les déchirements résultant de cette situation. Chaque fois que Paris s’est trouvé engagé dans une guerre, en 1871, en 1914 et en 1940, l’espoir de mettre à profit la conjoncture pour réformer le système colonial ou libérer l’Algérie s’est emparé des militants. Si, en 1871 en Kabylie et dans l’Est algérien et en 1916 dans les Aurès, l’insurrection était au programme, il n’en allait pas de même en mai 1945. Cette idée a sans doute agité les esprits, mais aucune preuve n’a pu en être avancée, malgré certaines allégations.

La défaite de la France en juin 1940 a modifié les données du conflit entre la colonisation et les nationalistes algériens. Le monde colonial, qui s’était senti menacé par le Front populaire – lequel avait pourtant, sous sa pression, renoncé à ses projets sur l’Algérie –, accueille avec enthousiasme le pétainisme, et avec lui le sort fait aux juifs, aux francs-maçons et aux communistes.

Avec le débarquement américain, le climat se modifie. Les nationalistes prennent au mot l’idéologie anticolonialiste de la Charte de l’Atlantique (12 août 1942) et s’efforcent de dépasser leurs divergences. Le courant assimilationniste se désagrège. Aux partisans d’un soutien inconditionnel à l’effort de guerre allié, rassemblés autour du Parti communiste algérien et des « Amis de la démocratie », s’opposent tous ceux qui, tel le chef charismatique du Parti du peuple algérien (PPA), Messali Hadj, ne sont pas prêts à sacrifier les intérêts de l’Algérie colonisée sur l’autel de la lutte antifasciste.

Vient se joindre à eux un des représentants les plus prestigieux de la scène politique : Ferhat Abbas. L’homme qui, en 1936, considérait la patrie algérienne comme un mythe se prononce pour « une République autonome fédérée à une République française rénovée, anticoloniale et anti-impérialiste », tout en affirmant ne rien renier de sa culture française et occidentale. Avant d’en arriver là, Ferhat Abbas avait envoyé aux autorités françaises, depuis l’accession au pouvoir de Pétain, des mémorandums qui restèrent sans réponse. En désespoir de cause, il transmet aux Américains un texte signé par 28 élus et conseillers financiers, qui devient le 10 février 1943, avec le soutien du PPA et des oulémas, le Manifeste du peuple algérien.

Alors, l’histoire s’accélère. Les gouvernants français continuent à se méprendre sur leur capacité à maîtriser l’évolution. De Gaulle n’a pas compris l’authenticité des poussées nationalistes dans les colonies. Contrairement à ce qui a été dit, son discours de Brazzaville, le 30 janvier 1944, n’annonce aucune politique d’émancipation, d’autonomie (même interne). « Cette incompréhension se manifeste au grand jour avec l’ordonnance du 7 mars 1944 qui, reprenant le projet Blum-Violette de 1936, accorde la citoyenneté française à 65 000 personnes environ et porte à deux cinquièmes la proportion des Algériens dans les assemblées locales », écrit Pierre Mendès France à André Nouschi 1. Trop peu et trop tard : ces mini réformes ne touchent ni à la domination française ni à la prépondérance des colons, et l’on reste toujours dans une logique où c’est la France qui accorde des droits…

L’ ouverture de vraies discussions avec les nationalistes s’imposait. Mais Paris ne les considère pas comme des interlocuteurs. Leur riposte à l’ordonnance du 7 mars intervient le 14 : à la suite d’échanges de vues entre Messali Hadj pour les indépendantistes du PPA, Cheikh Bachir El Ibrahimi pour les oulémas et Ferhat Abbas pour les autonomistes, l’unité des nationalistes se réalise au sein d’un nouveau mouvement, les Amis du Manifeste et de la liberté (AML). Le PPA s’y intègre en gardant son autonomie. Plus rompus aux techniques de la politique moderne et à l’instrumentalisation de l’imaginaire islamique, ses militants orientent leur action vers une délégitimation du pouvoir colonial. La jeunesse urbaine leur emboîte le pas. Partout, les signes de désobéissance se multiplient. Les antagonismes se durcissent. La colonie européenne et les juifs autochtones prennent peur et s’agitent.

Au mois de mai 1945, lors du congrès des AML, les élites plébéiennes du PPA affirmeront leur suprématie. Le programme initial convenu entre les chefs de file du nationalisme – la revendication d’un État autonome fédéré à la France – sera rangé au magasin des accessoires. La majorité optera pour un État séparé de la France et uni aux autres pays du Maghreb et proclamera Messali Hadj « leader incontesté du peuple algérien ». L’administration s’affolera et fera pression sur Ferhat Abbas pour qu’il se dissocie de ses partenaires.

Cette confrontation s’était préparée dès avril. Les dirigeants du PPA – et plus précisément les activistes, avec à leur tête le Dr Mohamed Lamine Debaghine – sont séduits par la perspective d’une insurrection, espérant que le réveil du millénarisme et l’appel au djihad favoriseront le succès de leur entreprise. Mais leur projet irréaliste avorte. Dans le camp colonial, où l’on craint de voir les Algériens rejeter les « Européens » à la mer, le complot mis au point par la haute administration, à l’instigation de Pierre-René Gazagne, haut fonctionnaire du Gouvernement général, pour décapiter les AML et le PPA prend jour après jour de la consistance.

L’ enlèvement de Messali Hadj et sa déportation à Brazzaville, le 25 avril 1945, après les incidents de Reibell, où il est assigné à résidence, préparent l’incendie. La crainte d’une intervention américaine à la faveur de démonstrations de force nationalistes hantait certains, dont l’islamologue Augustin Berque2. Exaspéré par le coup de force contre son leader, le PPA fait de la libération de Messali Hadj un objectif majeur et décide de défiler à part le 1er mai, avec ses propres mots d’ordre, ceux de la CGT et des PC français et algérien restant muets sur la question nationale. À Oran et à Alger, la police et des Européens tirent sur le cortège nationaliste. Il y a des morts, des blessés, de nombreuses arrestations, mais la mobilisation continue.

Le 8 mai, le Nord constantinois, délimité par les villes de Bougie, Sétif, Bône et Souk-Ahras et quadrillé par l’armée, s’apprête, à l’appel des AML et du PPA, à célébrer la victoire des alliés. Les consignes sont claires : rappeler à la France et à ses alliés les revendications nationalistes, et ce par des manifestations pacifiques. Aucun ordre n’avait été donné en vue d’une insurrection. On ne comprendrait pas sans cela la limitation des événements aux régions de Sétif et de Guelma. Dès lors, pourquoi les émeutes et pourquoi les massacres ?

La guerre a indéniablement suscité des espoirs dans le renversement de l’ordre colonial. L’évolution internationale les conforte. Les nationalistes, PPA en tête, cherchent à précipiter les événements. De la dénonciation de la misère et de la corruption à la défense de l’islam, tout est mis en œuvre pour mobiliser. « Le seul môle commun à toutes les couches sociales reste […] le djihad, compris comme arme de guerre civile plus que religieuse. Ce cri provoque une terreur sacrée qui se mue en énergie guerrière », écrit l’historienne Annie Rey-Goldzeiguer 3. La maturité politique n’était pas au rendez-vous chez les ruraux, qui ne suivaient que leurs impulsions.

Chez les Européens, une peur réelle succède à l’angoisse diffuse. Malgré les changements, l’égalité avec les Algériens leur reste insupportable. Il leur faut coûte que coûte écarter cette alternative. Même la pâle menace de l’ordonnance du 7 mars 1944 les effraie. Leur seule réponse, c’est l’appel à la constitution de milices et à la répression. Ils trouvent une écoute chez Pierre-René Gazagne, chez le préfet de Constantine Lestrade Carbonnel et le sous-préfet de Guelma André Achiary, qui s’assignent pour but de « crever l’abcès ».

À Sétif, la violence commence lorsque les policiers veulent se saisir du drapeau du PPA, devenu depuis le drapeau algérien, et des banderoles réclamant la libération de Messali Hadj et l’indépendance. Elle s’étend au monde rural, où l’on assiste à une levée en masse des tribus. À Guelma, les arrestations et l’action des milices déclenchent les événements, incitant à la vengeance contre les colons des environs. Les civils européens et la police se livrent à des exécutions massives et à des représailles collectives. Pour empêcher toute enquête, ils rouvrent les charniers et incinèrent les cadavres dans les fours à chaux d’Héliopolis. Quant à l’armée, son action a fait dire à un spécialiste, Jean-Charles Jauffret, que son intervention « se rapproche plus des opérations de guerre en Europe que des guerres coloniales traditionnelles » 4. Dans la région de Bougie, 15 000 femmes et enfants doivent s’agenouiller avant d’assister à une prise d’armes.

Le bilan des « événements » prête d’autant plus à contestation que le gouvernement français a mis un terme à la commission d’enquête présidée par le général Tubert et accordé l’impunité aux tueurs. Si on connaît le chiffre des victimes européennes, celui des victimes algériennes recèle bien des zones d’ombre. Les historiens algériens5 continuent légitimement à polémiquer sur leur nombre. Les données fournies par les autorités françaises n’entraînent pas l’adhésion. En attendant des recherches impartiales6, convenons avec Annie Rey-Goldzeiguer que, pour les 102 morts européens, il y eut des milliers de morts algériens.

Les conséquences du séisme sont multiples. Le compromis tant recherché entre le peuple algérien et la colonie européenne apparaît désormais comme un vœu pieux.

En France, les forces politiques issues de la Résistance se laissent investir par le parti colonial. « Je vous ai donné la paix pour dix ans ; si la France ne fait rien, tout recommencera en pire et probablement de façon irrémédiable », avait averti le général Duval, maître d’œuvre de la répression. Le PCF – qui a qualifié les chefs nationalistes de « provocateurs à gages hitlériens » et demandé que « les meneurs soient passés par les armes » – sera, malgré son revirement ultérieur et sa lutte pour l’amnistie, considéré comme favorable à la colonisation. En Algérie, après la dissolution des AML le 14 mai, les autonomistes et les oulémas accusent le PPA d’avoir joué les apprentis sorciers et mettent fin à l’union du camp nationaliste. Les activistes du PPA imposent à leurs dirigeants la création d’une organisation paramilitaire à l’échelle nationale. Le 1er novembre 1954, on les retrouvera à la tête d’un Front de libération nationale. La guerre d’Algérie a bel et bien commencé à Sétif le 8 mai 1945.

  1. André Nouschi, « Notes de lecture sur la guerre d’Algérie », dans Relations internationales, n° 114, 2003.
  2. C’est le père du grand islamologue Jacques Berque.
  3. Annie Rey-Godzeiguer (1990), Aux origines de la guerre d’Algérie 1940-1945. De Mers El Kébir aux massacres du Nord constantinois, La Découverte, Paris, 2002.
  4. Jean-Charles Jauffret (1990), La Guerre d’Algérie par les documents. Tome I, L’Avertissement (1943-1946), Services historiques de l’armée de terre (SHAT), Paris.
  5. Redouane Ainad Tabet, Le 8 mai 1945 en Algérie, OPU, Alger, 1987, et Boucif Mekhaled, Chronique d’un massacre. 8 mai 1945, Sétif, Guelma, Kherrata, Syros, Paris, 1995.
  6. On en a eu un avant-goût dans les travaux en cours de Jean-Pierre Peyrouloux. Voir à ce propos « Rétablir et maintenir l’ordre colonial », Mohammed Harbi et Benjamin Stora, op. cit.

Source : Histoire coloniale et postcoloniale – Édition du 1er au 15 mai 2025 https://histoirecoloniale.net/la-guerre-dalgerie-a-commence-a-setif-par-mohamed-harbi/

Frantz Fanon, un psychiatre en terres coloniales – France Culture – 28/04/2025

La pensée de Frantz Fanon est souvent réduite à sa charge politique. Ses écrits psychiatriques, moins connus, expriment pourtant déjà son caractère révolutionnaire, alors qu’il appelait à une refonte complète de l’ethnopsychiatrie de l’époque, préalable nécessaire à la décolonisation des cerveaux.

