Une ferme en Algérie. L’enracinement paradoxal 1871-1999 – Didier Guignard, CNRS éditions, 662 p. Ouvrage publié avec le soutien de l’IREMAM

À l’automne 1934, un contremaître européen tue un saisonnier algérien dans une ferme coloniale de Basse Kabylie. Ce drame nous fait entrer dans une histoire rurale et sociale plus longue, celle d’une exploitation agricole et de ses occupants, entre l’insurrection algérienne de 1871 et la fin des années 1990.
L’enquête de Didier Guignard explore les multiples facettes et mutations de ce domaine, soumis aux aléas de la conjoncture économique et politique, aux relations changeantes entre donneurs d’ordres et exécutants, et qui, pourtant, dans la durée, déroule un même fil inattendu.
Car, en dépit d’une violence récurrente, des familles dépossédées par la colonisation maintiennent ici leur ancrage et se réapproprient ce morceau de plaine d’autres manières. Au gré des compétences et des alliances, hommes et femmes y consolident leur place de domestiques ou d’ouvriers, combinent leurs maigres salaires avec les fruits de quelques parcelles en bordure de domaine. Certains proposent même aux maîtres leurs services comme entrepreneurs agricoles ou marchands de récoltes. Seuls la nationalisation des fermes européennes après 1962 et le terrorisme islamiste de la « décennie noire » les obligeront à se retirer, au moins partiellement, des lieux qui leur sont chers.
Didier Guignard est chargé de recherche au CNRS, rattaché à l’Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans (IREMAM) à Aix-en-Provence et HDR en histoire contemporaine.