Décembre 1960. Quand le peuple algérien se soulevait contre le colonialisme – Mathieu Rigouste

Un épisode oublié de la guerre d’indépendance. Après la « bataille d’Alger » en 1957, la France prétendait avoir anéanti toute opposition en Algérie. Mais le dimanche 11 décembre 1960 et les jours suivants, de vastes manifestations populaires sont organisées par les Algériens pour arracher leur indépendance. Cet épisode historique capital reste méconnu.

Le 11 décembre 1960, trois ans après la bataille d’Alger, de gigantesques manifestations du peuple algérien ont débordé la répression militaire française et changé le cours de la révolution algérienne. Alors que l’armée a largement démantelé le Front de libération nationale (FLN) dans les villes et les maquis de l’Armée de libération nationale (ALN), c’est une multitude de colonisés anonymes qui submerge l’ordre colonial. Avec souvent des anciens, et en première ligne des femmes et des enfants venus par milliers des bidonvilles et des quartiers ségrégués, le peuple algérien surgit au cœur des centres-villes coloniaux ; drapeaux, banderoles et corps en avant. La répression est comme d’habitude terrible, elle n’a cependant pas réussi à soumettre.

De Gaulle et le Front de l’Algérie française

Le général de Gaulle avait prévu un séjour en Algérie du 9 au 12 décembre 1960 pour promouvoir son projet néocolonial de « troisième voie », nommé « Algérie algérienne ». Calqué sur les modèles imposés dans les anciennes colonies françaises, il consistait à placer au pouvoir une classe dirigeante inféodée à l’État français et chargée de mettre en œuvre une nouvelle forme de vassalisation économique. Le chef de l’État voulait également sonder les troupes et les « pieds-noirs ». Mais son projet déchaîne la colère des colons « ultras ». Organisés dans un Front de l’Algérie française (FAF), ils ont l’appui de plusieurs régiments, mais également des réseaux dans la police, l’administration et l’industrie, jusqu’au sommet de l’État. Le FAF cherche à répéter le putsch militaire qui a installé de Gaulle en mai 1958 et fondé la Ve République, mais il veut désormais le faire chuter pour imposer « l’Algérie française ».

Le 1er décembre 1960, l’État français dispose de 467 200 militaires en Algérie, plus 94 387 supplétifs [1]. Le 8 décembre, de Gaulle annonce qu’un référendum sur l’autodétermination sera organisé le 8 janvier 1961. Le FAF diffuse des tracts appelant à la grève et à l’action. Toutes les forces en présence savent que les prochaines batailles détermineront soit le contenu et la forme de l’indépendance, soit celui de l’apartheid. Et si tout le monde s’attend au coup de force des Européens, personne n’a vu venir l’insurrection algérienne.

Un imposant dispositif de gendarmerie mobile et de policiers des compagnies républicaines de sécurité (CRS) est mis en place à Alger dès le 8 décembre. Les autorités civiles et militaires diffusent des appels au calme. Le lendemain, de Gaulle atterrit près de Tlemcen, accompagné de Louis Joxe et de Pierre Messmer ainsi que des généraux Paul Ély et Jean Olié. Il se rend à Aïn-Temouchent et veut éviter les grandes villes où les ultras sont nombreux et organisés. À Oran, Alger et dans plusieurs autres agglomérations, des commandos de jeunes Européens réussissent à bloquer les grandes artères, attaquent les forces de police et ciblent les lieux de pouvoir politique. Ils provoquent, humilient et attaquent aussi les colonisés dans la rue, souvent aux frontières des quartiers musulmans, des quartiers mixtes et des quartiers européens.

Contre les exactions des « ultras »

C’est donc rue de Stora (devenue rue des frères Chemloul) à Oran ou rue de Lyon (Belouizdad) à Alger, qu’éclatent, le 10 décembre, les premières révoltes et c’est là aussi que se forment les premiers cortèges de colonisés insurgés. Les soulèvements naissent ainsi sur les frontières urbaines de la ségrégation coloniale. Mostepha Hadj, un résistant oranais présent, raconte :

« Dès que l’alarme a été donnée, tous les habitants du quartier de M’dina J’dida se sont mis en autodéfense en scandant « Allahou Akbar », encouragés par les femmes et leurs youyous assourdissants. Elles s’étaient installées sur les terrasses et balcons en amassant toutes sortes de projectiles : bouteilles, gourdins, pierres, tuiles… prêtes à toute éventualité. (…) C’est avec une spontanéité extraordinaire que les Algériens des autres quartiers ont répondu à l’appel »[2].

L’armée et la police utilisent des haut-parleurs pour exiger des colonisés qu’ils rentrent dans leurs quartiers, tandis que les ultras sillonnent les rues et klaxonnent inlassablement le rythme ponctuant les cinq syllabes « Al-gé-rie-fran-çaise ». En réponse, et en dépit des barrages militaires et policiers qui bouclent plusieurs quartiers, les femmes accompagnent de leurs youyous les déplacements des colonisés, dont les cortèges affluent de partout.

À Alger, les premières révoltes à Belcourt sont suivies par celles des habitants du bidonville de Nador puis des autres zones misérables auto-construites depuis les années 1930. Depuis 1954, des migrants issus des montagnes et des campagnes dévastées par la guerre s’y sont également installés. Ils constituent une part importante des manifestants. Des cortèges de femmes prennent la tête des manifestations et enfoncent des barrages militaires, raconte Lounès Aït Aoudia, un manifestant qui habite toujours la Casbah [3]. Les soldats mitraillent nombre d’entre elles. Leurs haïks (NDLR. Long voile blanc.) rouges de sang et leur courage bouleversent les témoins.

En un après-midi, cette « flamme de Belcourt » s’étend aux quartiers populaires de la périphérie d’Alger puis, dans les jours qui suivent, elle gagne Constantine, Annaba, Sidi Bel Abbès, Chlef, Bône, Blida, Béjaïa, Tipasa, Tlemcen… Pendant près d’une semaine, des soulèvements, auto-organisés dans la spontanéité, se confrontent à des méthodes de répression impitoyables de la part de l’État et des ultras.

Fin de la « troisième voie » gaullienne

Les manifestations de décembre forcent le général de Gaulle à abandonner son projet de « troisième voie » et renvoient les ultras à leurs conspirations. Pour se légitimer, certains héritiers du FAF affirment que ces rassemblements dérivent de tentatives de manipulation par les structures d’action psychologique (sections administratives urbaines, SAU), qui auraient mal tourné et se seraient transformées en flambée de « racisme anti-européen ». Des sources militaires, le FLN et des témoins civils confirment que quelques membres des sections administratives spécialisées (SAS) ont autorisé la formation des manifestations spontanées en croyant pouvoir leur imposer des slogans gaullistes comme « Pour l’Algérie algérienne et contre les ultras ». Les colonisés s’en sont parfois saisis pour contourner le dispositif, passer ses barrages et manifester contre le projet néocolonial et pour l’indépendance réelle comme dans la majorité des villes, où aucune SAU n’est intervenue.

D’autre part, selon certains héritiers du FLN de l’époque, ce serait le parti, à travers la nouvelle zone autonome d’Alger (ZAA) qui aurait lancé les manifestations et trompé les SAU. Une partie de l’extrême droite française soutient d’ailleurs cette pseudo-thèse pour construire son mythe d’une alliance entre le FLN et l’État gaulliste.

Des réseaux plus ou moins formels de quelques dizaines de militants FLN avaient bien commencé à se reformer dans les grandes villes. Et selon l’historien algérien Daho Djerbal, jamais le FLN n’a « abandonné le principe de maintien d’une organisation du peuple ». Les réseaux de militants ne constituaient toutefois rien d’équivalent à cette organisation structurée et hiérarchisée qu’était la ZAA. On observe plutôt la participation de militants de base à des formes collectives et autonomes d’organisation populaire. Tandis que quelques « militants d’appareils », beaucoup moins nombreux, tenteront d’encadrer des manifestations, notamment en orientant les slogans pour que les cortèges refusent le mot d’ordre « Algérie algérienne » — qui pouvait passer pour un soutien au projet néocolonial gaulliste — et pour qu’apparaissent des banderoles, des écritures et des slogans pour « l’Algérie musulmane ».