Avec

Jean Khalfa, fellow du Trinity College, de Cambridge, où il enseigne l’histoire de la pensée française et Senior Research Fellow de la British Academy pour le programme de recherche sur Fanon dont il s’est occupé

Aimé Charles-Nicolas, professeur de psychiatrie

Podcast : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avec-philosophie/un-psychiatre-en-terres-damnees-3724087

Au-delà de la violence physique, la colonisation produit son lot de violences psychiques. Une violence qui pervertit les rapports humains et s’immisce jusque dans le suivi thérapeutique, comme a pu l’observer Frantz Fanon avec son regard de psychiatre. Tout juste arrivé en métropole de sa Martinique natale, il découvre avec douleur le poids du racisme, qu’il diagnostique très tôt au cœur du système médical et psychiatrique français. Un diagnostic qui appelle, dès lors, à une nouvelle thérapeutique, révolutionnaire.

La découverte de la folie raciste

« Fanon découvre non seulement qu’il est différent, mais qu’il est foncièrement différent, visiblement différent, et qu’il est différent surtout par son infériorité, parce que le regard raciste infériorise« , explique d’emblée Aimé Charles-Nicolas, lui-même psychiatre. Arrivé en métropole après l’obtention de son baccalauréat en Martinique, il s’inscrit en faculté de médecine à Lyon, et s’oriente dès sa quatrième année, vers la psychiatrie : « ce qui l’intéressait, c’était l’homme. Et plus que l’homme, c’était l’humain« , ajoute Aimé Charles-Nicolas.

Marqué par le racisme institutionnel de l’époque, et fort de ses intuitions, il publie alors en février 1952 l’article « Le syndrome Nord-Africain”, qui, loin de se rapporter à une maladie spécifiquement nord-africaine comme semble le suggérer le titre, se présente comme un pamphlet contre l’attitude raciste et rejetante du corps médical français devant les patients nord-africains, globalement appréhendés comme des malades menteurs. « C’était même pas la peine qu’il parle, on savait qu’il aurait mal partout, et on savait que c’était un malade imaginaire« , insiste Aimé Charles-Nicolas. Faute à une ethnopsychiatrie raciste et coloniale à l’époque, héritière des thèses primitivistes les plus réductrices, qui nient les spécificités culturelles du patient et les conséquences du système colonial sur les relations intersubjectives.

Pour Jean Khalfa, historien de la philosophie spécialiste de Frantz Fanon, il faut remonter à sa thèse de 1951 sur la maladie Friedrich pour comprendre les intuitions de Fanon : « Ce qu’il montre dans cette thèse, c’est qu’il y a aussi une sociogenèse de la maladie mentale« . Au-delà du développement de l’individu lui-même, on ne peut pas considérer la maladie mentale « indépendamment de son environnement et d’un système complexe qui amplifie la maladie dans telle ou telle direction« , ajoute par ailleurs l’historien de la philosophie. Une analyse fondamentale, et précieuse, qui donnera au psychiatre les outils nécessaires à sa critique de l’ethnopsychiatrie raciste et coloniale de l’époque.

Un psychiatre révolutionnaire

L’expérience au centre de Blida-Joinville en 1953 en Algérie marque un tournant pour Fanon. Alors qu’il prend ses fonctions au poste de médecin-chef de l’hôpital, le jeune psychiatre a une obsession : comment guérir le colonisé de son aliénation, lui permettre de devenir libre ? Dès son arrivée, Frantz Fanon met en place les techniques apprises auprès de François Tosquelles, psychiatre catalan en exil à Lyon où il effectuera un premier stage avant son expérience en Algérie, l’inventeur de la psychologie institutionnelle : « Il y a un univers qui est reconstruit au sein de l’hôpital, et petit à petit, les malades regagnent une certaine autonomie que la maladie mentale leur avait ôtée, et que les asiles psychiatriques classiques n’avaient fait que nier, renforçant en fait la maladie », explique Jean Khalfa.

Arrivé à Blida, Fanon observe un hôpital psychiatrique clos, où les patients sont enchainés, et les populations indigènes et européennes séparées. Une ségrégation instituée par le fondateur de l’hôpital, Antoine Porrot, fervent défenseur des thèses primitivistes. « Fanon arrivant à Blida se retrouve dans ce milieu-là, radicalement différent de celui de l’hôpital de Saint-Alban et commence tout de suite à appliquer toutes les méthodes de psychothérapie institutionnelle qu’il avait apprises, et qui fonctionnent », prolonge Jean Khalfa. Le psychiatre observe toutefois que les techniques de la thérapie institutionnelle fonctionnent davantage sur les patients européens que les patients indigènes. La vérité était-elle donc dans les écrits de Porrot ? Pour Fanon, c’est surtout parce que ces thérapies étaient centrées sur un cadre culturel européen que la psychologie institutionnelle ne pouvait fonctionner totalement. « Ils commencent alors à développer des psychothérapies institutionnelles ou de la social-thérapie en utilisant, disons, des structures qui sont propres aux sociétés locales« , ajoute l’historien de la philosophie.

Une approche révolutionnaire de la maladie mentale en milieu colonisé, qui fera grand bruit, et qui peu à peu prend des dimensions politiques. Comment en effet, si l’insistance est mise sur l’environnement dans le suivi thérapeutique, nier l’importance d’un contexte colonial d’oppression, de domination et de violence ? En pleine guerre d’Algérie, limité dans le champ de sa pratique, le jeune psychiatre décide alors de démissionner dans une lettre remise au ministre résident de l’époque en décembre 1956.

Pour en parler

Jean Khalfa, professeur au Trinity College de Cambridge, spécialiste en histoire de la philosophie, en littérature moderne, en esthétique et en anthropologie.

Introduction et présentation avec Robert JC Young des Écrits sur l’aliénation et la liberté de Fanon (La Découverte, 2015).

Poetics of the Antilles. Poetry, History and Philosophy in the Writings of PerseCésaire, Fanon and Glissant (Peter Lang, 2016).

À paraître : Wifredo Lam, Collection Livres d’artistes, Ouvrage conçu et établi sous la direction de Jean Khalfa. Contributions de Isabelle Chol, Charlène Clonts, Dorota Dolega-Ritter, Carlos Fonseca, Édouard Glissant, Jean Khalfa (Editions Jean-Michel Place).

Aimé Charles-Nicolas, professeur émérite de médecine, psychologie médicale et de psychiatrie à la Faculté de Médecine des Antilles-Guyane.

L’esclavage, quel impact sur la psychologie des populations ? avec Benjamin Bowser (Idem, 2018).

Références sonores

Archive d’une intervention de Frantz Fanon au Congrès des Écrivains et Artistes Noirs : « Racisme et Culture » en 1956.

Extraits du film « Fanon » réalisé par Jean-Claude Barny, sortie en France le 2 avril 2025.

Lecture par Riyad Cairat de la lettre de démission de Frantz Fanon remise au ministre résident, Gouverneur d’Algérie, Robert Lacoste en décembre 1956.

Source : France Culture – Avec philosophie – Série « Cent ans de Frantz Fanon : panser les plaies coloniales » – 28/04/2025

« L’ Autre 8 mai 45 » – Regarder le passé en face pour construire un avenir commun ! Danielle Simonnet

Avec le groupe de parlementaires NFP, nous souhaitons que la commémoration de ces massacres soit inscrite dans le protocole des cérémonies officielles de célébration de la victoire du 8 mai 1945 contre le nazisme. Nous voulons l’ouverture totale des archives, la création d’un lieu de mémoire national permettant d’honorer les victimes de ces crimes d’État et la création d’un musée national de l’histoire du colonialisme. Danielle Simonnet, députée du groupe écologiste et social.

Au printemps 2015, M’hamed Kaki, président de l’association « Les Oranges » et Olivier le Cour Grandmaison, politologue, me sollicitent pour me demander de relayer leur combat au sein du conseil de Paris : la reconnaissance des crimes d’État de l’autre 8 mai 45. Alors que le peuple Français fêtait l’armistice, la paix retrouvée et la victoire sur le nazisme, ce même 8 mai 1945, commençaient en Algérie, à Sétif, Guelma et Kherrata, des répressions sanglantes de manifestations nationalistes, indépendantistes et anti-colonialistes. En avril 2015, mon vœu demandant la reconnaissance de ces crimes d’Etat a été adopté à l’unanimité.

Dix ans plus tard, et 80 ans après ces massacres, l’État français ne les a toujours pas reconnus. Dorénavant députée, cette fois-ci c’est moi qui ait pris l’initiative de recontacter M’hamed Kaki et Olivier le Cour Grandmaison. J’ai constitué un groupe de travail entre député.es du Nouveau Front Populaire, avec notamment Sabrina Sebahi du groupe écologiste et social, Elsa Faucillon du groupe communiste et Fatiha Keloua-Hachi du groupe socialiste. Au travers d’auditions d’historiens, des descendants des victimes, d’un colloque à l’Assemblée Nationale, d’un déplacement programmé en Algérie aux commémorations du 8 mai, nous entendons interpeller le Président Emmanuel Macron et le gouvernement, et forcer le Parlement à légiférer pour que ces crimes d’État soient enfin reconnus.

Ce travail mémoriel est d’autant plus important que ces faits restent ignorés du plus grand nombre. En 2015, c’est M’hamed Kaki et Olivier Le Cour Grandmaison qui m’enseignent ces tragiques évènements de 1945. Je participais déjà depuis plusieurs années aux mobilisations pour la reconnaissance des massacres du 17 octobre 61 et ceux de Charonne du 8 février 1962. C’est d’ailleurs plus dans le cadre de mes engagements politiques que je me suis formée à ces sujets. Est-ce qu’on ne me les avait pas enseignés dans ma scolarité ou bien est-ce mes engagements qui m’ont permis d’en prendre pleinement conscience ? Le fait est que depuis 2015, hors réseaux militants, aujourd’hui encore, je croise peu de personnes qui ont eu connaissance de ces crimes coloniaux.

Alors que j’écris cette note, les réseaux sociaux et médias s’enflamment contre les propos de l’éditorialiste Jean Michel Apathie sur RTL qui a déclaré mardi 25 février “Nous avons fait des centaines d’Oradour-sur-glane en Algérie”. Voilà le journaliste harcelé par l’extrême-droite mais aussi par la droite, suspendu de RTL 1 semaine et l’Arcom est même saisie ! Pour l’historien de référence sur l’Algérie, Benjamin Stora, «Jean-Michel Aphatie a levé le voile sur une vérité historique méconnue du grand public ». Selon lui « La suspension de Jean-Michel Aphatie est une nouvelle tentative de restreindre le champ de la critique historiographique ». 

Il est nécessaire de rappeler que la responsabilité des autorités françaises dans la déportation des juifs pendant la seconde guerre mondiale n’a commencé à être reconnue qu’en 1992, avec la première présence d’un président, François Mitterrand, à la commémoration de la rafle du Vel d’hiv. Une journée nationale sera instaurée l’année d’après, et Jacques Chirac reconnaîtra officiellement cette responsabilité au travers de son discours de juillet 1995, ouvrant la porte au devoir de mémoire. Le Parlement quant à lui ne se prononcera que 5 ans plus tard, dans la loi du 10 juillet 2000, pour reconnaître cette responsabilité au travers de l’instauration d’une « Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux « Justes » de France ». Il aura fallu 50 ans avant que la culpabilité de la France ne soit officiellement reconnue.

