Préface : Kaoutar Harchi
Présentation de l’éditeur
« Parmi les membres de la nation, il y a ceux qui lui seraient originellement liés et en seraient les membres authentiques – ce sont les garants de son intégrité – et puis les autres, dont le lien est construit et donc artificiel. »
À l’époque coloniale, le corps indigène est soumis à un état d’exception permanent. Ce procédé est au cœur de l’institution de l’indigénat. Sur le plan juridique et politique, le sénatus-consulte rend le droit musulman et les coutumes des colonisés incompatibles avec la moralité républicaine, tandis que sur le plan culturel, le colonisé est représenté comme indigne de la qualité de citoyen – bien qu’il soit membre de la nation française. Inclus en tant qu’exclu, il se trouve assujetti à un régime légal qui établit au cœur de l’État de droit une suspension du principe d’égalité.
Cette exception juridique et politique n’a toutefois pas disparu avec la décolonisation, comme le montre la fréquence des crimes policiers dans les quartiers populaires ou le caractère xénophobe et répressif des lois successives sur l’immigration. Les représentations discriminantes demeurent vivaces dans la société française d’aujourd’hui, et la violence institutionnalisée s’abat depuis des décennies sur les populations issues des anciennes colonies. Le Corps d’exception fait la démonstration implacable de cette continuité.
Sidi Mohammed Barkat est philosophe. Ancien directeur de programme au Collège international de philosophie, il a dirigé l’ouvrage collectif Des Français contre la terreur d’État. Algérie 1954‐1962 (Reflex, 2002) et a publié plus récemment Le Travail en trompe-l’œil (Rojos, 2015).
Éditions Amsterdam – 176 pages – ISBN 9782354802929