Espoir d’indépendance

Dans de nombreuses villes fleurissent des slogans exigeant des « négociations avec le FLN », « Abbas [4] au pouvoir » ou « Vive le GPRA » qui ont fortement marqué les observateurs internationaux jusqu’aux débats à l’ONU. Bahiya M. [5], qui n’avait alors que 10 ans, a participé aux manifestations. Fille de collecteur de fonds pour le FLN, habitant à Belcourt, elle raconte :

« À un moment, on a compris qu’on avançait vers l’indépendance. Ma sœur s’est mise à confectionner des drapeaux à la maison. Elle cousait bien puisqu’elle avait eu une formation [de couture]. Ma mère avait une machine à coudre, il suffisait d’acheter du tissu blanc, vert et du rouge pour le croissant. Elle a fait beaucoup de drapeaux. Et bien sûr, on les avait ce jour-là ».

Malgré les récits de certains héritiers FLN, Bahiya M. assure que nombre de femmes cousaient des drapeaux bien avant décembre 1960 et que personne ne les encadrait pour le faire ni ne leur avait donné de consignes au soir du 10 décembre.

J’imagine que la plupart des femmes avaient œuvré, incognito, pour la révolution. En abritant des combattants, en donnant des sous… parce qu’elles voulaient voir leurs enfants vivre librement. Il y avait beaucoup d’enfants [dans les manifestations]. Et elles aussi, elles voulaient vivre librement. (…).

Les Algériennes ont été en première ligne des manifestations, elles ont aussi porté toute une part invisible de l’auto-organisation des soulèvements. Les enterrements des martyrs, qui permettaient de faire partir de nouvelles manifestations après les mises en terre, étaient aussi organisés principalement par des femmes. Dans le même temps, des centres de soins étaient installés dans des appartements ou des mosquées, avec des médecins et des infirmières algériens. Des cantines de rue permettaient à tous de manger dans les quartiers bouclés. Les journalistes français et étrangers, nombreux ces jours-là, étaient approchés par des adolescents, voire par des enfants, puis emmenés dans ce qu’ils ont décrit comme des « QG du FLN » où on livrait un point de vue indépendantiste sur les manifestations en cours.

Dans toutes ces expériences, on retrouve l’implication déterminée des femmes, des enfants et des anciens, et en général des civils jusque-là considérés comme la « population à conquérir » par les états-majors politiques et militaires français et par certaines fractions du FLN/ALN.

La libération arrachée par le peuple

Les fractions dominantes de l’armée française maintiennent que l’État s’est fait submerger parce qu’il n’aurait pas laissé l’armée s’engager dans la contre-insurrection. Or presque partout, les troupes ont été déployées et avec l’accord des autorités politiques, elles ont tiré et tué. Elles ont raflé et torturé. Les méthodes de guerre policière n’ont pas été empêchées par l’État gaulliste, mais débordées par le peuple algérien. Les autorités françaises reconnaissent alors officiellement 120 morts, dont 112 Algériens et des centaines de blessés, indique l’historien Gilbert Meynier. Des dizaines de colonisés, dont des adolescents ont été arrêtés, « interrogés » et pour certains ont « disparu » dans les jours et les semaines qui ont suivi.

Cette séquence a fortement influencé le schéma répressif mis en œuvre le 17 octobre 1961 à Paris par le préfet de police Maurice Papon, ancien « inspecteur général de l’administration en mission extraordinaire en Algérie »[6]. Des milliers d’Algériens de tous âges, venus des bidonvilles et des quartiers populaires pour manifester contre le colonialisme et le racisme seront raflés, tabassés, internés et plusieurs dizaines tués ce soir-là par la police en plein Paris. Décembre 1960 est aussi la scène historique qui irrigue la pensée de Frantz Fanon lorsqu’il commence à concevoir Les damnés de la terre, le mois suivant, comme nous l’a confirmé Marie-Jeanne Manuellan [7], une assistante sociale communiste et anticolonialiste avec qui il a travaillé et à qui il a dicté ses derniers livres.

Après les soulèvements, l’étau militaire est desserré dans les montagnes, Charles de Gaulle ordonne l’arrêt des exécutions, abandonne le projet de « troisième voie » et doit se résoudre à négocier avec le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) de Ferhat Abbas et Krim Belkacem. Le 19 décembre, l’Assemblée générale des Nations unies vote la résolution 1573 (XV) reconnaissant au peuple algérien son droit « à la libre détermination et à l’indépendance ».

Après plus de 130 années d’écrasement et cinq années d’une guerre impitoyable, le peuple algérien a réussi à prendre sa révolution en main. Depuis, de nouvelles classes dominantes ont rétabli une forme d’asservissement, tout en collaborant au néocolonialisme. Mais une histoire populaire des soulèvements de décembre 1960 — qui reste à approfondir — montre comment un peuple opprimé s’est organisé et a œuvré pour arracher sa propre libération[8].

[1] Alban Mahieu, « Les effectifs de l’armée française en Algérie », in Jean-Charles Jauffret et Maurice Vaïsse, Militaires et guérilla dans la guerre d’Algérie, Éditions Complexe, 2001 ; p. 43-44.

[2] Mohamed Freha, Décembre 1960 à Oran, Éditions Dar El-Qods El-Arabi, 2013 ; p. 205.

[3] Entretien réalisé le 17 février 2014.

[4] Ferhat Abbas, chef nationaliste algérien, président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) de 1958 à 1961.

[5] Elle a requis l’anonymat. Entretien réalisé le 18 décembre 2014.

[6] Mathieu Rigouste, L’ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine, La Découverte, 2009.

[7] Entretien réalisé le 19 octobre 2016.

[8] Un projet de livre, de documentaire et de site mettant à disposition l’ensemble des sources et des entretiens est en cours de réalisation.

Source : Algeria Watch – 15/12/2024 – https://algeria-watch.org/?p=95010

L’ Algérie : un géant aux pieds d’argile ou un phénix en devenir ? – Dr A. Boumezrag

Il est difficile de parler de l’Algérie sans évoquer ses paradoxes. Ce pays, riche d’une histoire millénaire, d’une jeunesse dynamique et de ressources naturelles inestimables, se retrouve pourtant enlisé dans des dysfonctionnements structurels qui freinent son envol.

Dans ce clair-obscur, où les espoirs de renaissance côtoient les ombres de l’immobilisme, l’Algérie oscille entre le poids d’un rentier passé et la promesse d’un avenir à réinventer. Alors, quel visage l’histoire retiendra-t-elle ? Celui d’un géant aux pieds d’argile ou celui d’un phénix renaissant de ses cendres ?

Les pieds d’argile : rente et inertie

L’ Algérie repose sur un modèle économique hérité des années d’indépendance, où la rente pétrolière et gazière est devenue le pilier d’une économie hyper-centralisée. Avec plus de 90 % des recettes d’exportation provenant des hydrocarbures, cette dépendance chronique a non seulement fragilisé le pays face aux fluctuations des prix mondiaux, mais aussi nourri une culture de l’immobilisme.

Pourquoi innover lorsque la matière pétrolière assure le minimum vital ? Pourquoi diversifier lorsque l’État, omniprésent mais inefficace, subventionne l’immédiat au détriment du long terme ?

Ajoutez à cela une bureaucratie pléthorique, souvent décriée pour son opacité et ses lenteurs, et vous obtenez une machine étatique qui étouffe les initiatives au lieu de les encourager. Ce système a créé un terrain fertile pour la corruption et la cooptation, deux fléaux qui, en détournant les ressources nationales, alimentent le désespoir d’une jeunesse en quête de perspectives.

Les cendres du Hirak : une nation en ébullition

Pourtant, l’Algérie n’est pas condamnée à l’inertie. Le Hirak, ce mouvement populaire qui a émergé en 2019, a révélé une société civile consciente de ses défis et déterminée à exiger le changement. Si le système politique a tenté d’endiguer cette vague en multipliant les promesses de réforme, il n’en demeure pas moins que l’esprit du Hirak continue de nourrir une aspiration collective à une Algérie meilleure : plus transparente, plus inclusive, et surtout , plus ambitieuse.

Cependant, la route est semée d’embûches. La répression des voix dissidentes, combinée à une absence de vision économique claire, risque de transformer ce printemps démocratique en simple parenthèse historique. Mais dans chaque crise, une opportunité se cache, et l’Algérie, grâce à sa résilience, pourrait encore surprendre.

Le phénix en devenir : l’urgence de la transformation

Le potentiel de l’Algérie est immense. Sa jeunesse, majoritaire, est éduquée, connectée au monde et avide de contribuer à l’essor de son pays. Ses ressources naturelles, bien que menacées par la transition énergétique mondiale, pourraient servir de levier pour financer des projets structurants, notamment dans les énergies renouvelables, l’agriculture durable et l’économie numérique.