Combien de temps faudra-t-il attendre pour que les crimes coloniaux commis par l’État français le soient ? Ils restent toujours un sujet tabou. Pire, ils sont l’objet d’un déni politique. En 2015, le FN menait une bataille culturelle réactionnaire, en nostalgie de l’Algérie française et des criminels de l’OAS, en débaptisant comme à Béziers la « rue du 19 mars 1962 », date du cessez-le-feu de la guerre d’Algérie. Dix ans plus tard, la bataille idéologique semble avoir tant régressé. En 2022, le doyen RN à l’assemblée nationale s’est cru autorisé, dans son discours inaugural, à évoquer sa nostalgie de l’Algérie française, et que ce n’était pas à lui de juger si l’OAS avait commis des crimes. La banalisation de la parole raciste est étroitement liée à ce refus de condamner les crimes coloniaux. Il est d’autant plus important de les faire connaître et d’assumer enfin politiquement de les caractériser comme crimes d’État. 

Il faut rappeler les faits. Dans la rue principale de Sétif en Algérie, de nombreux Algériens s’étaient rassemblés pacifiquement pour fêter l’armistice mais aussi exiger la libération du dirigeant nationaliste du Parti du peuple algérien (PPA) Messali Hadj, et défendre « l’Algérie libre », pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et pour l’indépendance. Un jeune scout, Bouzid Saâl, arbore alors le drapeau du PPA, futur drapeau algérien, interdit par les autorités coloniales. Après avoir refusé de baisser le drapeau, il sera assassiné par la police française en marge de la manifestation. L’information se diffuse alors rapidement dans la région de Sétif et donne lieu à de violentes émeutes qui feront 102 victimes issues de la population dite « européenne ». Pendant plusieurs semaines, l’armée française comme à Sétif et des milices coloniales comme à Guelma, composées de civils d’origine européenne et couverts et même soutenues par le sous-préfet, ont fait régner la terreur au nom du rétablissement de l’ordre colonial et pour défendre l’Algérie française. Si le nombre des victimes algériennes est difficile à établir et encore sujet à débat, le gouvernement algérien avance le nombre de 45 000 morts, et la très grande majorité des historiens français attestent d’un bilan de dizaines de milliers de victimes arrêtées, torturées et exécutées dans une terrible répression qui dura jusqu’à fin juin. A Guelma, la “chasse aux musulmans”, organisée par les milices, a conduit à nombre d’exécutions dont les corps ont été brûlés dans des fours à la chaux.

Après la publication du rapport de l’historien Benjamin Stora de janvier 2021, le président Emmanuel Macron s’était engagé à soutenir des initiatives mémorielles communes entre la France et l’Algérie. La France a ainsi soutenu la création d’une commission mixte d’historiens français et algériens proposée par le gouvernement algérien. Cette commission a pu se réunir cinq fois et portait le projet de publier une chronologie de tous les massacres. Mais dans les faits, le travail mémoriel n’a quasi pas commencé du point de vue de l’État français et tout s’est arrêté. Avec la question du Sahara occidental, des accords migratoires, avec l’affaire des influenceurs algériens et de l’arrestation de Boualem Sansal, on assiste à une escalade des tensions sans précédent. Ceux qui étaient si silencieux lorsque tant d’Algériens engagés dans le Hirak subissaient la répression du pouvoir, sont prêts à remettre en cause tous les accords et coopérations liant la France et l’Algérie ! L’aile la plus réactionnaire de l’entourage de Macron est bien décidée à tendre au maximum. Cette escalade semble bien plus attisée par un agenda électoral dicté par l’extrême droite que visant à servir les intérêts de la France. Il ne s’agit pas de nier la place et l’instrumentalisation de la question mémorielle dans le récit national du pouvoir algérien. Mais s’y refuser au nom du rejet d’une « repentance » ne sert qu’à décrédibiliser celles et ceux qui veulent reconnaître les faits et la responsabilité de la République. 

Le travail mémoriel ne doit pas s’arrêter. Cette page de l’histoire est à la fois française et algérienne.  La reconnaître contribuerait à consolider la fraternité entre le peuple Algérien et le peuple Français, et entre français. Nous sommes toutes et tous d’histoires mêlées, de la grande Histoire à nos histoires familiales, et sociales en sens large. Les blessures sont toujours profondes. Le témoignage lors de notre colloque à l’assemblée de la famille Abda illustre la douleur partagée par tant de descendants des victimes des crimes coloniaux. Le silence du présent ajoutant tant d’humiliation à l’indignité et l’injustice des exécutions du passé. Le racisme et les discriminations ont été, et sont, la matrice du colonialisme et de son rapport de domination. Personne ne peut ignorer qu’aujourd’hui encore, les héritiers des migrations liées aux anciennes colonies sont les premières victimes du racisme et des discriminations.  Reconnaître ce massacre commis par l’État français permettra à tous nos concitoyens, notamment ceux issus de l’immigration algérienne, de se construire toujours plus fraternellement dans l’avenir commun de la communauté légale républicaine, où toutes les mémoires doivent être respectées. La bataille antiraciste doit se nourrir du devoir mémoriel. Nous devons regarder notre passé en face pour construire un futur commun !

Source : Mediapart – Billet de blog – 25/04/2025 https://blogs.mediapart.fr/pour-la-reconnaissance-des-massacres-du-8-mai-45-en-algerie/blog/250425/regarder-le-passe-en-face-pour-construire-un-avenir

Le débarquement allié en Algérie : les prémisses des massacres du 8 mai 1945 – Aïssa Kadri

Le débarquement allié en Algérie en novembre 1942 a été porteur d’espoir. Une partie des élites algériennes prennent à la lettre les présupposés du combat antifasciste pour les libertés et ont pensé que le système colonial pouvait s’amender et donner suite à leurs droits d’autodétermination. Elles se sont vite heurtées à l’irrédentisme colonial porté par les grands propriétaires. Par Aïssa Kadri , sociologue.

Le débarquement allié en Algérie : les prémisses des massacres du 8 mai 1945 [1]

L’ opération Torch a été un moment important, tout à la fois dans la guerre contre le nazisme et le fascisme, mais aussi dans ce qui se configure comme rapports de force, dans les années 1940 en situation coloniale, entre les différentes parties de la population en Algérie française. De même pour ce qu’il va se passer au cours de la double décennie 1945-1965. Dans ce contexte, le débarquement allié de novembre 1942, peut être analysé à l’intérieur de cet espace-temps comme un déclencheur d’évènements, de logiques et de processus qui vont, sinon accélérer les choses, du moins les libérer et les faire passer à un niveau qualitatif supérieur. Pour l’Algérie, cela annonce les évènements de 1945 et explique pour partie le déclenchement de la guerre de libération le 1er novembre 1954.

Afin d’éclairer la manière dont s’est reconfiguré, suite à l’irruption des forces alliées, le rapport de force politique local, qui a débouché sur les massacres du 8 mai, il est important de prendre en compte les populations locales communément désignées comme « indigènes musulmans », alors sujets français et pas encore citoyens. Il est essentiel d’évaluer, notamment à travers les organisations politiques et sociales sensées les représenter ou exprimer leurs doléances, les effets du débarquement allié de novembre 1942 sur leur vécu et leur engagement.

Contexte sociopolitique

En Algérie, la révolution nationale vichyste a exclu par décret du 7 octobre 1940 les Juifs de la citoyenneté française. L’antisémitisme fortement développé en métropole est redoublé dans la colonie où certains Européens n’avaient jamais accepté le décret Crémieux de 1870 faisant des juifs indigènes d’Algérie, des citoyens français. Le développement d’un antisémitisme d’État se fait d’autant plus ouvert et plus radical, qu’il est soutenu par des populations européennes nourries par l’idéologie de l’inégalité des races. L’épuration des populations juives se fait à tous les niveaux de la vie économique, sociale et politique.

Dans le même temps, les nationalistes musulmans sont pourchassés et réprimés. Messali Hadj, le leader du parti nationaliste indépendantiste, le Parti du Peuple Algérien (PPA), est déféré devant le tribunal militaire en 1941. Les autres composantes sont muselées. Le mouvement des Oulémas est réduit au silence ; leur chef Bachir El Ibrahimi qui avait succédé à Ben Badis décédé en 1940, proche du Front Populaire et des Juifs, est assigné à résidence en 1940 à Aflou .[2] Ferhat Abbas, conseiller municipal en 1941, adresse une lettre au maréchal Pétain pour demander plus d’égalité entre les parties prenantes de la société coloniale. Il n’est pas entendu. Quant à l’influence du Parti Communiste Algérien (PCA) elle est alors réduite.

Dans ce contexte, le débarquement allié va déboucher sur de profonds remaniements et susciter d’importantes prises de conscience. D’autant plus que les Américains étaient aux yeux des élites locales, ceux-là même qui avaient été, à travers la charte de l’Atlantique (12 mars 1942), les promoteurs des idées de liberté et d’autodétermination.

Contexte social 

En arrière fond de ces évènements, la société algérienne est alors pour partie une société de spéculation, de marché noir, de mise en place du travail forcé et de l’ouverture de camps de détention en Algérie. Et ce qui a été quelque peu occulté jusque-là, une société où la famine frappe durement les indigènes [3].

Albert Camus journaliste, observateur de terrain, qui vient de rentrer à Paris après une tournée en Algérie au moment où les nouvelles de l’insurrection de Sétif commencent à arriver, en est un témoin horrifié. Suite à son voyage à travers l’Algérie rurale en avril-mai 1945, il publie un reportage saisissant sur La famine en Algérie, et avertit le public métropolitain, « si ignorant des affaires en Algérie, que la colonie est au bord de la catastrophe » [4]. Neil Mac Master, historien britannique, revient dans un article récent sur ce contexte social, minoré par certains historiens. Il en fait même un élément important de la compréhension de ce qui va advenir.

Après avoir observé que de nombreuses émeutes et manifestations, ayant pour ressort des revendications liées à cette pénurie et à cette famine, ont eu lieu en Algérie au cours du printemps 1945, il relève que des mouvements de protestation, marqués par une forte participation de femmes, se sont déroulés à Tiaret, à Oran et à Orléansville (Chlef), le 16 avril. « Là, la foule a attaqué trois boulangeries et les militaires ont été mobilisés » [5]Neil MacMaster observe « que la révolte paysanne qui a déferlé sur le Nord-Constantinois en mai 1945 était sans aucun doute inspirée par une vision politique, proto-nationaliste, une rage brûlante contre l’ensemble du système colonial qui les exploitait, les humiliait et les écrasait chaque jour au niveau local, et des attaques ont été lancées contre le réseau intégré du pouvoir, les mairies, les administrateurs, les caïds, les gardes-champêtres, les colons, et tout autre représentant ou symbole de l’autorité française. » [6]

La recherche de Neil MacMaster met également l’accent sur le rôle du lobby colonial dans le développement de la famine. Il note « qu’au cœur de l’assaut colonial contre les nationalistes au début de 1945 se trouvait un puissant lobby de riches propriétaires de domaines, de minotiers, de fabricants et d’exportateurs de pâtes alimentaires [7]. Il relève que le 24 avril, deux semaines avant le massacre, sept conseillers généraux de Constantine, avec à leur tête les grands propriétaires Eugène Vallet, Marcel Lavie et Léon Déyron, exigent une frappe préventive ferme contre les nationalistes. » [8] 

Le lien entre le groupe des sept conseillers, magnats de la céréaliculture, et le massacre est démontré par le rôle prépondérant de Marcel Lavie, notable issu d’une dynastie terrienne qui domine la vie politique de la région de Guelma. Marcel Lavie encourage ainsi le sous-préfet André Achiary, nouvellement nommé, à former les milices ; son fils Louis va en être l’un des chefs, et ce sont ces mêmes milices qui vont procéder aux tueries. Au moment du massacre, relève Neil MacMaster, lorsque Adrien Tixier [9] a annoncé sa visite imminente à Guelma, des centaines de cadavres ont été rapidement déterrés des tombes peu profondes puis ont été transportés dans des camions de la SIP [10] pour être brûlés. A Guelma, la machine à tuer est entre les mains de riches céréaliers et minotiers, conclut Neil Mac Master. [11]

Les effets immédiats du débarquement

Au-delà du choc militaire, le débarquement a un effet important sur le plan socioculturel dans les transformations des représentations des populations locales à l’égard de ce qui représentait jusque-là de manière générale l’Occident.