Mais pour que ce phénix renaisse, des réformes profondes et courageuses sont indispensables :

Diversifier l’économie : rompre avec la dépendance aux hydrocarbures en investissant massivement dans les secteurs porteurs, comme l’agriculture, le tourisme ou encore l’industrie technologique.

Réformer l’État : réduire la bureaucratie, digitaliser les services publics et restaurer la confiance dans les institutions.

Investir dans la jeunesse : offrir des perspectives d’emploi et favoriser l’émergence d’un entrepreneuriat dynamique.

Promouvoir la transparence : lutter contre la corruption en adoptant des mécanismes de gouvernance modernes et inclusifs.

À la croisée des chemins

L’ Algérie est à un moment charnière de son histoire. Le choix est clair : persister dans une posture de géant aux pieds d’argile, fragile et vulnérable, ou embrasser une transformation qui ferait d’elle un acteur majeur de la Méditerranée et de l’Afrique. Le temps presse, car le monde n’attend pas, et les opportunités perdues pourraient devenir autant de regrets.

Dans le clair-obscur algérien, les monstres du passé doivent céder leur place à des bâtisseurs de lumière. Si l’Algérie parvient à se réinventer, elle pourrait bien écrire l’une des pages les plus inspirantes de ce siècle. Et, tel un phénix, montrer au monde que même les défis les plus immenses peuvent être transformés en tremplins vers la grandeur.

Une Algérie à réinventer

L’Algérie, à la croisée des chemins, porte en elle le potentiel d’une transformation historique. Entre le poids d’un passé rentier et les aspirations d’une jeunesse avide de changement, le pays à toutes les cartes en main pour écrire un nouvel avenir. Mais cette métamorphose ne pourra s’opérer sans une prise de conscience collective, un leadership audacieux et des réformes profondes.

Le choix reste d’entretenir l’illusion d’un géant solide, mais vulnérable aux secondes secondes du temps, ou d’embrasser pleinement le rôle d’un phénix, symbole de renaissance et de résilience. Une renaissance qui exigera non seulement des sacrifices, mais aussi une foi inébranlable dans la capacité des Algériens à surmonter les obstacles les plus tenaces.

Dans le tumulte du monde actuel, où les défis s’entrelacent aux opportunités, l’Algérie peut se lever, non pas comme une nation contrainte par son passé, mais comme une force renouvelée, prête à affronter l’avenir avec courage et détermination.

L’histoire appartient à ceux qui osent la réécrire. « L ’Algérie se trouve face à un choix historique : persister dans un modèle du passé, où l’immobilisme conforte les privilèges, ou embrasser une révolution de l’audace, où la transparence, l’innovation et la jeunesse deviennent les moteurs. d’une renaissance collective. »

Source : Le Matin d’Algérie – 19/12/2024 –https://lematindalgerie.com/lalgerie-un-geant-aux-pieds-dargile-ou-un-phenix-en-devenir/

La Fédération de France du FLN ou l’immigration comme enjeu politique

Les chercheurs et les historiens ont depuis longtemps cherché à explorer les rouages internes du FLN – élément décisif pour une meilleure compréhension de la guerre d’Algérie. Mais un tel projet s’est souvent révélé difficile dans la mesure où, par définition, les organisations clandestines cherchent à garder secrètes leurs activités ; d’autre part, nombre des archives du FLN ont été détruites ou dispersées, tandis que dans le même temps l’État algérien et des acteurs importants du conflit ont eu tendance à imposer une lecture officielle ou partiale de l’histoire du mouvement nationaliste. Néanmoins, ces dernières années, les archives du Service historique de l’armée de terre (SHAT) ont permis de mieux appréhender la complexité du FLN. Celles-ci comprennent un grand nombre de documents internes au mouvement nationaliste saisis par l’armée française. Par ailleurs, l’ouverture (par dérogation) des archives de la préfecture de police de Paris (APP) relatives à la guerre d’Algérie offre désormais de nouvelles possibilités d’investigation concernant le FLN en France métropolitaine. Des documents précieux qui permettent d’examiner le fonctionnement interne de la fédération de France du FLN à travers l’étude d’un événement particulièrement controversé – l’organisation des manifestations parisiennes du 17-20 octobre 1961 qui s’achevèrent par l’une des répressions les plus sanglantes de l’histoire européenne moderne.

Aujourd’hui, les jeunes (issus de l’immigration algérienne) ne se contentent plus des discours officiels : ils en appellent à une nouvelle génération de politiques de mémoire. L’accès à la matière historique et à l’écriture mémorielle doit être démocratisé. Ainsi les récits sur le passé pourraient-ils trouver de multiples points d’ancrage dans leur environnement personnel et quotidien.

En plus de l’école et de la recherche, le monde de la culture est particulièrement attendu. Ils pointent leur besoin de rendre plus accessibles les connaissances afin de mieux les assimiler.

Les films, les expositions, les documentaires et les podcasts, ou encore les livres traitant de la colonisation de l’Algérie doivent pouvoir trouver les moyens institutionnels et financiers de et de faire circuler de nouvelles images et de nouveaux récits. Au-delà des conditions d’écriture de l’histoire et de la mémoire, les jeunes cherchent des opportunités de dialogues et d’échanges entre les mémoires, entre les générations, entre les jeunes eux-mêmes et avec l’Algérie et les Algériens. Ils insistent sur la nécessité de pouvoir entendre d’autres récits et de faire dialoguer ceux-ci dans l’espace public, notamment avec les générations les ayant précédés. La segmentation des espaces de leur vie quotidienne entrave aussi la possibilité de se rencontrer entre eux, au-delà de leurs seuls cercles ou réseaux familiers. Cette demande invite le politique à offrir un cadre institutionnel qui puisse créer des temps, des espaces et des outils multipliant les occasions de rencontres : renforcement de l’éducation populaire et des temps associatifs et collectifs, visites en commun de musées et de mémoriaux, témoignages en classe ou en ligne, voyages en Algérie, apprentissage des langues.

Les liens avec l’Algérie et les Algériens ne sont pas oubliés. La plupart des jeunes connaissent mal le pays de leurs parents/grands parents, sa géographie, son histoire et sa société contemporaine. L’Algérie semble absente de leur carte mentale. Elle n’est pas une destination touristique et son patrimoine culturel est méconnu. Beaucoup de jeunes s’en désintéressent et confient ne pas savoir de quelle façon développer une curiosité pour ce pays. Ce désintérêt cohabite avec un fort désir de découverte, d’apprentissage, de circulation et de dialogue notamment avec la jeunesse in situ dont les aspirations démocratiques s’exprimaient pendant le Hirak (2019-2021), soulèvent admiration et espoir. Les jeunes descendants notamment, sont nombreux à espérer y voyager pour découvrir la culture et parfois se reconnecter à l’histoire familiale. Des deux côtés de la Méditerranée, des politiques publiques doivent pouvoir organiser une libre circulation et une coopération permettant des échanges entre les jeunes et entre les deux pays. Près de trois quarts des jeunes Français (69%) pensent que les relations entre la France et l’Algérie doivent être améliorées pour construire un avenir partagé. Loin des rancœurs du passé, ils ont conscience que l’avenir de la France et de l’Algérie reste lié. Ils invitent à construire une relation d’un nouveau type à l’Algérie et aux Algériens qui doit être désormais une relation d’égalité, débarrassée de l’arrogance de la domination française et de l’instrumentalisation des rancœurs coloniales. Une relation où le rapport à l’Autre se construirait sur la considération, la curiosité, et l’empathie. Gageons que cela sera possible. C’est ce que veut en tout cas faire entendre la génération des descendants, la génération du dépassement.

Source : Histoire coloniale et postcoloniale https://histoirecoloniale.net/reflexions-sur-la-guerre-dindependance-algerienne-3-la-federation-de-france-du-fln/

Algérie-France : nouvelle crise diplomatique

L’ ambassadeur de France à Alger convoqué et averti par le ministère des AE (ce jour, 15/12/2024)

L’ ambassadeur français en Algérie, Stéphane Romatet, a été convoqué au ministère des Affaires étrangères. Le quotidien gouvernemental El Moudjahid qui en a fait un compte rendu repris par la radio nationale nous apprend que « des avertissements fermes ont été adressés » à l’ambassadeur de France à Alger. Ci-dessous le contenu :

« L’ Algérie a exprimé son refus catégorique d’accepter à partir de maintenant les pratiques et actes de chantage émanant des autorités françaises et de leurs alliés, notamment des groupes de pression et des résidus de l’extrême droite.