Aux yeux des populations locales, le débarquement met au jour le contraste entre une puissance matérielle dotée d’énormes moyens, des soldats métissés plus accessibles, et lafaiblesse française, conséquence de l’effondrement militaire et des divisions qui en étaient les suites. Beaucoup de traces sont restées dans l’imaginaire local, notamment à travers les chansons populaires locales dans lesquelles les GIs sont magnifiés et fêtés. Le débarquement allié a ainsi beaucoup contribuer à mettre l’idée de liberté et de citoyenneté au coeur des revendications des populations indigènes.

De là, des espoirs de changement dans l’organisation politique de la colonie et un début de prise de conscience des soldats musulmans mobilisés qui combattent le nazisme, parmi lesquels se trouvent notamment ceux qui vont devenir les chefs historiques de la Révolution Algérienne tels que Ahmed Ben Bella, Mohammed Boudiaf, Mostefa Ben Boulaid, et Krim Belkacem.

Les années qui suivent voient se dessiner une reconfiguration du mouvement anticolonialiste et le passage de nombreux « assimilationnistes » de l’entre-deux-guerres, s’inscrire dans la revendication du droit à l’autodétermination.  Dans le champ politique du moment en l’absence du PPA, réprimé et de son leader historique Messali emprisonné, l’initiative de la prise de contact avec les Américains revient à Ferhat Abbas qui s’était déjà adressé à Vichy pour exiger des réformes.

Après le débarquement, aidé en cela par Murphy [12] qui le reçoit plusieurs fois pour s’entretenir avec lui de l’application de la Charte de l’Atlantique à l’Algérie, il s’engage plus avant dans les demandes d’émancipation. Ferhat Abbas et ses amis politiques répondent le 20 décembre 1942 à l’appel pour l’effort de guerre par un « Message » aux autorités responsables, à savoir les autorités américaines. Le même message est adressé un peu plus tard aux autorités françaises mais aucun responsables français d’Alger n’a daigné répondre.

Le 10 février 1943, Ferhat Abbas rédige alors un deuxième texte sous forme de mémoire : Le Manifeste du peuple algérien. Ce mémoire est remis au gouverneur général Peyrouton, le 31 mars 1943, par un groupe de délégués composé de lui-même Ferhat Abbas, du Dr Bendjelloul, de Benkhellal, du Dr Tamzali, de Saïah Abdelkader et de Zerrouk Mahieddine. Les rédacteurs ajoutent un préambule au Manifeste reprenant la déclaration faite par le président Roosevelt dans laquelle ce dernier affirmait : « Dans l’organisation du Monde Nouveau, les droits de tous les peuples, petits et grands [seront] respectés. »

Encouragés par l’acceptation formelle du gouverneur Peyrouton, les délégués musulmans présentent un additif au Manifeste signé parvingt délégués financiers représentant les trois départements. Il est exigé « la participation immédiate et effective des représentants musulmans au gouvernement et à l’Administration de l’Algérie et l’abrogation de toutes les lois et mesures d’exception et l’application, dans le cadre de la législation, du droit commun. » De plus, à la fin de la guerre, demande est faite que l’Algérie devienne un « État algérien autonome, après la réunion d’une Assemblée constituante élue par tous les habitants de l’Algérie ». Entre Ferhat Abbas et les autres composantes du nationalisme un frontcommun se construit en mars 1944, sous la forme associative des Amis du Manifeste de la Liberté (AML).

C’est dans ces circonstances que surgit la répression du 8 mai 1945 qui est la réponse de la France de la Libération aux Algériens sortis manifester pour fêter la liberté et la fin du fascisme à laquelle ils avaient contribué en tant que soldats. La manifestation pacifique a été détournée et instrumentalisée par les autorités coloniales pour en faire non pas une manifestation pour la liberté mais pour certains une insurrection organisée, pour d’autres une manifestation anti-juive et plus largement dirigée contre les civils européens.

Questionnement des appartenances et solidarités 

En mettant ainsi au centre des débats et des revendications, la question de la citoyenneté et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le débarquement relance aussi la recherche de solidarités entre les parties dites indigènes, « musulmans et juifs » déstabilisées par la prise de conscience « qu’une citoyenneté qu’on retirait après 70 ans d’existence était « discutable » par la faute de ceux-là même qui l’avaient octroyée », comme l’écrit Ahmed Boumendjel [13]. Le dialogue entre les élites des communautés, est animé et révèle plusieurs points de vue tranchés. L’idée selon laquelle les lois de Vichy « auraient dévoilé la précarité de la citoyenneté française et participé à discréditer l’assimilationnisme juridique va être réaffirmée dans les mois qui suivent le débarquement. Selon Pierre-Jean Le Foll-Luciani […]  L’imposition de l’indigénat a modifié les perceptions de certains Juifs et les aurait entraînés vers une stratégie politique nouvelle [14] ». Une partie, certes minoritaire, se rapproche du point de vue des Musulmans.

Conclusion

L’ espace-temps inauguré par le débarquement allié en Algérie en novembre 1942 a été porteur d’espoir pour toutes les composantes sociales des populations locales. Une partie des élites algériennes prennent à la lettre les présupposés du combat antifasciste, pour les libertés et elles ont pensé que le système colonial pouvait s’amender et donner suite à leurs droits d’autodétermination. Les nationalistes sont mal payés en retour de leur opposition au nazisme, que ce soit sur les champs de combat ou celui des luttes politiques. Messali Hadj est renvoyé au bagne en avril 1945, Ferhat Abbas reçoit une fin de non-recevoir brutale à ses demandes réformistes et sa position évolue pour rejoindre celle des nationalistes du PPA. Il est arrêté avec le docteur Saadane, le jour même du début de la répression, alors qu’il demandait audience au gouverneur général. Les Juifs d’Algérie, qui ont souffert de la répression vichyste, se sont interrogés sur leur rapport à la nation et pour certains se sont rapprochés de leurs compatriotes musulmans. 

Les logiques libérées par le choc du débarquement se sont très vite heurtées à l’irrédentisme colonial porté par les grands propriétaires qui n’ont voulu céder en rien aux privilèges et assurances conférés par une domination totale confortée par la victoire sur les forces de l’Axe. Et c’est finalement le « monde du contact » [15] qui va être, sitôt les premières initiatives et mobilisations dépassées, fracassé et le dialogue balbutiant oblitéré. La répression qui suit le 8 mai 1945 voit des anciens résistants revêtir l’habit des tortionnaires auxquels ils s’opposaient la veille, comme l’illustre le cas emblématique d’André Achiary devenu sous-préfet de Guelma et chef-tortionnaire. Le lobby colon triomphait. La porte était dès lors grande ouverte à « l’escalade de la peur et de la haine » et le 8 mai apparait comme l’acmé des tensions, espoirs déçus et contradictions suscités par le débarquement allié et la victoire sur le nazisme, en même temps que le moment où la rupture définitive avec le monde colonial s’affirmait.

Notes de bas de page

[1] A partir de sources nouvelles, ce texte reprend et élargit des éléments de l’article suivant: A. KADRI «  Le débarquement allié en Algérie. Perspectives algériennes, années 40 » pages 140-150 , in sous la direction de Nicole COHEN-ADDAD, Aissa KADRI, Tramor QUEMENEUR. 8 novembre 42 Résistances et débarquement allié en AFN. Dynamiques historiques, politiques, et socio-culturelles. Paris, Le Croquant 2021.

[2] Cf Ali MERAD, Le réformisme musulman en Algérie de 1925 à 1940Essai d’histoire religieuse et sociale. Paris, Mouton & Co, 1967, p. 104 et suivantes.

[3] A l’exception, selon Neil MACMASTER, de Martin THOMAS in  » Colonial Minds and Colonial Violence : The Sétif Uprising and the Savage Economics of Colonialism « , chapitre 6, in Martin Thomas (ed.), The French Colonial Mind. Vol.2. Violence, Military Encounters, and Colonialism. Lincoln : University of Nebraska Press, 2011, 140-173. Certaines analyses comme Celles de Ainad TABET de Mahfoud  KADDACHE, d’Annie Rey-GOLDZEIGUER bien que relevant le contexte n’ont pas établi de lien de causalité directe de la famine sur les manifestations, voir Neil MACMASTER  «  La politique de la famine : Adrien Tixier et l’insurrection et l’Insurrection de Sétif en 1945 » avant-propos de A. KADRI in Revue Naqd, n°7 Hors-Série,2023/3, page 18.

[4] A. CAMUS, « La famine en Algérie, Combat 15 mai 1945 », cité par Neil MACMASTER in « La politique de la famine : Adrien Tixier et l’Insurrection de Sétif en 1945 », page 59 .

[5] Neil MACMASTER, art cit., p. 78.

[6] Ibidem, page 79

[7] Jacques BOUVERESSE, Un parlement colonial ? Vol.1, 361-369.

[8] Voir le texte de la lettre in Eugène Vallet, Un Drame Algérien. La Vérité sur les émeutes de mai 1945, Paris: Les Grands Éditions Françaises, 1948, annexe, 277-279, cité par Neil MACMASTER art. cit.

[9] Adrien TIXIER occupa le poste de commissaire au Travail et à la Prévoyance sociale du 7 juin au 9 novembre 1943 puis aux Affaires sociales du 9 novembre 1943 au 9 septembre 1944 où il sera nommé ministre de l’intérieur. Il assuma la répression notamment à l’occasion d’une tournée d’inspection, s’efforçant toutefois de préserver l’avenir et s’opposant au renvoi de son camarade Châtaigneau. Voir Gilles Morin, notice Tixier Adrien Pierre in Dictionnaire le Maitron.

[10] Société Indigène de Prévoyance.  La SIP a été créée en 1893 en tant que société de secours mutuels pour permettre aux petits agriculteurs et aux paysans de livrer leur production de céréales.

[11] Neil MACMASTER art. cit. page 59.-60

[12] Nommé consul général à Alger en 1940, Robert MURPHY est en fait le représentant personnel de Roosevelt. En lien avec la résistance française, il noue également des contacts avec les Algériens et Ferhat Abbas en particulier.

[13] Lettre du 29 novembre 1942, d’Ahmed BOUMENDJEL à Marcel LOUFRANI et Elie GOZLAN, cité par Pierre-Jean Le FOLL-LUCIANI , Les Juifs d’Algérie dans la lutte anticoloniale . Trajectoires dissidentes (1954-1965), Rennes, PUR , 2002, p. 100.

[14] Ibid, p.100.

[15] Selon la qualification d’Annie Rey-Goldzeiguer, op. cit.

Source : Mediapart – Billet de blog – 18/04/2025 https://blogs.mediapart.fr/pour-la-reconnaissance-des-massacres-du-8-mai-45-en-algerie/blog/090425/le-debarquement-allie-en-algerie-les-premisses-des

Sétif, Guelma, Kherrata : dissimulation d’un massacre d’hier à aujourd’hui – Mehdi Lallaoui

En cette année 2025, à l’occasion du 80ème anniversaire des massacres qui ont débuté le 8 mai 1945 à Sétif, il est indispensable de rappeler que ce sont aussi nos vieux qui ont contribué à la victoire contre le nazisme et à la libération de la France. Par Mehdi Lallaoui, auteur-réalisateur des documentaires « Les massacres de Sétif, un certain 8 mai 1945 » et de « Guelma, 1945 ». 