Lors de cet entretien, des avertissements fermes ont été adressés à l’ambassadeur français, lui demandant de les transmettre aux autorités françaises, suite à l’intensification des actes hostiles commis par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) française, visant les institutions de l’État algérien dans le but de déstabiliser le pays et nuire à ses intérêts.

Ainsi l’ambassadeur français a été informé que, compte tenu de la gravité des faits avérés, étayés par des preuves irréfutables, l’Algérie ne restera pas passive et que Paris doit s’attendre à des ripostes vigoureuses. »

Cette mise en garde qui renseigne sur la gravité des relations entre Alger et Paris arrive suite à l’arrestation et l’emprisonnement de Boualem Sansal à la mi-novembre dernier. Une campagne virulente a été menée par des franges de l’extrême droite pour réclamer sa libération. La violence et la haine exprimées par l’extrême droite ne justifie aucunement le placement en détention provisoire de Boualem Sansal (75 ans).

En réalité, l’affaire de l’écrivain Boualem Sansal a révélé les pratiques du pouvoir en grand jour et a une lumière crue sur les violations des droits humains et de l’État de droit. Esprit libre, Boualem Sansal, arbitrairement arrêté, s’ajoute malheureusement au 215 détenus d’opinion qui croupissent dans les prisons.

Enfin, nous rappelons que l’Algérie a rappelé son ambassadeur l’été dernier suite au soutien d’Emmanuel Macron pour le plan d’autonomie de Mohammed VI pour le Sahara occidental. Il y a quelques jours, c’est la chaîne de télévision publique Al24 qui diffuse un documentaire accusant les services français de tentative de déstabilisation de l’Algérie. Malgré la gravité des accusations, ce document n’a pas recueilli de réaction officielle française.

Que fera la France ? Rappellera-t-elle son ambassadeur ?

Source : Le Matin d’Algérie – 15/12/2024 – Sofiane Ayache – https://lematindalgerie.com/lambassadeur-de-france-a-alger-convoque-et-averti-par-le-ministere-des-ae/

Des communistes en situation coloniale (1920-1939) – Éloïse Dreure

« L’Algérie lutte et espère »

Présentation de l’éditeur

Dès 1920, le Parti communiste français nouvellement créé voit son influence s’étendre jusqu’à l’Algérie coloniale où des militants socialistes rejoignent massivement la IIIe internationale. Ces derniers, issus de la population européenne de la colonie, doivent alors adopter la ligne résolument anticolonialiste de l’Internationale communiste, sur un territoire résolument hostile à cette idée.

Ce livre reconstitue ce que fut l’organisation communiste en Algérie coloniale, de 1920 à 1939, présente ses militants, leurs mobilisations, leurs liens avec la direction du PCF, à Paris, et avec celle de l’Internationale communiste, à Moscou et la répression à laquelle ils doivent faire face. Surtout, il s’interroge sur la nature même du communisme dans ses dimensions particulières à la société coloniale, dans une période où émergent les premiers mouvements de libération nationale.

Éloïse Dreure est docteure en histoire contemporaine de l’université de Bourgogne. Elle est spécialiste de l’histoire du communisme et de ses corrélations avec la question coloniale.

La voie étroite des démocrates algériens pour soutenir Boualem Sansal –  Arezki Aït-Larbi

Dans ce combat éthique qui interpelle les consciences, il est du devoir des démocrates d’être en première ligne pour la libération de Boualem Sansal et de tous les prisonniers d’opinion, revendique l’éditeur algérien Arezki Aït-Larbi.

Rappelons d’abord quelques évidences que les régimes autoritaires semblent ignorer. Les propos d’une personnalité publique sont souvent discutables, parfois choquants. Mais ils relèvent toujours du débat démocratique. Aux outrances – réelles ou supposées – de Boualem Sansal, les autorités algériennes auraient dû opposer la force de l’argument d’un discours contradictoire. Sur l’histoire de l’Algérie et la géographie du Maghreb. Sur le droit des Palestiniens, chassés de leurs terres et soumis à une impitoyable oppression coloniale qui dure depuis plus de soixante-quinze ans. Sur le Sahara-Occidental et l’impuissance de l’ONU qui peine, depuis 1991, à organiser un référendum d’autodétermination.

Nouveau palier dans l’escalade répressive qui a fermé tous les espaces de libre expression, l’emprisonnement d’un écrivain adulé à l’étranger pour son talent, mais chahuté dans son pays pour une maladroite désinvolture, est un clou de plus sur le cercueil de nos libertés bafouées. Pour préparer le bûcher de la « trahison », on convoque l’histoire coloniale et on réveille, une fois encore, les martyrs de la guerre d’indépendance pour légitimer les dérives liberticides d’un pouvoir sans boussole, qui navigue au gré des tempêtes.

Derrière l’écume soulevée par l’affaire Sansal, se profilent les recompositions dans le sérail qui peinent à se stabiliser. Si le pouvoir et les islamistes se sont affrontés violemment durant la guerre civile des années 1990, ils jouent maintenant en duo une partition autoritaire pour neutraliser tout frémissement incontrôlé dans la société, toute contestation autonome. Des partis laïques, des syndicats et des associations libres sont suspendus ou dissous. La presse privée, qui a connu ses heures de gloire après l’ouverture en trompe-l’œil de 1989, est tenue en laisse par la publicité sous contrôle de l’État.

Même les cafés littéraires sont soumis à l’autorisation d’une commission de lecture qui a fini par tomber le masque quant à ses fantasmes idéologiques. Au Salon international du livre d’Alger, les «manuels du parfait salafiste» subventionnés par l’Arabie Saoudite, Mein Kampf de Hitler et les Mémoires de Mussolini sont à l’honneur depuis quelques années. Moins cotés et suspects de subversion, des auteurs critiques, notamment parmi les universitaires, sont blacklistés par les miliciens de la pensée, au mépris de la loi, qui ne reconnaît de pouvoir de censure qu’au seul magistrat.

Sansal est l’otage des forces extrémistes algérienne et française

Dans la crise diplomatique entre les gouvernements algérien et français, Boualem Sansal est l’otage des forces centrifuges de leurs extrémistes respectifs. D’un côté comme de l’autre, les surenchères, en apparence antagonistes mais qui se confortent mutuellement, convergent vers un même objectif : le divorce entre les deux pays pour en finir avec les querelles récurrentes.

Pour Emmanuel Macron, fragilisé par une dissolution suicide, la pression de l’extrême droite algérophobe a eu raison de sa neutralité dans le conflit du Sahara-Occidental ; il finira par s’aligner sur la position marocaine, déclenchant ainsi la colère des Algériens. Ce casus belli signe la fin de la lune de miel avec le président de la République algérienne, Abdelmadjid Tebboune, et conforte les islamo-nationalistes dans leur croisade contre « les traîtres francophones ».

Depuis la mise au pas, en 2020, du Hirak, le mouvement populaire pour le changement qui avait précipité la chute du président Bouteflika, son successeur multiplie les gages de bonne foi aux islamistes domestiqués, qui ont négocié leur soutien contre une influence grandissante dans les institutions. Avec une hégémonie déjà prégnante dans l’école, la justice et la culture, les partisans de l’unicisme arabo-islamique exigent davantage de concessions.

En accédant à leurs revendications, le pouvoir a pris le risque de mettre en péril les équilibres précaires d’une société plurielle, qui peine à retrouver ses marques après une décennie de terreur islamiste et de répression militaire qui n’a pas toujours fait dans le détail. Le résultat ne peut qu’attiser les frustrations : la liberté de conscience n’est plus garantie par la Constitution de 2020 ; le berbère, reconnu en 2016 comme « langue nationale et officielle », est réduit à son expression folklorique ; le français, ce « poison qui pollue l’âme nationale », est déjà banni au profit de l’anglais.

Une régurgitation de l’histoire qui s’impose

Cette guerre en différé contre « la France, ennemi d’hier et d’aujourd’hui », est une régurgitation de l’histoire qui a fini par s’imposer dans l’actualité. Héritière des oulémas, ce mouvement réformiste religieux qui s’était accommodé de l’ordre colonial s’il « respecte l’islam et la langue arabe », la coalition islamo-nationaliste peine à redorer un blason « révolutionnaire » qui est loin d’être glorieux. Dans cette fièvre patriotique, le récit consensuel sur la guerre d’indépendance est déboulonné par un révisionnisme outrancier.