Dès le déclenchement des évènements de Sétif, Guelma et Kherrata, consécutifs à la brutale interruption des cortèges célébrant la victoire du 8 mai 1945, le narratif des autorités militaires locales et nationales n’a de cesse de soutenir qu’elles n’ont fait que réagir à une insurrection programmée par les nationalistes algériens du PPA (Parti du peuple algérien fondé par Messali Hadj). De plus, cette révolte nationaliste aurait, bien sûr, été initiée par une main étrangère. Dans le journal Le Monde du 10 mai, on apprend ainsi que « des éléments troubles d’inspiration hitlérienne, se sont livrés à Sétif à une agression à main armée contre la population qui fêtait la capitulation. »

Une telle version a perduré durant des décennies pour justifier les massacres que l’on sait. 50 ans après, suite à la diffusion sur Arte de mon documentaire : Les Massacre de Sétif, un certain 8 mai 1945, le général Jules Molinier, qui, à l’époque et au moment des faits, vivait à Sétif avec sa famille, m’écrit. Tout d’abord, il confirme avoir été le témoin d’une « répression [qui] a été extrêmement sévère et souvent aveugle. On ne peut le nier. J’en étais indigné, mais la sauvagerie des crimes commis contre les Européens avait entraîné, dans les jours qui ont suivi, une véritable haine de ”l’Arabe” ». (…) Il en ressort que, contrairement à ce que les Algériens veulent faire croire, cette manifestation qui a dégénéré en émeute, n’était pas innocente. (…) les propos de nos condisciples musulmans, montrent que les meneurs voulaient profiter de l’occasion offerte par les cérémonies de la Victoire pour une exploitation politique. (…) Les responsables locaux sont bien ceux qui, en semant le vent, ont récolté la tempête qu’elles qu’en soient les raisons profondes dues à notre aveuglement et attisées par l’étranger. »

Auteur du premier documentaire en France, sur ce qui doit être qualifié de crime contre l’humanité, je me suis plusieurs fois déplacé en Algérie pour filmer des témoins directs et des survivants, aujourd’hui disparus. J’ai également cherché dans tous les fonds d’archives accessibles afin d’éclairer ce qu’il s’est passé. De plus, à la fin de l’année 1995, avec mes amis de l’association « Au Nom de la Mémoire », nous avons publié, en partenariat, avec les éditions Syros, la recherche inédite de l’historien Boucif Mekhaled : « Chronique d’un massacre. Sétif, Guelma, Khérrata ».

Des années plus tard, et toujours dans le cadre de ce travail au service de la connaissance et de la vérité, j’ai été auditionné le 19 mars 2025 par les député-e-s  membres du groupe de travail sur « L’autre 8 mai 1945 » à l’Assemblée nationale. Groupe qui est composé des élu-e-s suivants : Karim Ben Cheikh, Elsa Faucillon, Fatiha Keloua-Hachi, Sabrina Sebaihi et Danielle Simonnet.

Voici quelques extraits de cette audition.

« Nettoyage » archivistique, interprétation et dissimulation.

Commençons par comparer ce que donnent à voir les images des archives militaires. Au printemps 1994, après un premier repérage à Sétif, Kherrata et Guelma et suite aux entretiens réalisés avec plusieurs témoins et victimes, je me suis rendu au Fort d’Ivry où sont conservés les documents filmiques et photographiques de l’armée française en Algérie. Deux supports relatifs aux Evènements dans le Constantinois. Mai 1945 sont alors mis à ma disposition. Ils comportent de nombreux clichés et films qui révèlent les méthodes employées pour dissimuler les faits en faisant passer ces documents pour des reportages. Pour mettre au jour ces manipulations, il est nécessaire de comparer la propagande militaire aux récits des témoins directs.

En 2025, ces documents sont désormais en ligne. La présentation des images relatives aux « troubles du Constantinois en 1945 », par l’Établissement de la communication et de la production audiovisuelle de la Défense (ECPAD), est ainsi rédigée. « Le 8 mai 1945, à l’occasion des célébrations de la victoire des Alliés contre les forces de l’Axe, des manifestations d’indépendantistes algériens ont lieu dans la plupart des villes du département de Constantine, situé dans l’est de l’Algérie. À Sétif, ville moyenne où interviennent les forces de l’ordre, la manifestation tourne à l’émeute et se propage par la suite dans la région, entre Sétif et Bougie (Bejaia), en particulier dans la région de Kherrata. Ces émeutes finissent par cibler la population civile européenne, contre laquelle une centaine d’assassinats sont perpétrés jusqu’au 12 mai 1945. En réaction à ces crimes, l’armée française, appuyée à la marge par des civils, réprime violemment les insurgés algériens. » Dans ce reportage, on découvre ainsi que l’armée française organise des rassemblements d’Algériens afin de montrer sa force et qu’elle a aussi recours à l’action psychologique dans les régions de Kherrata (notamment les gorges du Chabet-el-Akra), Sétif, Perigotville, Chevreul, du 15 au 22 mai 1945. » A cela s’ajoutent de très nombreuses perquisitions et destructions de fermes par des incendies provoqués à dessein. 

En 1994, c’est donc avec les tirages des photographies de l’ECPAD que je me suis rendu à Kherrata et Guelma. J’ai retrouvé certains des « insurgés » qui apparaissaient sur les clichés précités, en particulier l’homme qui lève les bras, vêtu de son manteau militaire, entouré de fellahs, le fusil crosse en l’air. J’ai utilisé cette photographie en couverture de l’ouvrage de Boucif Mekhaled consacré aux massacres du 8 mai 1945.

Monsieur Benyaha témoigne : « Je m’appelle Mohamed Srir Benyaha, je suis un ancien militaire, blessé de guerre en Italie et j’ai toujours été fidèle à la France. Après le 8 mai à Sétif, on savait que le djihad avait commencé à Kherrata, mais nous on n’a pas bougé. Les militaires sont quand même venus et ont encerclé notre douar comme ils ont fait partout dans le secteur. Ils avaient des noms de personnalités ou de gens instruits qu’ils ont embarqués dans des camions pour les amener au tribunal de Constantine, alors qu’ils n’avaient rien fait de mal. Nous ne les avons plus jamais revus. Ensuite ils ont pris tout le monde, et on nous a fait descendre vers le village (de Kherrata), les vieux les femmes, les enfants tout le monde et ils ont brûlé nos maisons. Les militaires nous ont mis au soleil toute la journée au bord de l’oued de Kherrata à côté du pont et puis ils nous ont distribué des fusils, même aux enfants de 8, 10 ans et nous ont demandé de les lever en l’air pour prendre des photos. Je me reconnais, je suis ici. Son témoignage est corroboré par celui de madame Genevière Lardillier de Kherrata qui déclare : « On a eu une petite reddition avec le colonel Bourdila à Kherrata, mais ça a été infime, parce que soi-disant il ramenait des armes…  ils nous ont ramené des vielles pétoires… nous avons regretté du reste de ne pas en avoir gardées pour collection… parce que là, on se faisait une belle collection. Ils avaient des armes qui devaient dater du début de la conquête qu’ils nous ont ramené là… mais des armes modernes, non. »

En cette année 2025, certaine des photographies de la série Coté ALG 45 21 (Troubles dans le Constantinois) que j’ai personnellement pu consulter il y a trente ans, ne sont plus accessibles aux chercheurs ou au public. Par exemple, la série de photographies qui montre un officier à Kherrata, en fait un maitre de cérémonie, levant la main devant les fellahs algériens raflés, dans les douars environnants, en leur demandant, pour les besoins de la propagande et des prises de vue, de bien lever la crosse des fusils que l’on vient de leur distribuer. Le commentaire toujours visible aujourd’hui sur le site de l’ECPAD et réécrit énonce « Des hommes algériens se soumettent en levant leurs fusils sous la surveillance de militaires français dans la région de Kerrata le 15 mai 1945 ». Le commentaire d’origine disait « Des indigènes insurgés se soumettent… ». À l’époque l’armée et l’administration coloniale ne parlaient pas d’Algériens, mais d’indigènes ou d’Arabes.

Durant des décennies, ces diverses photographies, qui sont de grossières mises en scène, seront présentées comme la « reddition des insurgés à Kherrata près de Sétif. Disparue également la photographie de ce colon milicien transportant sur un mulet des corps pêle-mêle et inertes d’Algériens qui viennent d’être assassinés sous le regard amusé d’un gendarme présent sur la gauche du cliché. Disparue aussi depuis des années et encore récemment du site de l’ECPAD, la photographie 6676 du cadavre d’un Algérien sur la route (identifié à son saroual). Plus généralement, les exemples de ces « nettoyages » photographiques et, dans le cas présent, de ces disparitions, sont nombreuses.

Mais la censure de la « Grande muette » a laissé des traces. Comparant les feuillets d’inventaires de ces photographies consultées en 1995 avec celles qui sont aujourd’hui accessibles sur le site internet de l’ECPA, on découvre le nombre de ces « photos invisibles ». 28 photographies ont disparu au cours de cette période. Nul doute, il s’agit de dissimuler pour partie l’histoire de ces massacres. Alors que tous les observateurs s’accordent pour dire que les victimes se comptent par milliers, voire peut-être par dizaines de milliers, les archives de l’armée française prétendent documenter l’histoire alors qu’elles racontent des histoires. 80 ans après les tueries du Constantinois, émerge ainsi un récit avec un nombre infime de morts algériens. Les cadavres et les charniers évoqués par de nombreux témoins, algériens et français, ont disparu. Si le nom de Saad Bouzid figure bien dans le registre des décès, de même les patronymes d’une vingtaine d’Européens, on lit dans le bilan des corps transportés à la morgue de l’hôpital en fin de journée cette mention : « 21 indigènes » sans aucune précision leur identité et les causes de leur mort. 

Les archives filmiques de l’ECPAD

En comparant les photographies et les films des opérateurs de prises de vues des série ALG 45 21 et ACT 715… on peut supposer que photographes et caméramans étaient dans les mêmes convois militaires sous les ordres du colonel Bourdila (Colonel, commandant de la subdivision de Sétif). Ces colonnes ont semé la terreur entre Sétif et Guelma à partir du 10 mai, date des premières images filmiques à Sétif. La progression de ces colonnes, visible dans la bobine identifié sous le nom : « La répression des révoltes arabes » débute par le « départ d’une colonne blindée pour “nettoyage dans différentes tribus. » Le film d’archive, (Côté ACT 715) rassemble en réalité deux pellicules de deux colonnes distinctes. Consultable en ligne sur le site de l’ECPAD, j’ai constaté qu’il a encore été « nettoyé » – probablement en 2015 -par rapport à la version que j’avais visionnée en 1995. Les passages, où l’on voyait des soldats descendants d’une colline après avoir brûlé et pillé des « fermes », ont disparu. Le descriptif officiel de cette séquence est ainsi rédigé : « Dans la campagne constantinoise. En arrière-plan, sur les hauteurs, une ferme brûle. Des soldats descendent la pente. L’un d’eux passe devant l’objectif. Gros plan sur la ferme en proie aux flammes »

L’extrait « caviardé » réapparait

Séquence 8, par exemple.  « Un soldat s’écarte de l’homme qui vient d’être abattu. Il tient un pistolet dans sa main gauche. Il vient probablement de lui donner un coup de grâce. »

L’opérateur avait donc bien filmé des militaires tirant pratiquement à bout portant sur deux fellahs désarmés. Les deux hommes qui levaient les bras s’effondrent, foudroyés. Séquence 9, on lit « GP (Gros plan) sur les deux cadavres puis fouilles au corps » pendant qu’une « ferme brûle dans un paysage de campagne » (Séquence 11). 