Pour les historiens maison, qui tentent de réécrire le passé à l’aune des alliances du présent, l’insurrection du FLN [le Front de libération nationale, ndlr], le 1er novembre 1954, aurait « été ordonnée par Djamel Abdel Nasser, le raïs égyptien, et planifiée par les oulémas », qui avaient pourtant condamné le déclenchement de la lutte armée comme « une aventure irresponsable ». Même Djamila Bouhired, l’héroïne de la bataille d’Alger en 1957, est accusée par une courtisane aux protections haut placées d’être « une création de la France ».

Au cœur de ces luttes gigognes où les extrémistes des deux rives sont à la manœuvre, Boualem Sansal risque d’être broyé par la conjonction de calculs sournois. Le baiser de Judas de Marine Le Pen, de Philippe de Villiers, d’Eric Zemmour, et de tous les revanchards qui feignent de le défendre pour « faire plier l’Algérie », ne réussira en fin de compte qu’à exciter la répression, encourager le ralliement des indécis derrière les commissaires politiques qui ont dressé l’échafaud, et serrer un peu plus la corde autour du cou de l’écrivain.

Balisée par ces surenchères en miroir sur fond de guerre mémorielle, la voie de la justice et de la raison est étroite. Dans ce combat éthique qui interpelle les consciences, le devoir des démocrates algériens est d’être en première ligne. Pour la libération de Boualem Sansal et de tous les prisonniers d’opinion. Pour l’avenir de l’État de droit et le respect de nos libertés. Et pour l’honneur de l’Algérie, qui est « un idéal plus vaste que le cachot qu’elle est en train de devenir » (1).

(1) Extrait de l’Appel international à la libération du journaliste Ihsane el-Kadi  signé, en mai 2023, par une dizaine de personnalités, dont Noam Chomsky et Annie Ernaux, prix Nobel de littérature.

Arezki Aït-Larbi est journaliste free-lance, directeur de Koukou Éditions, maison d’édition algérienne spécialisée dans l’essai politique, le témoignage historique et le document d’actualité.

Source : Libération 07/12/2024 – https://www.liberation.fr/idees-et-debats/la-voie-etroite-des-democrates-algeriens-pour-soutenir-boualem-sansal-par-arezki-ait-larbi-20241207_Z3HEJ6YISFFU5C6LUKXHS2PCUE/?fbclid=IwY2xjawHCRDZleHRuA2FlbQIxMAABHW1GG8Y4QViWKJGwJEQ590fC1RkElILgIVcijOMbAdy_AxFRxPKymLQF5g_aem_FeNHSkytsK7PulSUfSqNqg

Relance : Appel du 4 mars 2024

Pour la reconnaissance des responsabilités de l’État dans le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie

Le lundi 4 mars 2024, à 11h, dans la salle Alfred Dreyfus de la Ligue des Droits de l’Homme, 138 rue Marcadet, à Paris, les associations soussignées ont présenté un appel aux autorités de la République pour la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans le recours à la torture durant la guerre d’Algérie.

Le recours à la torture reconnu, pourquoi demander de reconnaître la responsabilité de l’État ?

Engrenage de la violence et de la peur, il n’y a pas de guerre sans crimes de guerre et crimes contre l’humanité́, mais comme l’a écrit Jean-Paul Sartre, en 1958, dans le cours des événements s’agissant de la torture : « si rien ne protège une nation contre elle-même, ni son passé, ni ses fidélités, ni ses propres lois, s’il suffit de quinze ans pour changer en bourreaux les victimes, c’est que l’occasion décide seule, selon l’occasion n’importe qui, n’importe quand, deviendra victime ou bourreau. »[1] C’est l’implacable réalité́ que la guerre d’Algérie confirme. Contre le silence et le déni, s’engager dans la voie de la compréhension de l’engrenage répressif conduisant au recours à la torture, dont le viol est un instrument constitutif, n’est donc pas un acte de contrition, mais un acte de confiance dans les valeurs de la nation.

Il s’agit d’une initiative s’inscrivant dans les actions menées durant la guerre d’Algérie et depuis 1962, par les organisations présentes et d‘autres organisations, pour dénoncer le recours à la torture, comme système, luttes qui ont permis de sortir du déni.

– Par la reconnaissance, le 12 septembre 2018, par le Président de la République que « Maurice Audin a été torturé puis exécuté ou torturé à mort par des militaires qui l’avaient arrêté à son domicile, il reconnaît aussi que si sa mort est, en dernier ressort, le fait de quelques-uns, elle a néanmoins été rendue possible par un système, légalement institué : le ‘système arrestation-détention’, mis en place à la faveur des pouvoirs spéciaux qui avaient été confiés par la voie légale aux forces armées. » Puis par la reconnaissance, le 2 mars 2021, que Ali Boumendjel a, lui aussi, été « torturé et assassiné » par l’armée française.

– Et par le communiqué de l’Élysée du 18 octobre 2022 : « Nous reconnaissons avec lucidité́ que dans cette guerre il en est qui, mandatés par le gouvernement pour la gagner à tout prix, se sont placés hors la République. Cette minorité́ de combattants a répandu la terreur, perpétré́ la torture, envers et contre toutes les valeurs d’une République fondée sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. » C’est là, une reconnaissance d’une politique et de décisions prises dans le cadre des institutions de l’État, qui ont conduit à la violation du droit international humanitaire par la France lors de la guerre d’Algérie et de la décolonisation. Mais cette reconnaissance ne répond pas aux interrogations de Pierre Vidal-Naquet qui demande en 1962 dans La Raison d’État : « Comment déterminer le rôle, dans l’État futur, de la magistrature ou de l’armée ou de la police si nous ne savons pas d’abord comment l’État, en tant que tel, s’est comporté devant les problèmes posés par la répression de l’insurrection algérienne, comment il a été informé par ceux dont c’était la mission de l’informer, comment il a réagi en présence de ces informations, comment il a informé́ à son tour les citoyens ? »[2] D’où la volonté de nos organisations de demander clairement la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans le cours des événements et dans l’État futur, donc aujourd’hui.

Agir contre le colonialisme aujourd’hui, ACCA, 

Anciens appelés en Algérie et leurs Amis Contre la Guerre, 4acg,  

Association Française d’Amitié et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique, AFASPA, 

Association Josette & Maurice Audin, AJMA,

Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et leurs Amis, ANPNPA, 

Association 17 octobre contre l’oubli,

Association les Oranges,

Association pour la Taxation des opérations financières et pour l’Action Citoyenne, ATTAC

Association Républicaine des Anciens Combattants pour l’amitié, la solidarité, la mémoire l’antifascisme et la paix, ARAC, 

Au nom de la mémoire

Comité Vérité Justice Charonne

Forum France-Algérie

France-Amérique Latine, FAL,

Histoire coloniale et postcoloniale,

Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons,

Ligue de Droits de l’Homme, LDH

Mouvement de l’Objection de Conscience (Moc-Nancy)

Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples, MRAP

Mouvement de la Paix,

Non au Service National Universel,

Réfractaires Non Violents à la guerre d’Algérie, RNVA,

SOS Racisme

Pourquoi la responsabilité de l’État est-elle engagée par le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie ?

Cette responsabilité est engagée à cinq niveaux.

Premièrement, la doctrine de la guerre révolutionnaire, guerre psychologique se fondant sur le triptyque : « terroriser, retourner, pacifier », qui valide la torture, a été théorisée dans le cadre des écoles militaires par des officiers de retour d’Indochine, conceptualisant une doctrine « contre-révolutionnaire », se référant aux écrits sur la guerre de Sun Tzé, aux concepts « pour avoir le peuple de son côté » de Mao tsé-toung et aux théories fascistes du psychologue français Georges Sauge.

Les noms cités ci-dessous, plus qu’à titre personnel, le sont parce que leurs décisions, leurs actions ou leurs théories ont été prises, conduites ou conceptualisées dans le cadre de leurs fonctions, au sein d’instances politiques, militaires ou judiciaires de l’État.

Le principal théoricien de la doctrine de la guerre révolutionnaire fut le colonel Charles Lacheroy alors qu’il était directeur des études au sein du Centre d’études asiatiques et africaines (CEAA), devenu le Centre militaire d’information et de spécialisation pour l’outre-mer (CMISOM). Trois conférences du colonel Lacheroy : La campagne d’Indochine ou une leçon de guerre révolutionnaire, en 1954, Scénario type de guerre révolutionnaire en 1955 et en 1957, à la Sorbonne, Guerre révolutionnaire et arme psychologique, définissent, avec le label du ministère de la Défense, la doctrine française de la guerre révolutionnaire ou guerre psychologique

 

Le colonel Jean Nemo, auditeur à l’Institut des hautes études de la Défense nationale et le capitaine Jacques Hoggard, qui enseigne au Centre d’études asiatiques et africaines, qui seront promus généraux, furent aussi des théoriciens de la « guerre révolutionnaire. ».

 

Secondement, la théorie de la guerre révolutionnaire, dont la torture, comme l’a écrit Marie Monique Robin, est un pilier, a été enseignée dès 1955 à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, à l’Institut des hautes études de Défense nationale, à l’École d’état-major, à l’École supérieure de guerre sur décision du général Augustin Guillaume, Chef d’état-major des armées et lors de la guerre d’Algérie fut créé à Arzew, le Centre d’instruction à la pacification et à la contre-guérilla (CIPCG) par Charles Lacheroy et le général Salan, sur l’initiative de Jacques Chaban-Delmas, ministre de la Défense.

 

Troisièmement, en application du Décret sur les « pouvoirs spéciaux » du gouvernement Guy Mollet, le 8 janvier 1957, Robert Lacoste, ministre résident, transfert les pouvoirs de police à l’armée qui en application de la doctrine de la guerre révolutionnaire, pratique la torture comme système en Algérie. Le Centre de coordination interarmées (CCI) crée sous le commandement du colonel Godard, les DOP (Dispositifs opérationnels de protection), qui sont des centres de tortures pour l’obtention de renseignements. Le général Massu, le général Aussaresses, le colonel Trinquier, le commandant Bigeard, le commandant Léger et d’autres officiers supérieurs ont ordonné ou pratiqué la torture, parmi les exécutants les plus notoires on peut citer les capitaines Faulques et Devis et les lieutenants Charbonnier, Erulin, Le Pen. C’est dans le cadre de l’armée, institution étatique, qu’ils ont commandé ou commis des actes de torture.

Quatrièmement, l’usage de la torture comme système fut couvert dans le cours de la guerre d’Algérie par les Gouvernements successifs.Alors que ceux qui pratiquaient la torture étaient promus et décorés ceux qui la dénonçaient. Le général de Bollardière, fut condamné à 60 jours de forteresse, Claude Bourdet et Patrick Barrat, journalistes, arrêtés, Henri Marrou, universitaire, perquisitionné. La liste est longue des journalistes, universitaires, éditeurs, appelés et rappelés qui ont été jugés et condamnés par des tribunaux civils ou militaires, comme est longue la liste des journaux, revues et livres saisis et celle des associations et organisations poursuivies pour avoir informé et alerté le pouvoir et l’opinion publique.

L’usage de la torture fut aussi couvert par la fin de non-recevoir opposée à ceux qui alertaient de l’intérieur des organismes du pouvoir le gouvernement : Paul Teitgen, qui démissionna de son poste de secrétaire général de la Préfecture d’Alger, Pierre Delavignette, gouverneur général de la France d’outre-mer et Maurice Garçon qui ont démissionné de la Commission de sauvegarde ou Daniel Mayer de son poste de député pour ne citer qu’eux.

Cinquièmement, la torture fut exportée, la doctrine française de la guerre contre-révolutionnaire a été enseignée par des officiers français (Aussaresses, Trinquier …)  à l’école de guerre des Amériques à Panama et au Centre d’instruction dans la jungle de Manaus au Brésil qui formaient les officiers des armées d’Amérique du Sud et à Fort Bragg, les officiers états-uniens.

Le concept de « guerre psychologique » n’appartient pas au passé. Produit de « l’école française », le lieutenant-colonel David Galula est considéré aux États-Unis comme le « stratège du XXe siècle ». Après l’Algérie, David Galula, chercheur associé à Harvard, entre en contact avec Henry Kissinger et le général Westmoreland, commandant des opérations au Vietnam. Le livre de David Galula, Contre-insurrection : théorie et pratique, publié aux États-Unis en 2006, est le livre de référence du général David Petreaus, qui qualifie David Galula de « Clausewitz de la contre-insurrection » et a appliqué ses concepts en Irak et en Afghanistan.

La torture comme système de guerre a donc été théorisée, enseignée, pratiquée, couverte et exportée par les gouvernements français, ce qui engage pleinement la responsabilité de l’État signataire des Conventions de Genève. Répondre à cette responsabilité n’est pas un acte de repentance, mais une pédagogie citoyenne.


[1] Jean-Paul Sartre, Une Victoire, Éditions de Midi, 1958, avec La Question d’Henri Alleg, La Cité Éditeur, 1958.

[2] Pierre Vidal-Naquet, La Raison d’État, Éditions de Minuit, 1962.

Dossier « Sources de convictions » :  Appel du 4 mars

Tribune Le Monde 1er novembre 2024

Demande citoyenne de reconnaissance de la responsabilité de l’État dans le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie

Les conflits actuels ramènent nos consciences aux horreurs de la guerre. Lors de la guerre d’Algérie, de 1954 à 1962, des crimes ont été commis sous la responsabilité des plus hautes autorités françaises. Jean-Paul Sartre écrit alors : « Si rien ne protège une nation contre elle-même, ni son passé, ni ses fidélités, ni ses propres lois, s’il suffit de quinze ans pour changer en bourreaux les victimes, c’est que l’occasion décide seule, selon l’occasion n’importe qui, n’importe quand, deviendra victime ou bourreau. »

Dès 1962, dans La Raison d’État, Pierre Vidal-Naquet pose la question : « Comment déterminer le rôle, dans l’État futur, de la magistrature ou de l’armée ou de la police si nous ne savons pas d’abord comment l’État, en tant que tel, s’est comporté devant les problèmes posés par la répression de l’insurrection algérienne, comment il a été́ informé par ceux dont c’était la mission de l’informer, comment il a réagi en présence de ces informations, comment il a informé́ à son tour les citoyens ? »

À l’époque comme depuis, des voix se sont élevées pour réclamer que l’État français reconnaisse ses responsabilités dans le recours à la torture par les forces de l’ordre françaises. En 2000, l’Appel des douze, adressé au président de la République demandait de condamner ces pratiques par une déclaration publique. Cette exigence a été réitérée par l’Appel du 4 mars 2024 de vingt-quatre associations antiracistes, anticolonialistes et des droits de l’homme, demandant la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie[1]. Pour porter plus avant cette demande, en ces moments du 1er novembre 2024, quatre-vingt-trois citoyens et citoyennes rendent public leur soutien à l’Appel du 4 mars.

Le président de la République Emmanuel Macron a reconnu, en septembre 2018, l’assassinat en 1957 de Maurice Audin par les militaires français qui le détenaient. Il a reconnu en mars 2021 l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel lors de sa détention ; et un communiqué de l’Élysée du 18 octobre 2022 a déclaré : « Nous reconnaissons avec lucidité́ que dans cette guerre il en est qui, mandatés par le gouvernement pour la gagner à tout prix, se sont placés hors la République. Cette minorité de combattants a répandu la terreur, perpétré la torture, envers et contre toutes les valeurs d’une République fondée sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ».

La reconnaissance par l’Élysée de la pratique de la torture ne peut être imputée à une minorité de combattants français ayant agi à l’encontre des valeurs de la République, elle n’explique pas des dysfonctionnements de l’État et de ses institutions militaires, administratives et judiciaires. Il n’est toujours pas répondu à la question, comment, quelques années après la défaite du nazisme, a-t-il été possible que soit conceptualisée, enseignée, pratiquée et couverte, une théorie : la « guerre contre-révolutionnaire », justifiant le recours à la torture avec l’aval ou le silence de l’État, de l’armée et de la justice.

Cette doctrine se fondant sur le triptyque : « terroriser, retourner, pacifier », qui valide et justifie la torture, a été théorisée par des officiers de retour de la guerre d’Indochine, notamment le colonel Charles Lacheroy dont la conférence Scénario-type de guerre révolutionnaire a été publiée en 1955 sous l’égide du ministère de la Défense.

Enseignée dans les écoles militaires, elle sera mise en œuvre quand Robert Lacoste, ministre résidant du gouvernement Guy Mollet, transfère le 8 janvier 1957, les pouvoirs de police à une armée dont la doctrine légitime la torture pour l’obtention de renseignements. Il est créé à Arzew le Centre d’instruction à la pacification et à la contre-guérilla (CIPCG) et par le Centre de coordination interarmées (CCI), les DOP (Dispositifs opérationnels de protection), qui sont des écoles et centres de tortures.