Ce que tait le résumé, c’est l’identité de l’homme qui donne le coup de grâce et on comprend pourquoi. Ce criminel est le capitaine Mazuca que l’on aperçoit également juste après l’assassinat et au même endroit sur un angle différent sur un photo 6694 (côte (ALG 45-21) … le pistolet sorti de son étui et dépassant de sa poche. Le commentaire de cette image ou le nom de Mazuca n’est pas cité est éloquent. En titre : « Portrait d’un capitaine mangeant en marge d’un convoi de blindés dans le constantinois en mai 1945 ». Puis le descriptif général nous renseigne de la façon suivante « Un convoi de véhicules militaires est en opération à la suite des émeutes… »

50 ans plus tard, de jeunes soldats de cette époque ont eu le courage de témoigner. C’est le cas monsieur Bernard Depieds, qui m’a accordé un entretien présent dans mon documentaire. Il avait vingt ans en 1945. « Dans la journée on avait trouvé à un poste d’entrée du le village, une treizaine, 13 ouvriers agricoles avec des petites serpettes, avec des djellabas, pratiquement en guenilles. Et les papiers qu’ils avaient étaient à peine lisibles, forcément, chez ces gens-là l’adjudant a pris ce prétexte pour trouver que ces papiers n’était pas en règle, et il a dit on va tous les fusiller puisque que c’est comme ça et on les a amenés à la sortie du village, a un endroit où on pouvait s’approcher de la mer sans trop… qui n’était pas tellement a pic…et là, il a dit aux hommes, (…) des petits métropolitains… il a laissé partir les gars et il leur a fait tirer dessus. Moi j’étais en arrière, derrière l’adjudant avec un fusil mitrailleur dans le cas où il fallait intervenir, mais je ne suis jamais intervenu. Et les gars étaient tellement pressé de faire des cartons, qu’ils ont descendu les pauvres ouvriers agricoles bien avant la mer a tel point qu’après, il a fallu qu’ils se mettent à deux… qu’ils tirent les gars sur les rochers pour les amener et les jetées à l’eau ».

Lorsqu’en 2015, j’ai découvert la dissimulation des images de ces tueries, j’ai écrit au Président de la République, François Hollande, pour l’informer du « nettoyage » de certaines archives. Quelques années plus tôt, en décembre 2012, il avait déclaré devant les deux chambres du parlement en France puis au Sénat algérien à l’occasion de sa visite en Algérie : « Rien ne se construit dans la dissimulation, dans l’oubli, encore moins dans le déni ». Un an plus tard après l’envoi de ma lettre précitée, c’est le directeur de cabinet de secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Défense chargé des Anciens combattants et de la Mémoire (sic) qui m’a répondu en se contentant de répéter des éléments de langage officiels selon lesquels « l’ECPAD est tenu de communiquer toute archive publique non classifiée ». Relativement à la dissimulation des archives, pas une ligne, pas même un mot. En 2025 les extraits de pellicules, qui existent et qui ne sont pas classifiés, sont ainsi dissimulés à la connaissance des chercheurs, historiens et des citoyens. Pis encore, de telles pratiques sont rendues possibles par la loi du 15 juillet 2008 qui interdit la communication d’archives comportant des éléments classés « secret défense. »

En 2021, Emmanuel Macron avait pourtant annoncé l’ouverture, quinze ans avant le délai légal, des archives policières et judiciaires sur la période de la guerre d’Algérie, mais cette déclaration n’a pas été suivie d’effets. Au prétexte de défendre « l’honneur et l’image de l’armée », cette disposition entrave gravement le travail de toutes celles et tous ceux qui s’intéressent à cette période et à ces terribles événements.

L’association « Au Nom de la Mémoire » est membre du Collectif « Secret défense, un enjeu démocratique ». Ce collectif a rassemblé une vingtaine de cas emblématiques et particulièrement problématiques : massacres coloniaux, assassinats politiques et affaires criminelles non encore résolues. Ce Collectif estime qu’il apparaît « clairement que l’Etat français, au lieu d’assumer ses responsabilités conformément au droit, use de manœuvres diverses pour entraver la recherche de la vérité par les familles, les historiens, les chercheurs, et pour empêcher que justice soit rendue aux victimes. » Au nom de la raison d’Etat, le secret défense, tel qu’il fonctionne actuellement, permet d’entraver les enquêtes judiciaires, faisant de la victime juridiquement protégée par les institutions de son pays, un adversaire à combattre, voire à abattre au lieu de lui rendre justice. Il empêche également les historiens, les chercheurs d’accéder aux informations nécessaires à leur travail scientifique pour établir la vérité historique.

En cette année 2025, à l’occasion du 80ème anniversaire des massacres qui ont débuté le 8 mai 1945 à Sétif, alors que nous assistons  en France à une surenchère politicienne et idéologique nauséabonde contre les Algériens des deux rives, il est indispensable de rappeler que ce sont aussi nos vieux qui ont contribué à la victoire contre le nazisme et à la libération de la France, et comme je le disait déjà il y a 20 ans, la fraternité à laquelle nous aspirons tous doit se construire sur le respect indispensable de la vérité et de la justice.

Mehdi Lallaoui est auteur-réalisateur des documentaires « Les massacres de Sétif, un certain 8 mai 1945 » et de « Guelma, 1945 », président de « Au Nom de la mémoire », et membre du Collectif « Secret défense, un enjeu démocratique ».

Source : Médiapart – Billet de blog – 15/04/2025 https://blogs.mediapart.fr/pour-la-reconnaissance-des-massacres-du-8-mai-45-en-algerie/blog/150425/setif-guelma-kherrata-dissimulation-d-un-massacre-d

Colonisation, une histoire française – Dimanche 2 février, 21h sur France 5 et france.tv

Documentaire : 180 min – Écrit et réalisé par Hugues Nancy

Le documentaire exceptionnel Colonisation, une histoire française retrace l’histoire de la colonisation française, d’Alger à Madagascar et de Dakar à Saigon entre 1830 et 1945. Cette histoire c’est la nôtre, celle d’une confrontation violente entre des peuples qui va faire naître une irréversible communauté de destin.

Est-il enfin possible de regarder en face ce passé colonial qui trouble encore aujourd’hui les mémoires et qui exacerbe les identités au point de mettre en péril le creuset républicain ? C’est le pari de ce projet ambitieux raconté en immersion dans cette époque tourmentée.

À l’aide d’archives exceptionnelles, ces films nous montrent comment la France a édifié un empire colonial de 11 millions de kilomètres carrés. Un empire où vivaient des dizaines de millions d’habitants qui, contrairement à ce que l’on croit souvent, ont résisté dès l’origine au colonisateur et qui n’ont jamais cessé de se battre pour s’en libérer. Des peuples que la France, malgré plusieurs tentatives de réforme de son système colonial, s’avérera incapable d’accompagner vers l’indépendance quand il en était encore temps, entrainant la désintégration violente de cet empire à partir de 1946.

Conquérir à tout prix, 1830-1914

Avec la conquête de l’Algérie en 1830, c’est un siècle d’expansion sans précédent qui s’ouvre sur les territoires africains puis en Asie. Une expansion menée au nom du « progrès » et de la « mission civilisatrice » de la France. Mais, en réalité, cette extension territoriale française a été, partout, le fruit de conquêtes militaires particulièrement violentes. Car là où la France a tenté de planter son drapeau, elle a dû faire face à une résistance acharnée, de l’Algérie à l’Afrique noire, puis de l’Indochine au Maroc.

Fragile apogée, 1918-1931

L’empire français, le deuxième au monde après celui des Britanniques, atteint en 1920 son apogée territorial. Avec le Liban, la Syrie, le Cameroun et le Togo, jamais le domaine colonial de la France n’avait été aussi étendu. Les Années folles seront celles de l’âge d’or de l’empire. Mais cet empire tout-puissant est en réalité un colosse aux pieds d’argile. Au Maroc comme en Syrie, plusieurs rébellions armées vont sonner comme un avertissement. Alors, la France, au pied du mur, doit mener de profondes réformes et associer enfin les peuples colonisés aux destinées de leurs territoires. C’est ce que tenteront, en vain, plusieurs gouvernements de gauche (Cartel des gauches en 1924 et Front populaire en 1936). Car il est trop tard. La France, sous la pression du lobby colonial, est incapable de réformer en profondeur un système qui semble donc voué à l’échec.

Prémices d’un effondrement, 1931-1945

Le 6 mai 1931, le président de la République Gaston Doumergue, accompagné du maréchal Lyautey, inaugure à Paris la plus grande exposition coloniale jamais imaginée. Plus de huit millions de visiteurs vont se presser au bois de Vincennes pour découvrir ces territoires mystérieux de l’empire que l’on a ici reconstitués avec minutie. Tout a été pensé pour offrir l’image d’un monde colonial idéalisé et parfait. Mais ces visiteurs ne peuvent imaginer que leur empire vient en réalité de vivre son apogée et que les millions de sujets de cet empire, d’Alger à Hanoï et de Tunis à Beyrouth, vont, les uns après les autres, remettre en cause la tutelle française. Et bientôt vont apparaître les prémices d’un effondrement qui va être accéléré par la Seconde Guerre mondiale.  

Note du réalisateur Hugues Nancy

C’est d’abord grâce à des fonds d’archives exceptionnels, qui ont été numérisées en HD que ce programme de trois heures a pu voir le jour : l’institut Lumière qui possède les premières images filmées de cet empire à partir de 1895, l’incroyable fonds colonial de Gaumont Pathé Archives qui recèle des trésors dès les années 1900 et tant d’autres…. Des images souvent inédites à la télévision comme ces rushes tournés dans le quartier réservé de Bousbir à Casablanca à la fin des années 1920 ou comme ces images « amateur » qui nous font découvrir avec un autre regard la vie des colons en Algérie ou lors de l’exposition coloniale de 1931… Grâce à la richesse de ces fonds d’archives filmées mais grâce aussi au fonds photographique de l’ECPAD (ministère de la Défense), qui rassemble les reportages réalisés par des militaires en poste dans les colonies, nous avons essayé de nous rapprocher au plus près de la réalité de cette vie coloniale. 

Une fois réunies ces archives exceptionnelles et souvent bouleversantes, il était enfin possible de regarder en face ce passé douloureux et d’en faire le récit pour les téléspectateurs de France Télévisions.

Car, longtemps, on a tenté en France de minimiser les crimes commis au nom de l’ambition coloniale française. Ainsi est née ce que notre conseiller historique, le regretté Marc Ferro, appelait la « légende rose » du « temps béni des colonies ». Comme si l’on avait inconsciemment la nostalgie de ces cartes du monde qui subjuguaient les écoliers avec tous ces territoires de l’empire, colorés en rose, pour montrer la puissance de la France et son ambition civilisatrice…

En réalité, rien n’a jamais été « rose » dans les territoires colonisés. D’abord parce que, contrairement à ce l’on croit souvent, aucun peuple colonisé n’a accepté la présence française sans s’y opposer violemment, et ce dès le début de l’expansion. Surtout, la colonisation s’est fondée à la fois sur une profonde inégalité de droits entre les hommes et sur l’exploitation de richesses par la puissance coloniale. Une domination et une exploitation rendues uniquement possibles par la force militaire et policière, nécessaire pour faire respecter un équilibre social et politique de plus en plus précaire au fil des décennies.

L’histoire de la colonisation, c’est donc d’abord une histoire de sang et de larmes qu’il faut regarder en face.

Mais à l’inverse, aujourd’hui, on voudrait ne retenir que la « légende noire » de l’époque coloniale, ses crimes et surtout l’immoralité de l’idée même de colonisation, faisant fi des processus politiques à l’œuvre dans le monde du temps de cette expansion coloniale européenne. Car le processus d’occupation territoriale par des puissances européennes, mais aussi asiatiques, a été un phénomène généralisé à partir du XIXe siècle. Cette part de l’histoire de l’humanité concerne tous les continents et a été la matrice du monde tel que nous le connaissons. En quelques siècles, une poignée d’États européens est ainsi parvenue à contraindre la majeure partie de la planète. Et à compter du jour où un Européen a mis le pied sur une terre loin de son continent, l’avenir de celui qui y vivait venait de basculer. Et leurs histoires, à tous les deux, colonisateur comme colonisé, étaient alors irrémédiablement liées.

C’est en effet par la confrontation avec l’Europe, par l’immersion des nouvelles générations colonisées dans l’effervescence politique de l’Europe de l’entre-deux guerres, que les « indigènes » comme on les appelait, sont devenus des militants nationalistes qui ont libéré leurs pays de la domination européenne. La colonisation a ainsi été comme une véritable « révolution » dans l’histoire du monde et des peuples. Une révolution qui a changé la géopolitique de la planète comme le destin des peuples colonisés.

C’est donc une part de « notre Histoire commune » que cette grande fresque télévisuelle tente d’aborder, en racontant avant tout comment, du côté des colonisés comme des colonisateurs, des hommes et des femmes ont eu le courage de se dresser pour dire non à l’occupation française comme à l’idée même de colonisation. Notre série documentaire donne ainsi en priorité la parole à ceux qui ont résisté dans les colonies comme à ceux, certes minoritaires, qui ont osé contester en métropole le processus de colonisation.

Ce sont ces « résistants » colonisés, des personnalités souvent inconnues ou oubliées, qui vont ainsi nous permettre de raconter la folie coloniale française de 1830 à 1946 : Abd El Kader (Algérie, 1830), Béhanzin, roi du Dahomey (Bénin, 1890), Samory Touré (Afrique de l’Ouest, 1893), reine Ranavalona (Madagascar, 1895), Phan Boi Chau (Indochine, 1908), sultan Moulay Abdelaziz (Maroc, 1908), émir Fayçal (Syrie, 1920), Abdelkrim El Khattabi (Maroc, 1921), sultan El Attrache (Syrie, 1925), Blaise Diagne (Sénégal, 1931), Nguyen Tat Thanh, dit Hô Chi Minh (Indochine, 1931 et 1946), Allal El Fassi (Maroc, 1934), Aimé Césaire (Antilles, 1935), Tayeb El Oqbi, Ferhat Abbas, Messali Haj (Algérie, 1937 et 1945), Habib Bourguiba (Tunisie, 1938).

Et au regard de ces hommes qui n’acceptent pas la colonisation de leurs terres, notre récit prend également appui sur la dénonciation de cette colonisation par des Français, contemporains des événements : Guy de Maupassant (Algérie, 1880), Georges Clemenceau (Madagascar, 1885), Pierre Savorgnan de Brazza (Afrique-Équatoriale, 1905), Jean Jaurès (Maroc, 1908), Jules Roy (Algérie, années 1920), Alexandre Varenne (Indochine, 1925), André Gide (Congo, 1927), Albert Londres (Congo, 1928), Léon Blum (1936), Maurice Violette (Algérie, 1937)…

Ainsi en redonnant la parole et leur juste place dans notre mémoire collective à tous ces « héros » qui ont combattu la colonisation française et en rappelant que nombre de Français ont aussi tenté de s’y opposer, il devient peut-être possible de partager cette histoire par-delà les antagonismes qui fracturent aujourd’hui encore la société française. Une histoire qu’il est temps d’assumer tous ensemble.

Source : https://www.francetvpro.fr/contenu-de-presse/70154098

Réédition : Le corps d’exception. Les artifices du pouvoir colonial et la destruction de la vie – Sidi Mohammed Barkat

Préface : Kaoutar Harchi

Présentation de l’éditeur

« Parmi les membres de la nation, il y a ceux qui lui seraient originellement liés et en seraient les membres authentiques – ce sont les garants de son intégrité – et puis les autres, dont le lien est construit et donc artificiel. »

À l’époque coloniale, le corps indigène est soumis à un état d’exception permanent. Ce procédé est au cœur de l’institution de l’indigénat. Sur le plan juridique et politique, le sénatus-consulte rend le droit musulman et les coutumes des colonisés incompatibles avec la moralité républicaine, tandis que sur le plan culturel, le colonisé est représenté comme indigne de la qualité de citoyen – bien qu’il soit membre de la nation française. Inclus en tant qu’exclu, il se trouve assujetti à un régime légal qui établit au cœur de l’État de droit une suspension du principe d’égalité.

Cette exception juridique et politique n’a toutefois pas disparu avec la décolonisation, comme le montre la fréquence des crimes policiers dans les quartiers populaires ou le caractère xénophobe et répressif des lois successives sur l’immigration. Les représentations discriminantes demeurent vivaces dans la société française d’aujourd’hui, et la violence institutionnalisée s’abat depuis des décennies sur les populations issues des anciennes colonies. Le Corps d’exception fait la démonstration implacable de cette continuité.

Sidi Mohammed Barkat est philosophe. Ancien directeur de programme au Collège international de philosophie, il a dirigé l’ouvrage collectif Des Français contre la terreur d’État. Algérie 1954‐1962 (Reflex, 2002) et a publié plus récemment Le Travail en trompe-l’œil (Rojos, 2015).

Éditions Amsterdam – 176 pages – ISBN 9782354802929

http://www.editionsamsterdam.fr/le-corps-dexception-2/

Le Maghreb des ondes, un enjeu colonial

France CultureUn documentaire de Hajer Ben Boubaker , réalisé par Thomas Dutter

La radio du passé dans les pays du Maghreb constitue un monde disparu, paysage invisible qui n’a pas été enregistré. Pourtant, le départ de cette série est la découverte du fond d’archives radiophoniques de l’époque coloniale dans les archives françaises. Au sortir de la colonisation, une partie des archives de ces pays, qu’ils s’agissent d’œuvres d’arts, d’archives sonores et administratives, se sont retrouvées en France laissant un néant dans la mémoire collective de cette région. Arthur Asseraf explique : « les autorités françaises considèrent que ce sont eux qui ont produit ces émissions et donc les archives leur appartiennent. Et ça, ça fait partie d’un problème plus large. Il y a un grand débat entre les autorités françaises et algériennes autour de à qui appartiennent ces archives ? (…) » 

Épisode 1/8 : Le mal d’archives (29 min)

Au départ de cette série, un fond d’archives radiophoniques de l’époque coloniale. Qu’est-ce que ces traces du début du 20ᵉ siècle racontent de la relation du Maghreb à la France ?

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/le-mal-d-archives-3802484

Épisode 2/8 : Du café au poste (28 min)

Comment se constitue le premier public d’auditeurs ? En revenant sur des lieux importants et des moments importants, l’épisode nous informe sur les premiers afficionados de la radio autant que sur l’histoire musicale de la région.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/du-cafe-au-poste-4862823

Épisode 3/8 : La guerre des ondes (29 min)

Si l’on se souvient de la guerre des ondes entre Radio Londres et les radios sous contrôle nazi, peu se rappellent qu’une guerre des ondes entre puissances européennes a ciblé les auditeurs arabophones durant la Seconde Guerre mondiale.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/la-guerre-des-ondes-8244256

Épisode 4/8 : Le poste colonial (29 min)

Face à la propagande fascistes et nazies à l’adresse des auditeurs du Maghreb, quelle est la réponse française ?

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/le-poste-colonial-5015925

Épisode 5/8 : Ici la voix de l’Algérie libre et combattante (29 min)

Face au contrôle des ondes par la puissance coloniale française, le FLN lance, au début de la guerre d’indépendance algérienne, sa propre radio « Ici la voix de l’Algérie libre et combattante ».

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/ici-la-voix-de-l-algerie-libre-et-combattante-6314478

Épisode 6/8 : L’ incroyable monsieur Hachelaf (28 min)

Ahmed Hachelaf, plus grand producteur de musique arabe en Europe, a commencé sa carrière en tant qu’animateur radio sur les ondes françaises. Qu’est-ce qu’un destin dit de l’histoire de la radio et de l’histoire culturelle de l’immigration ?

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/l-incroyable-monsieur-hachelaf-9470873

Épisode 7/8 : Guerre d’Algérie, sabotages radiophoniques (28 min)

Aux dernières années de la guerre d’Algérie, la radio devient un objet pour les partisans de l’Algérie française qui n’hésitent pas à défier les autorités en sabotant les ondes.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/guerre-d-algerie-sabotages-radiophoniques-7057549

Épisode 8/8 : Indépendances radiophoniques (30 min)

Les indépendances tout juste acquises laissent place à une question importante : quelle est la place et le rôle des radios nationales dans ces jeunes pays indépendants ?

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/independances-radiophoniques-9074599

Guerre dans les djebels. Société paysanne et contre-insurrection en Algérie, 1918-1958 – Neil MacMaster

Disséquant le tissu social des communautés rurales de l’Ouarsenis et du Dahra et leur évolution sociopolitique de la fin de la Première Guerre mondiale à la lutte de libération, Neil MacMaster propose une analyse rigoureuse de la façon dont la société paysanne de ce territoire névralgique, qui sera l’un des poumons de la Wilaya IV historique, va basculer dans le nationalisme indépendantiste, apportant un soutien vital aux maquis de l’ALN.

Neil MacMaster est un éminent historien britannique. A partir des années 1980, il a commencé à s’intéresser à l’histoire de l’Algérie durant la période coloniale. On lui doit, entre autres, un ouvrage important coécrit avec Jim House sur les massacres du 17 octobre 1961 : Paris 1961 : les Algériens, la terreur d’État et la mémoire (2006). En 2020, il a publié Guerre dans les djebels. Société paysanne et contre-insurrection en Algérie, 1918-1958. Le livre est d’abord paru en Angleterre chez Oxford University Press.

En janvier 2024, la traduction française de l’ouvrage, réalisée par Houria Delourme-Bentayeb, a été publiée par les éditions du Croquant, à Paris, dans la collection « Sociétés et politique en Méditerranée », dirigée par Aïssa Kadri. C’est d’ailleurs le Professeur Kadri qui en a signé la préface. Le livre vient d’être réédité par Chihab, en Algérie, et il était disponible au SILA. Nous ne pouvons que vous recommander de vous ruer vers les librairies pour l’acquérir. Car Guerre dans les djebels est vraiment une œuvre magistrale.

Et bien que ce soit avant tout un travail de recherche historiographique qui s’étale sur plus de 600 pages, il se lit avec aisance. Nous avons affaire ici à une enquête historique extrêmement fouillée, qui s’impose à la fois par sa richesse documentaire et par l’originalité de sa démarche méthodologique. Neil MacMaster a le mérite de faire la lumière sur un aspect crucial de la période coloniale : le rôle de la paysannerie dans la lutte contre l’occupation française.

« Une réserve inépuisable de combattants et de guides »

L’auteur a étudié avec une précision clinique la société paysanne en Algérie en adoptant une méthodologie qui se revendique des « Subaltern Studies » qui proposent une approche de l’histoire « par le bas ». Neil MacMaster a concentré son enquête sur un territoire particulier : la région du Chélif en l’occurrence.

Disséquant le tissu social des communautés rurales de l’Ouarsenis et du Dahra et leur évolution sociopolitique de la fin de la Première Guerre mondiale au déclenchement de la lutte de libération, l’historien britannique propose une analyse rigoureuse sur la façon dont la société paysanne de ce territoire névralgique, qui sera l’un des poumons de la Wilaya IV historique, va basculer dans le nationalisme indépendantiste, apportant un soutien vital aux maquis de l’ALN.