Dans l’armée, ceux qui pratiquent la torture sont promus et décorés, ceux qui la dénoncent condamnés, à l’exemple du général de Bollardière. Au sein de l’État, des mesures administratives ou disciplinaires sont prises à l’encontre de ceux qui alertent leur hiérarchie. Dénonçant le déshonneur, Paul Teitgen a démissionné de son poste de secrétaire général de la Préfecture d’Alger, Robert Delavignette, gouverneur général de la France d’outre-mer et Maurice Garçon de la Commission de sauvegarde des droits et libertés individuels qui ne remplissait pas son rôle et Daniel Mayer de son poste de député. La liste est longue des avocats, journalistes, universitaires, éditeurs inculpés et condamnés par des tribunaux civils ou militaires, comme est longue la liste des journaux, revues et livres saisis et des organisations poursuivies pour avoir informé et alerté le pouvoir et l’opinion publique.

Signataire de l’Appel du 4 mars, Henri Leclerc, récemment disparu, a mis en garde : « L’État n’est ni fasciste ni raciste, mais il y a une faiblesse dans son contrôle qui permet le pire ». Le pire, symbolisé par la pratique de la torture durant la guerre d’Algérie. La reconnaissance que la torture a été théorisée, enseignée, pratiquée, couverte et exportée par les gouvernements d’un État signataire des Conventions de Genève est indispensable pour notre présent et notre avenir. Sans un retour sur cette page sombre de son histoire, rien ne préserve la République française de retomber dans les mêmes dérives. Il ne s’agit pas de repentance, mais d’un acte de réaffirmation et de confiance dans les valeurs de la nation.

C’est cette claire reconnaissance au plus haut niveau de l’État et ce travail de recherches historiques et juridiques que demandent les citoyens et citoyennes signataires de l’Appel du 4 mars de 24 associations pour la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie.


[1] https://appel4mars.fr/docutils.html

Signataires de l’Appel du 4 mars pour la reconnaissance de de la responsabilité de l’État dans le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie

Linda Amiri, Maître de conférences en Histoire contemporaine, Université de Guyane

Chaouki Adjali, Économiste retraité

Nils Andersson, Ancien éditeur, président de l’Association Contre le Colonialisme Aujourd’hui (ACCA)

Charles Arambourou, Agrégé de Lettres classiques, ancien élève de l’ENA, magistrat honoraire – militant laïque

Samia Arhab, Journaliste, travail de mémoire Mon Algérie à moi

Francis Arzalier, Historien, membre de l’Association Française d’Amitié et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique (AFASPA)

Bertrand Badie, Professeur émérite des universités

Patrick Baudouin, Avocat, Président d’Honneur de la Ligue des Droits de l’Homme (FIDH) et de la Ligue Internationale des Droits de l’Homme (LDH)

Florence Beaugé, Journaliste, auteur de Algérie, une guerre sans gloire

Bachir Ben Barka, Président de l’Institut Mehdi Ben Barka – mémoire vivante

Sarah Benilman, Auteur des podcasts Mazal

Michel Berthélémy, Ancien appelé à la guerre d’Algérie, membre de la 4acg. Association des Anciens Appelés en Algérie et leurs Ami.e.s Contre la Guerre

Colette Bocher, Professeure agrégée d’EPS (émérite), communiste (PCF), féministe, syndicaliste (SNEP/FSU), anticolonialiste.

Armelle Bothorel-de-Bollardière, Membre de la 4ACG, Association des Anciens Appelés en Algérie et leurs Ami.e.s Contre la Guerre

Romano Bottinelli, Réalisateur

Mehdi Boumendjel, Petit-fils d’Ali Boumendjel, avocat, pacifiste, torturé et assassiné pendant la guerre d’Algérie

Mustapha Boutadjine, Plasticien

José Bové, Ancien député européen

Rony Brauman, Médecin, essayiste, ancien président de Médecin sans frontières

Andrea Brazzoduro, Historien, MCF en histoire, Université de Naples L’Orientale

Catherine Brun, Professeure de littérature, Université Sorbonne Nouvelle

Rafael Casado, Responsable de l’Association Contre le Colonialisme Aujourd’hui (ACCA)

Gérard Chaliand, Spécialiste des guerres irrégulières

Alice Cherki, Psychiatre, essayiste

Jacques Choukroun, Historien

Vanessa Codaccioni, Professeure au département de science politique de l’Université Paris8. Référente handicap, Co-responsable du Master de science politique

Geneviève Coudrais, Avocate retraitée, militante pour les droits humains et contre le colonialisme (Algérie hier, Palestine aujourd’hui)

Laurent Dauré, Journaliste, membre du comité Assange

Marion de-Bollardière, Membre de la 4ACG Association des Anciens Appelés en Algérie et leurs Ami.e.s Contre la Guerre

Michèle Decaster, Secrétaire général de l’Association Française d’Amitié et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique (AFASPA)

François Demerliac, Documentariste, membre de l’Association Josette et Maurice Audin (AJMA)

Ouardia Faraoun, Membre de la direction de l’Association Contre le Colonialisme Aujourd’hui (ACCA)

Ouarda Feraoun-Tamine, Psychologue clinicienne à la retraite

Joelle Fontaine, Historienne 

Khaled Gallinari, Enseignant

André Gazut, Réalisateur, déserteur en 1960, rejoint Jeune Résistance

Julien Hage, Maître de conférences à l’université de Nanterre

Arlette Heymann-Doat, Professeure émérite de droit public, université Paris- Saclay  

Stanislas Hutin, Membre de la 4ACG, maintenu sous les drapeaux en 1955. A révélé publiquement la torture dès juin 1956 dans la revue « Action populaire » et en 1957 dans « Des rappelés témoignent ».

Annick Jullion, Membre de la 4ACG, Association des Anciens Appelés en Algérie et leurs Ami.e.s Contre la Guerre

Christophe Lafaye, Docteur en histoire de l’université d’Aix-Marseille et archiviste, chercheur associé au LIR3S de l’université de Bourgogne

Jean Lagrave, Insoumis, emprisonné lors de la guerre d’Algérie

Rose-Marie Lagrave, Sociologue, directrice d’études à l’EHESS Paris, autrice de Se ressaisir. Enquête autobiographique d’une transfuge de classe féministe

Nicolas Lambert, Auteur, metteur en scène

Simon Lanot, Historien

Henri Leclerc, Avocat, Président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH)

Olivier Le Cour Grandmaison, Universitaire

Alban Liechti, Soldat du refus, signataire de l’Appel des 12

Christian Mahieux, Syndicaliste SUD-Rail [Solidaires], éditeur (Syllepse)

Gilles Manceron, Historien, vice-président de l’Association Josette et Maurice Audin (AJMA)

Pierre Mansat, Ancien président de l’Association Josette et Maurice Audin (AJMA)

Laura Michelin, Chargée de mission au sein de SOS Racisme, Responsable du projet « Regards croisés et testings »

Paul-Max Morin, Docteur en sciences politiques, chercheur associé à Sciences Po, enseignant à l’Université de Nice-Côte d’Azur

Claire Mauss-Copeaux, Historienne de la guerre d’Algérie et chercheuse fuori strada

Mozzani Annie-Claude, Secrétaire générale de l’Association Contre le Colonialisme Aujourd’hui (ACCA)

Roland Nivet, Porte-parole national du Mouvement de la Paix

Tony Orengo, Réfractaire non violent à la guerre d’Algérie. Président des réfractaires non-violents

Jean-Philippe Ould Aoudia, Président de l’association « Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons »

Héliette Paris, Française d’Algérie au temps de la guerre d’Algérie

Serge Perrin, responsable légal du Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN)

Christian Phéline, Essayiste et historien de l’Algérie

Edwy Plenel, Journaliste, cofondateur de Mediapart.

Henri Pouillot, Appelé pendant la guerre d’Algérie, témoin de la torture, militant anticolonialiste-antiraciste

Jacques Pradel : Président de l’Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et leurs Ami.e.s (ANPNPA)

Patrick Radjef, Militant associatif Forum France Algérie

Tarek Lucien Radjef, Insoumis 1958. Ingénieur électronicien. Retraité.