Dans sa préface, le professeur Aïssa Kadri écrit de prime abord : « Voilà un ouvrage majeur qui interroge et renouvelle les approches socio-historiques sur ‘‘la guerre d’Algérie’’.» « La Guerre dans les djebels s’inscrit dans une perspective d’approche qui a souhaité rompre avec les travaux qui ont abordé ces événements par le haut de manière macro-historique (…), négligeant ‘‘les gens ordinaires’’», relève le préfacier.

Neil MacMaster « s’attache à voir ce qui se passe du côté du monde paysan, du point de vue des influences du nationalisme en société rurale, dans l’Algérie profonde », souligne Aïssa Kadri. Et d’ajouter : « (Il) développe ses travaux dans la suite des analyses de Mostefa Lacheraf en montrant que la paysannerie, en dépit des processus violents de déstructuration coloniale, ‘‘a gardé intactes des formes d’organisation autonomes au niveau local qui lui ont permis de résister et de contester la domination coloniale’’».

Dans son introduction, Neil MacMaster insiste sur l’obsession de l’occupant français dès la conquête de soumettre les populations paysannes dont il redoutait le soulèvement : « Alors que les envahisseurs français avaient réussi, en 1843, à écraser la résistance tribale dans le Dahra et l’Ouarsenis par la brutale politique de la terre brûlée, le régime colonial était constamment sous la crainte d’une insurrection sanglante des paysans des montagnes ; crainte qui s’est finalement concrétisée avec la guerre d’indépendance de 1954. » L’auteur explique comment le PCA d’abord (le Parti communiste algérien) et le FLN ensuite ont choisi la région du Chélif « comme forteresse naturelle pour leurs forces de guérilla ».

« Les contre-insurgés français ainsi que les historiens, en référence à la formulation maoïste classique du partisan ‘‘comme un poisson dans l’eau’’, ont compris que le soutien apporté aux rebelles par la paysannerie était crucial, car celle-ci fournissait une réserve inépuisable de combattants, de guides, d’approvisionneurs, de messagers, de guetteurs et de muletiers, en même temps qu’elle offrait une parfaite connaissance interne ou des renseignements précis sur l’organisation quotidienne de chaque famille, sur ses réseaux d’armes et de clans, ses ressources propres à l’environnement montagneux, ses sentiers secrets, ses grottes et ses sources », écrit l’historien.

« 78 communes mixtes couvraient l’Algérie rurale »

L’ouvrage est subdivisé en quatre principales parties. Dans la première partie, intitulée «Le dualisme de l’Etat colonial», Neil MacMaster s’est focalisé sur la gouvernance des régions ciblées par son étude, à travers notamment la mise en place d’un « système de commune mixte d’administration indirecte, largement maintenu en 1918 et 1958 ». Il y avait « 78 communes mixtes qui couvraient l’Algérie rurale », et où « vivaient plus de 70% de la population indigène », indique l’auteur.

« Pour l’essentiel, l’économie urbaine de la plaine, dominée par les Européens, a été largement assimilée à un mode de vie et à des institutions qui ont étroitement reflété et imité la France métropolitaine, y compris dans l’administration municipale, les organisations de partis et la politique électorale.

Cependant, en parallèle, à quelques kilomètres du périmètre officiel de la colonisation, il existait un ordre social et politique totalement différent, dans lequel des milliers de paysans déshérités étaient dirigés par une élite algérienne semi-féodale qui continuait d’exercer un pouvoir basé sur des relations patron-client», résume l’auteur.

Dans la deuxième partie du livre intitulée « Mobilisation et contestation politiques des paysans, 1932-1954 », Neil MacMaster s’est attelé à étudier « comment les mouvements anticoloniaux, dont le Parti communiste et le PPA messaliste, ont commencé à quitter les centres urbains pour infiltrer les campagnes environnantes afin de défier le système des communes mixtes et les caïds ».

L’historien insiste pour dire que la djemaâ n’était pas « une institution archaïque et immuable » mais qu’elle était « réactive et savait s’adapter ». L’esprit de contestation qui a commencé à gagner la paysannerie, observe le chercheur anglais, a été nourri au contact de « militants radicaux basés dans les villes qui ont rejoint les djemaâs et exploité l’énergie et les ressources de ces assemblées traditionnelles et autonomes qui gouvernaient de petites communautés ».

Du tremblement de terre de 1954 au séisme insurrectionnel

Dans la troisième partie intitulée « Organisation des premiers maquis, gouvernance rebelle et formation du contre-Etat FLN », Neil Macmaster analyse comment les idées nationalistes ont réussi à se propager parmi les populations des montagnes dans le Dahra et l’Ouarsenis. Un événement important, signale-t-il, allait accélérer la rupture d’avec l’administration coloniale : le tremblement de terre d’Orléansville (actuelle Chlef) de 1954.

« A 1h11 du matin, dans la nuit du 9 au 10 septembre, sept semaines avant que le FLN ne lance son insurrection, Orléansville et sa région environnante furent frappés par un tremblement de terre au cours duquel on estime le nombre de morts à 1147, à 1980 le nombre de blessés graves et quelque 54 000 maisons ou bâtiments détruits, de sorte que la majeure partie de la population s’est vu obliger de bivouaquer à l’air libre ou sous des tentes à l’approche des pluies d’hiver », détaille l’auteur.

En outre, le bilan de la catastrophe naturelle fait état de «l’effondrement d’environ 39 037 gourbis précaires ». « Dans la région du Chélif, note Neil MacMaster, l’extraordinaire coïncidence de la catastrophe du tremblement de terre et de l’insurrection, qui a suivi quelques semaines plus tard à l’Est, ont eu un effet complexe à plusieurs niveaux.

Ce qui a aggravé la montée du nationalisme par un énorme mécontentement populaire face à l’échec du programme de secours.» Et d’affirmer : « Tant le Parti communiste que le MTLD ont construit sur cette vague croissante de troubles un véritable climat insurrectionnel en s’emparant des échecs du programme de secours et de reconstruction.» 

Malgré la colère qui gronde, la population sinistrée ne va pas tout de suite se jeter dans les rangs de l’insurrection. L’onde de choc du 1er novembre 1954 « n’a atteint la région du Chélif qu’en juillet 1956 », révèle l’historien. 

C’est que le FLN, dit-il, était une dissidence au sein du MTLD, et dans le Chélif, les militants nationalistes étaient encore largement restés fidèles à Messali. Il y avait ainsi trois forces qui se disputaient le soutien de la paysannerie locale : les maquis de l’ALN, la guérilla du MNA et aussi le « Maquis rouge », autrement dit les combattants communistes du PCA, dont Henri Maillot. « Le FLN, une fraction dissidente du PPA-MTLD, était réduit numériquement, faible et encore inconnu de la plupart des Algériens.

Dans la région du Chélif, comme dans de nombreuses autres régions d’Algérie, les messalistes, qui seront bientôt rebaptisés MNA, sont restés la force nationaliste dominante », écrit Neil MacMaster. « Pour beaucoup, il a fallu des mois avant qu’ils ne commencent à prendre contact avec l’organisation émergente et décider de changer de camp ou pas », ajoute-t-il.

Le FLN s’est alors « engagé dans un travail d’organisation pour s’introduire dans la société rurale ». « Parmi les principaux agents clés qui ont contribué aux réseaux radicaux, figuraient les chauffeurs de bus, les marchands de bétail et de céréales, et les commerçants ambulants qui se déplaçaient en voiture ou en camionnette vers les marchés ruraux et transportaient les provisions des villes vers les petites épiceries des villages », nous apprend l’historien.

Neil MacMaster insiste en outre sur le fait que l’ALN était « non seulement une force de combat mais aussi un embryon de contre-Etat susceptible d’offrir un gouvernement alternatif au régime colonial ». « En écartant l’Etat colonial, l’ALN dans le Dahra et l’Ouarsenis s’est retrouvée dans une situation en vertu de laquelle elle contrôlait des dizaines de milliers de paysans pauvres et d’avoir tout à gérer, depuis l’économie rurale et l’approvisionnement en nourriture jusqu’à la scolarisation, l’aide sociale et la justice.»

«Celui qui gagne la population gagne la partie»

Enfin, dans la quatrième et dernière partie du livre, et sous le titre « Opération Pilote. Anthropologie va-t-en-guerre. 1956-1958 », Neil MacMaster décortique la stratégie mise en œuvre par l’armée coloniale pour stopper l’expansion vertigineuse de la guérilla du FLN dans les montagnes. « En janvier 1957, le gouvernement colonial et l’armée, en adoptant un modèle de stratégie élaboré par l’ethnologue Jean Servier, ont retenu la région du Dahra et de l’Ouarsenis comme lieu d’une grande expérience de contre-insurrection baptisée ‘‘Opération Pilote’’», précise l’auteur.

« La doctrine de la guerre révolutionnaire a été développée principalement par des officiers qui avaient servi dans le corps militaire professionnel pendant la guerre d’Indochine », rappelle-t-il. « Après la défaite écrasante du Vietminh à Diên Biên Phu en mai 1954, ils ont cherché une explication à leur humiliante défaite en étudiant Mao Tsé-toung et la stratégie de guérilla communiste.

(…)  Après le retrait du Vietnam et en contemplant les leçons à tirer de cette défaite, les théoriciens de la contre-insurrection ont souligné l’importance du ‘‘contact humain avec la population’’ et ont conclu qu’en fin de compte, ‘‘celui qui gagne la population gagne la partie’’». C’est dans cet esprit que Jean Servier, alors jeune ethnologue «spécialiste des Berbères des djebels », sera engagé par « Salan et Lacoste ». 

Pour Neil MacMaster, l’Opération Pilote est un « exemple parfait » de ce qu’il appelle « l’anthropologie va-t-en-guerre ». L’historien confie qu’à l’origine, son objet d’étude, au moment de se lancer dans cette enquête homérique, était la façon dont les sciences sociales, et en particulier l’anthropologie et l’ethnographie, ont été utilisées pour montrer une contre-insurrection afin de couper les liens entre la paysannerie et les troupes de l’ALN.

Cela l’a poussé à s’intéresser de plus près à la société paysanne. « J’ai entamé une remontée dans le temps afin d’explorer l’histoire antérieure, pré-insurrectionnelle, du monde des paysans à travers l’histoire sociale ‘‘vue d’en bas’’», dit-il. Et de constater : « Au fur et à mesure que ce projet avançait, j’étais frappé par la rareté des travaux universitaires sur l’histoire des paysans des montagnes algériennes, qui constituaient pourtant à la fois la majorité de la population colonisée et le soutien indispensable pendant la lutte de libération.» 

Source : El Watan – 17/11/2024 – Mustapha Benfodil

https://elwatan-dz.com/guerre-dans-les-djebels-societe-paysanne-et-contre-insurrection-en-algerie-1918-1958-de-neil-macmaster-comment-laln-a-gagne-le-soutien-de-la-paysannerie#google_vignette

Editions du Croquant https://editions-croquant.org/societes-et-politique-en-mediterranee/973-guerre-dans-les-djebels-societe-paysanne-et-contre-insurrection-en-algerie-1918-1958.html

La Première Guerre d’Algérie. Une histoire de conquête et de résistance, 1830-1852 – Alain Ruscio 

La « première guerre d’Algérie » commença le 14 juin 1830 à 4 heures du matin, lorsque le premier soldat français posa le pied à Sidi-Ferruch. Les conquérants furent d’emblée confrontés à une force de résistance qu’ils n’avaient pas imaginée, dont la figure emblématique reste l’émir Abd el-Kader. S’ensuivirent deux décennies d’affrontements d’une intensité et d’une violence extrêmes.
Le maréchal Bugeaud et bien d’autres officiers appliquèrent et souvent amplifièrent sur le terrain la politique répressive décidée à Paris par François Guizot, Adolphe Thiers, Jean-de-Dieu Soult, etc.

Éditeur : La Découverte

https://www.editionsladecouverte.fr/la_premiere_guerre_d_algerie-9782348081668