Jean-Pierre Renaudat, Association RépublicAine des Combattants pour l’amitié, la solidarité, la mémoirel’antifascisme et la paix (ARAC)

Fabrice Riceputi, Historien, animateur du projet « Mille autres », sur la disparition forcée, la torture et les exécutions sommaires à Alger en 1957

Alain Ruscio, Historien spécialiste des colonisations

André Salem, Enseignant-chercheur retraité, membre de la direction de l’Association Contre le Colonialisme Aujourd’hui (ACCA)

Alberto Segre, Cinéaste

Robert Simeon-Cadot, Réfractaire non-violent à la guerre d’Algérie

Jeanette Simon, Enseignante retraitée

Anne Simonin, Chargée de recherches au CNRS,Historienne des Éditions de Minuit

Evelyne Sire-Marin, Magistrat honoraire, vice-présidente de la Ligue de Droits de l’Homme (LDH)

Dominique Sopo, Président de SOS Racisme

Benjamin Stora, Historien

Nathalie Tehio, Présidente de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH)

Catherine Teitgen-Colly, Professeure émérite de droit public, Université Paris1 Panthéon-Sorbonne

Christian Terras, Directeur des éditions Golias

Christian Travers, Ancien appelé en Algérie, membre de la 4ACG, Association des Anciens Appelés en Algérie et leurs Ami.e.s Contre la Guerre

Lydie Vinck, Membre de la direction de l’Association Contre le Colonialisme Aujourd’hui (ACCA)

Farid Yaker, Militant associatif, président du Forum France-Algérie

Nous rendons hommage et fidélité à la mémoire de Jean Lagrave, Henri Leclerc et Alban Liechti disparus, leurs signatures sont précieuses.

Une guerre dans la guerre : la lutte FLN/MNA en France – Kader Abderrahim

Un combat fratricide

La Fédération de France du F.L.N. a joué un rôle déterminant durant la guerre de libération nationale. Sans son concours financier, le Front de Libération Nationale n’aurait pas été ce qu’il fut. Cependant, la crise, interne, du Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD), débouche sur une crise externe avec le Front de libération national (FLN), ce qui a généré des tensions dans un contexte dans lequel les messalistes étaient majoritaires dans l’émigration. Des cellules FLN sont constituées dans toutes les régions françaises sous la férule de Mohamed Boudiaf. C’est à partir de cette implantation, nouvelle, dans l’émigration algérienne que le FLN engage, une autre guerre, d’abord politique, puis militaire, pour l’hégémonie au sein des Algériens de France en opposition au MTLD.

Tout commence avec la venue de Mohamed Boudiaf en Janvier 1955 au Luxembourg. Émissaire du FLN, ce dernier organise un meeting rassemblant quelques dizaines d’Algériens auxquels il donne quelques orientations en clarifiant certains points sur le déclenchement de la lutte armée. Son périple le conduit également en Suisse, où il s’entretiendra avec Mourad Terbouche, responsable régional du MTLD, qu’il charge de constituer, à Paris, le premier noyau de la future Fédération. Les deux hommes n’eurent aucune peine à se mettre d’accord sur l’importance et l’urgence qu’il y avait à implanter une puissante organisation en France. Mohamed Boudiaf remit alors à Mourad Terbouche une importante somme d’argent et un exemplaire de la Proclamation du 1er novembre 1954.

De retour à Paris, Mourad Terbouche rencontre Boudjema Hamimi, un ancien responsable du MTLD de Nancy. Les deux hommes décident d’organiser une rencontre élargie à quelques anciens militants du MTLD.

L’hexagone devient le théâtre d’un affrontement meurtrier entre le Front de libération nationale (FLN) et son rival, le Mouvement nationaliste algérien (MNA), héritier de l’Etoile nord-africaine créée, en 1926 à Paris, par Messali Hadj. Une guerre fratricide qui aurait fait, selon les chiffres officiels des autorités françaises,près de 4000 morts et 10 223 blessés dans les deux camps entre 1956 et 1962. Éliminé physiquement par le FLN, le MNA sera ensuite effacé de la mémoire algérienne.

En France, des cadres de l’Union des syndicats des travailleurs algériens (USTA), proches du MNA, seront assassinés de 1957 à 1959 par le FLN. Le 17 septembre 1959, un groupe armé du Front de libération nationale (FLN), tentera d’assassiner Messali Hadj, le dirigeant nationaliste, à Gouvieux, dans l’Oise. Cet attentat manqué contre le pionnier de la cause indépendantiste algérienne constitue un épisode marquant de la compétition violente que se livrent les organisations nationalistes, qui sont passées de la rivalité à un combat fratricide, en lutte contre le colonialisme français.

L’argent de l’immigration 

Durant toute la guerre d’Algérie, la lutte entre le FLN et le MNA est féroce pour obtenir l’adhésion des Algériens travaillant en France. En jeu, s’imposer à la table des négociations avec de Gaulle et surtout mettre la main sur l’argent récolté au sein de l’immigration, qui finance l’achat d’armes du FLN. L’impôt FLN est d’environ 8% du salaire. En 1960, il représente 80% du budget du FLN. Un individu qui persiste à refuser de payer sa cotisation mensuelle, au FLN, peut être éliminé par des commandos du mouvement.

Le FLN, minoritaire en 1955, s’impose peu à peu par la force contre son rival en France : règlements de comptes sanglants (mitraillages de cafés, liquidations physiques, attentats ciblés) vont faire plusieurs milliers de morts et blessés. Pour se protéger, les partisans du MNA se regroupent par quartiers ou par hôtels. Certaines rues comprennent des hôtels FLN ou des hôtels MNA. La police effectue des barrages la nuit sur certains axes pour séparer les deux camps et, à la fin de la guerre, pour protéger le MNA. Sorti vainqueur de son affrontement avec le MNA, le FLN mène en parallèle la lutte contre les services de police français.

30 années de lutte nationaliste 

Messali Hadj incarne de 1926 à 1958 la cause nationaliste malgré les persécutions politiques infligées par les gouvernements français, de droite comme de gauche. Son prestige commence toutefois à pâlir avec son refus de rejoindre une organisation constituée en 1955 « à ses dépens », selon lui: le Front de libération nationale. Après la guerre, la propagande du gouvernement algérien ne glorifiera que le FLN, le MNA est absent de l’historiographie algérienne.

C’est deux mois après l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle le 1er juin 1958, que les dirigeants de la fédération de France du FLN, réunis à Cologne en Allemagne, décident d’étendre la lutte armée sur le territoire français. Le FLN lance en septembre ses premières attaques contre les dépôts de carburant. Les stocks de Marseille, Rouen, Gennevilliers, Vitry, Toulouse sont en flammes. Des voies ferrées sont sabotées, des commissariats attaqués.

Ces quelque 250 attaques et sabotages feront 88 morts et 180 blessés. Le préfet de Paris Maurice Papon décrète et impose en octobre 1961 un couvre-feu aux Algériens. Afin de le dénoncer, le FLN lance un appel à manifester à Paris, le 17 octobre 1961. La manifestation pacifique sera violemment réprimée.

Source : Histoire coloniale et postcoloniale

https://histoirecoloniale.net/reflexions-sur-la-guerre-dindependance-algerienne-2-la-lutte-fln-mna-en-france/

En complément : Les éditions Syllepse ont réédité en octobre 2024 un ouvrage majeur publié en 1981 et épuisé depuis longtemps du grand historien algérien Mohamed Harbi, Le FLN. Mirage et réalité. Des origines à la prise de pouvoir (1945-1962).

https://www.syllepse.net/fln-mirage-et-realite-_r_65_i_1096.html

Guerre d’Algérie : Le Pen, le fascisme français et la matrice coloniale – Fabrice Riceputi et Ugo Palheta

Dans cet épisode du podcast « Minuit dans le siècle », Ugo Palheta reçoit l’historien Fabrice Riceputi, spécialiste de la guerre d’Algérie et auteur d’un livre récent sur le sujet (Le Pen et la torture. Alger, 1957, l’histoire contre l’oubli, éditions du Passager clandestin, en partenariat avec Mediapart, 2024).

Ensemble, ils font le point sur la question de l’usage de la torture par le colonialisme français, en Algérie, et de la participation de Jean-Marie Le Pen à la grande répression d’Alger en 1957. Cela leur permet de revenir sur la question des origines de l’extrême droite française et, plus largement, des rapports entre colonialisme et fascisme.

Podcast : https://spectremedia.org/podcast/la-matrice-coloniale-le-pen-et-le-fascisme-francais/?episode=1918 (1h14)